Printemps silencieux et silence suspect des Verts

A propos du Tramway Tourangeau

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La « discipline politicienne » est l’une des caractéristiques dominante du fonctionnement normal des « démocraties parlementaires », mais en certaine période de crise politique elle peut devenir la pire complicité passive prémonitoire du totalitarisme…

Aucun regard n’a su percevoir l’ampleur de l’hécatombe. Aucune voix ne s’est fait entendre dans les instances décisionnelles… Plus de mille arbres rayés du paysage de la ville… Qui peut croire une chose pareille ?
Qui peut croire, qu’aucune main ne se soit levée, ne serait-ce que pour poser une question, que pour exprimer un simple doute, pour faire sentir un malaise, communiquer une angoisse ou une crainte ?

Dans l’histoire de l’Europe du 20e siècle, il y a un exemple mémorable de cette « discipline politicienne », le vote unanime des crédits militaires à l’origine de la première hécatombe européenne de l’époque contemporaine. La famille « social-démocrate » de cette époque s’est retrouvée comme dans un cauchemar, l’impensable est passé comme une lettre à la poste par le simple jeu des disciplines de parti, « la guerre votée à l’unanimité »…

Dans le décor d’opérette de la ville de Tours, on en est loin de la Grande Histoire, même si l’autocrate local a de grandes ambitions nationales.

Officiellement, il n’y a pas de problème, il ne s’agit que de mille arbres à abattre, pour la « bonne cause »: embellir la ville d’un « quatrième paysage ». C’est ainsi que l’organe de propagande de l’agglomération parle de son futur tramway : « un quatrième paysage », « il sera tel un curseur glissant sur sa ligne ».(1)

L’autocrate local et son aréopage de sbires diplômés, de technocrates à haut niveau d’étude peuvent vouloir, en toute logique élémentaire de pouvoir, une hécatombe d’arbres et un tramway à la fois. Faire de tout arbre un cadavre à la gloire d’une machine « glissant » triomphale, « tel un curseur sur sa ligne » en symbolisant le prestige technologique futur de la ville.

Mais ses alliés politiques, et plus particulièrement ceux de couleur « verte » peuvent-ils rester silencieux devant ce désastre inexplicable, sans justification ni sociale ni technique seulement esthétique ? Les arbres sont en effet susceptibles de faire de l’ombre au « curseur du quatrième paysage »…  Pourquoi ce silence persistant des « Verts »?

Le Grenelle de l’environnement et ses « lavandières vertes »

On ne peut pas reprocher aux « Verts » de n’avoir aucune « conscience écologique » de la situation ; puisque l’écologie est en pleine mutation. Au niveau national, la plupart des grandes associations naturalistes et environnementales se sont activement reconverties dans le « greenwashing » des transnationales ou des diverses institutions politiques nationales. Les lavandières associatives sont débordantes de « bonne volonté », elles ont du « linge sale sur la planche » et l’importance de leurs tâches ne semble pas les rebuter. Le Grenelle de l’environnement leur a fait bien comprendre leur avenir économique dans le « blanchiment écologique ». Il y a en effet beaucoup de grands chantiers en projet, des autoroutes et des lignes TGV seront à « blanchir » avec des partenariats « verts » en perspective…

Cependant, par une affreuse malchance pour le parti « Vert » local, cette mobilisation générale unanime et euphorique dans les grandes « lessives vertes » nationales, compte une petite exception locale. Inespérée pour les arbres encore survivant… Cette voix dissonante, s’élevant au dessus du ronronnement des machines du « greenwashing » bien lancé, est surtout très compromettante pour la crédibilité écologique du parti « Vert » local.

Une association naturaliste et environnementale, pourtant très favorable au tramway, a exprimé ses doutes et ses craintes, sa forte déception quant à la fonction et à l’intégration de cette machine dans le paysage de la ville. Sa déposition lors de la commission d’enquête est accessible par « monsieur tout le monde ».(2)

Très éloigné de toute préoccupation politique ou de toute démarche partisane (comme l’article que vous lisez ici), ce texte court est accablant pour le projet de tramway imposé. Dans ce contexte, le silence politicien persistant des « Verts » en devient encore plus retentissant.

Un tramway lancé contre la biodiversité, cela devrait faire beaucoup de bruit dans le landerneau « écolo » tourangeau. Mais dans les instances décisionnelles, les « élus verts » se taisent.

Mutisme complice et Printemps silencieux

Il ne faut pas croire qu’un arbre soit une entité isolée, gérable et jetable comme un quelconque produit manufacturé.

Un autocrate dans l’exercice du pouvoir peut se permettre de penser une chose pareille, c’est son droit le plus absolu et même sa raison d’être politique.

Cependant son aréopage de sbires technocratiques experts en « espaces verts » ou en « politiquement correct » aurait dû flairer l’éventualité d’un problème.

En toute logique aussi, il aurait dû en être de même pour les alliés « Verts »: signaler à l’autocrate un « dérapage inacceptable du tramway », un désastre incompréhensible dans les platebandes patrimoniales de la ville.

Et, dans l’hypothèse où l’élu suprême persiste à faire la sourde oreille, ils auraient dû au moins avoir la politesse d’être à l’écoute des plaintes écologistes en provenance du peuple et des associations naturalistes.

Un arbre, quel qu’il soit et à fortiori un grand arbre (ou encore une communauté d’arbres), est d’emblée un véritable écosystème, un biotope à part entière et un habitat pour d’autres espèces vivantes, un lieu de repos, un lieu de rassemblement et de nourrissage pour de nombreuses espèces de passereaux communs des villes. Ce genre de choses est aujourd’hui enseigné dans la plupart des classes, dès l’école primaire.

On peut accepter qu’un vieil autocrate, les yeux rivés sur sa carrière personnelle puisse dans l’aveuglement de son ambition politique considérer comme futiles ces choses apprises à la maternelle. Mais des élus « Verts »? C’est quand même leurs notions culturelles d’origine !

Avec son contingent macabre de plus de mille arbres à abattre, le tramway tourangeau va procéder à une brutale et massive « réduction de biomasse » sur l’agglomération. Associé à l’explosion soudaine des émissions de « gaz à effet de serre » liées aux travaux de terrassement, on peut dire, sans exagération que les aspects environnementaux ont tout simplement été oubliés dans ce projet.

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Pour ce qui est du maire, c’est pas son problème; « il s’en fout ! ». Par contre, le silence politicien des Verts, persistant après les dépositions à la commission d’enquête, est retentissant. Ils ne sont pourtant pas sensés considérer ces notions d’écologie tout juste bonne à remplir les programmes scolaires pour « sensibiliser les enfants au respect de la nature ».

Une presse non muselée à la botte de l’état major

Si les verts se taisent, la presse, elle, vocifère. Elle est désormais ouvertement à la botte de l’état major. Ce n’est pas la Grande Guerre, mais en face d’un « ennemi intérieur », la presse sait d’instinct ce qu’elle doit faire et le fait bien.

Si les élus « Verts » sont contraints à un mutisme complice, la presse elle est non muselée. Libre, elle s’exprime, conformément à ce qu’il faut attendre en situation de crise et de tension. S’étant librement mise au service de l’état-major, elle s’exprime maintenant à sens unique. C’est là sa discipline politique à elle, toujours envers l’état major.

Lors du « coup de force » de l’état major municipal avenue de l’Europe, la Presse est venue lui prêter main forte. En lui assurant son savoir faire en matière de guerre psychologique pour imposer la résignation devant les opérations d’abattage.

L’article de l’état major qui scelle le sort des arbres avenue de l’Europe et qui impose la résignation de la population devant des nécessités techniques est écrit par la Nouvelle République, comme un « avis à la population »: « Europe : pourquoi le tram va couper des arbres »… « Une campagne d’abattage d’arbres sera lancée, la semaine prochaine, dans le quartier de l’Europe. La raison ? Les travaux sur les réseaux pour le tram… Réseaux et racines ne font pas bon ménage ». (3)

Pour épargner l’état major d’une tache ingrate, annoncer l’imminence du massacre avenue de l’Europe, la presse a pris à sa charge de faire tomber la condamnation irrévocable. Elle a présenté le motif, le pourquoi et les détails pour les victimes : « chiffre clé 111 coupes, 83 liquidambars, 15 cèdres, 13 prunus », des promesses de replantations sont signalées.

Dans cet article on signale aussi l’expression de la « grogne d’un blogueur tourangeau » (4) qui conteste le bien fondé du projet des autorités, mais dans le ton général du texte le lecteur comprend aisément qu’il ne s’agit que d’un élément isolé et turbulent, incapable de comprendre la nécessité d’abattre des arbres.

« Printemps silencieux »

« Les Verts » se taisent par discipline politicienne et la presse, encore par discipline, vocifère à pleines pages les impératifs techniques condamnant les arbres, sur le passage du tramway. Ils préparent a leur manière les futurs « Printemps silencieux » dans de nombreux quartier de la ville.

L’histoire se répète de manière bizarre mais elle reste toujours l’expression de l’arbitraire.

Dans les années 1950 sur le territoire des États-Unis d’Amérique on pulvérisait de manière massive et par avion des pesticides sur les villes et forêts. Une sorte de répétition générale de la guerre du Vietnam. Le motif officiel avancé par l’administration : « protéger les arbres des maladies ». « Détruire par des insecticides les insectes parasites » était la logique scientifique générale de cette époque. La conséquence de cette certitude scientifique « incontestable » aux yeux de l’administration, a été une hécatombe d’oiseaux et de poisons. Un véritable désastre écologique marquant un tournant dans l’histoire de l’évolution des espèces.(5)

Dans le décor d’opérette de la Touraine avec son autocrate local les yeux rivés sur sa carrière, on est loin de la Grande Histoire. Mais l’arbitraire reste l’arbitraire quelles que soient les circonstances et, comme par atavisme, il se débrouille toujours pour s’exprimer par des hécatombes.

Plus de mille arbres rayés du paysage de la ville… Qui peut croire une chose pareille ?

Les Verts se taisent et la presse vocifère… Par discipline envers l’état major municipal et quoi qu’il en coûte à l’écosystème urbain, ils ne souhaitent qu’une chose : l’avènement d’une machine supplémentaire dans la ville.

Si la « bonne société médiatico-politique » s’est mise à la botte de l’état major et attend admirative son « quatrième paysage tel un curseur glissant sur ligne », il est d’autres habitants fréquentant les arbres de la ville qui ne soupçonnent pas ce qui ce trame contre eux.

Pour la dizaine de passereaux communs et autres familles d’oiseaux des villes, cette réduction de biomasse représente une perte importante d’habitat. Pour toutes ces espèces dont certaines sont sensées être protégées aujourd’hui, victimes du « curseur » avec son contingent des milles arbres abattus, leur espérance de vie ne leur permettra pas de connaître la promesse du cri de guerre des tronçonneuses: « on replantera des arbres ! »

Pour 2011 et 2012, les quartiers frappés par l’arrivée du tramway vivront au rythme du vacarme des engins de chantiers. Puis, pour les années suivantes ce sera un « Printemps silencieux », le « bing, bling » débile mais « labellisé » du tramway comblera « le silence des oiseaux ». C’est ce que pense certainement l’état major municipal, en parlant de « quatrième paysage ».

Tours le 10 octobre 2010

JMS

(1) Tour(s)plus mag n°33 quatrième trimestre 2010.
(2) Tramway et arbres à Tours voir le rapport de la Sépante à la commission d’enquête.
(3) Nouvelle République : Europe : pourquoi le tram va couper des arbres –
(4) voir note (2)
(5) « Printemps silencieux » Rachel Carson, Ed. Plon 1963