La seconde conférence organisée dans le cadre (sic !) de l’exposition « En selle du Vélocipède au Velhop » donnait la parole à Jean Chaumien. Acteur incontournable de la promotion du vélo à Strasbourg, il a présenté au public un historique de ses actions et de celles de l’association CADR 67 (Comité d’Action Deux Roues 67) qui depuis près de 40 ans milite pour que le vélo ait droit de cité dans la capitale alsacienne, en France et en Europe…
La genèse de l’association
Jean Chaumien est pasteur au début des années 1970 lorsqu’il enterre une jeune cycliste mère de famille décédée lors d’un accident de la circulation à Strasbourg. Il décide alors de débuter une action pour renforcer le droit des cyclistes vis à vis d’un code de la route qui n’est fait que pour les véhicules motorisés. Il s’engage ainsi dans une lutte contre la société mécanisée qui repose sur les valeurs de vitesse, de performance et de croissance. En mai 1975, il crée un groupe de pression associatif, le CADR (Comité d’actions deux roues) qu’il présidera jusqu’en 2012. Le CADR est ainsi la seconde association française de cyclistes urbains après le MDB (Mouvement de Défense de la Bicyclette) parisien qui a vu le jour en 1974.
Vers la reconnaissance de l’association
En 1977, lors d’une réunion publique, Jean Chaumien interpelle directement le Maire de Strasbourg, Pierre Pfmilin, sur la place du vélo en ville. Son intervention fera prendre conscience du besoin d’aménagements cyclables de qualité et entrainera le lancement du premier schéma directeur vélo de l’agglomération qui sera approuvé en 1978. Ce document avait pour objectif principal de réaliser des aménagements cyclables pour les déplacements quotidiens. En mars 1979, le CADR lance la publication de «Vélocité» une revue à destination de ses membres dont certaines couvertures illustrant cet article feront beaucoup parler….
Au début des années 1980, Jean Chaumien s’impose à Paris dans les réunions avec le Ministre de transports et demande de l’attention et une aide financière pour le développement du vélo en ville. Il apprend alors l’existence d’une ligne budgétaire pour le développement du vélo qu’il s’empresse de faire connaître à Pierre Pfimlin. Celle-ci sera supprimée en 1982. Le CADR est contacté par la CUS (Communauté urbaine de Strasbourg) en 1981 pour participer à un groupe de travail sur le développement des aménagements cyclables de l’agglomération. Un premier constat est vite fait, le manque de connaissance des élus et des techniciens sur les infrastructures cyclables. Pour remédier à ces lacunes, l’association organise l’année suivante un voyage d’étude à Amsterdam avec quelques ingénieurs de la CUS.
En 1982, Jean Chaumien, arrive à persuader Pierre Pfimlin que le double sens cyclable n’est pas dangereux. Le premier magistrat prend alors la décision de mener une expérimentation d’un an dans quelques rues du centre ville malgré l’avis contraires de ses services. Les résultats étant largement positifs, la mesure sera progressivement étendue dans de nombreuses rues de Strasbourg. En 1983, Marcel Rudlof est élu Maire de Strasbourg et Président de la CUS. Il découvre les problèmes des cyclistes et reconnait leur courage pour circuler à vélo en ville. Il relance la réalisation d’un plan présentant les aménagements cyclables de l’agglomération dont les travaux avaient été stoppés l’année précédente.
La lutte pour le tramway et pour plus de place aux cyclistes et aux piétons
En 1986, Catherine Trautmann adhère au CADR et participe à de nombreuses actions de l’association. A cette époque, la CUS envisage la réalisation d’un métro léger pour résoudre les problèmes de circulation dans l’agglomération. Le CADR et d’autres associations s’investissent pleinement dans le combat contre le métro au profit d’un tramway moderne de surface qui permettrait de repenser pleinement la place de la voiture en ville et d’accorder plus de place aux cyclistes et aux piétons.
Catherine Trautmann deviendra Maire de Strasbourg et Présidente de la CUS en 1988. Elle réintroduira avec son adjoint aux déplacements, Roland Ries l’actuel Maire, le tramway à Strasbourg en 1994. En parallèle la circulation au centre ville est totalement réorganisée en supprimant le transit automobile. Cette première ligne sera accompagnée de nombreux nouveaux aménagements cyclables sur son tracé.
L’association se professionnalise et diversifie ses actions
En 1992, le CADR embauche un premier salarié. Un second viendra l’épauler en 1998. Ils sont aujourd’hui trois. Si bien que le CADR élargi ses actions de promotion du vélo à l’échelle de l’agglomération strasbourgeoise et du département du Bas-Rhin qui subventionne l’association depuis la fin des années 90. Répondant depuis au nom de CADR 67, l’association réalise notamment le gravage des vélos pour lutter contre le vol, la mise en place de vélos écoles, l’accueil à la maison du vélo, des animations vélo en milieux scolaire, professionnel ou dans les gares du département, plusieurs bourses aux vélos annuelles ou encore le développement des pédibus et vélobus pour les scolaires… Vous pouvez trouver toutes les actions réalisées par l’association sur son site internet.
Jean Chaumien a cédé la présidence du CADR 67 en 2012 à Mélanie le Morzédec, fille du premier trésorier de l’association. Il en reste président d’honneur. Se déplacer à vélo et/ou se battre pour faire une place aux déplacements à vélo, est pour la nouvelle présidente, un acte militant qui permet de limiter la pollution et le réchauffement climatique. C’est aussi un acte citoyen par son aspect économique et social et surtout humain car ce mode de déplacement est pratique, rapide mais pas trop. Pour Mélanie Le Morzédec, être présidente du CADR 67 permet de continuer une belle histoire démarrée il y a presque 40 ans et de prouver que le monde associatif est un pilier de notre société qui peut encore travailler en équipe et sans aspect pécunier.
Une implication à l’échelle nationale et européenne.
En 1980, Jean Chaumien participe, à Brème, au premier congrès européen Vélocity où il rencontre des associations de cyclistes d’autres pays. Il fonde la même année la FUB (Fédération française des usagers de la bicyclette) avec différentes associations françaises qui ont pour objectif d’encourager l’utilisation du vélo comme moyen de déplacement quotidien à l’échelle nationale. Le siège de la FUB est depuis sa fondation situé dans la capitale alsacienne et à partir de 2004 au dessus des locaux du CADR au sein de la maison des cyclistes située 12 rue des bouchers dans le centre de Strasbourg.
Jean Chaumien participe en 1983 à la formation de l’ECF (European Cyclists Féderation) au Danemark, fédération dont il sera vice-président durant de nombreuses années. Il participe également en 1986 à la création du club des villes cyclables à Bordeaux. Enfin, Jean Chaumien a été de 1995 à 1997 le premier chargé de mission vélo interministériel.
Les obstacles au développement du vélo en France
Le combat de Jean Chaumien et du CADR 67 pour le développement du vélo en ville a débuté à la même époque qu’en Hollande ou au Danemark, pays qui sont aujourd’hui reconnus comme exemplaires pour la pratique du vélo en ville. Selon Jean Chaumien, la première raison du sous développement du vélo en France est la puissance de son lobby automobile qui est moindre en Hollande et au Danemark, pays qui ne construisent pas de voitures. Ensuite, il regrette le manque d’intérêt pour le vélo urbain des cyclistes sportifs (course, cyclotourisme, VTT…) et de l’industrie du cycle. Enfin, il pointe du doigt le fonctionnement technocratique et hiérarchique de l’administration française, très hermétique et réservée sur le développement du vélo en ville.
Jean Chaumien et les militants du CADR 67 se sont énormément investit durant plusieurs décennies pour le développement du vélo à Strasbourg, en France et en Europe. Si aujourd’hui, Strasbourg est la ville française où le vélo est le plus utilisé c’est en grande partie grâce à leurs actions menées sans relâche depuis près de 40 ans. Il ne tient qu’à vous de continuer à développer et pérenniser leurs actions. Pour cela, la chose la plus simple à faire et d’utiliser votre vélo quotidiennement pour vos déplacements et/ou de rejoindre les quelques 800 membres de l’association…
Depuis les années 70… la vérité est triste à admettre à l’extérieur de Strasbourg, les élus n’ont même encore déniés aller voir (en voiture) ce qu’il se faisait nos amis hollandais ou danois…
Quand certains à la Mairie messine pour 2014 comme Xavier KORMANN (SE et de Droite) osent nous dire que « plus il y a de vélo dans une économie, plus elle est pauvre » ou MJ ZiMMERMANN (UMP) qui nous répète le vielle adage « No Parking, No Business » … je me dis que nous ne sommes vraiment pas prêt à dépasser la barre des 2%… Mais bon continuons de pédaler, c’est nous qui sommes dans le VRAI.
Bien sûr le rôle de rabat-joie est plus facile à tenir que celui de pousse-au-cul de la politique cyclable locale sur le long terme.
Qu’on me permette quand même de poser la question suivante : pourquoi un tel écart de part modale de part et d’autre des frontières?
Dans un disque de territoire de moins de 50 km de rayon on observe les chiffres suivants sur trois « villes »:
– Strasbourg, France, 2009, Vélo = 8%
– Frigbourg, Allemagne, 2001, Vélo = 28%
– Bâle, Suisse, 2010, Vélo = 20%
Certes on n’est pas bien informé sur les périmètres de mesure, comme la part périurbaine par exemple, même si la morphologie urbaine de Strasbourg est défavorable, avec une part importante du périurbain, avec 59% seulement de part agglomérée dans l’aire urbaine (AU), la plaçant dans le dernier quintile des 30 premières AU…
Quant à l »approche culturelle pour expliquer les différences c’est sans doute insuffisant au vu de la proximité précisément…
Les chiffres précédents sont tirés de http://www.epomm.eu/tems/ cité par
http://carfree.fr/index.php/2011/10/28/une-base-de-donnees-europeenne-sur-les-parts-modales-urbaines/