Madrid Rio: quand les automobilistes se transforment en rats d’égout

Signe des temps, l’automobile devient de plus en plus un objet honteux qu’on cherche à cacher. A Madrid en Espagne, les autorités ont décidé d’enterrer carrément l’autoroute M-30 et de créer en surface d’immenses espaces dédiés à la promenade, aux jeux, aux déplacements piétons et cyclistes.

Toute le monde sait que les voitures sont polluantes, dangereuses et que les autoroutes ou autres quatre-voies en milieu urbain provoquent un enlaidissement général des paysages urbains, des séparations imposant des détours importants aux piétons ou aux cyclistes, et des nuisances diverses et variées (pollution, bruit, accidents, etc.).

L’enfouissement du périphérique M-30 le long du fleuve Manzanares a été le point de départ de Madrid Río, un projet qui a donné naissance à un vaste espace linéaire de plus de 10 kilomètres. Ce grand parc intègre désormais la rive de l’affluent madrilène au centre-ville, tout en créant un immense espace vert composé d’une multitude d’infrastructures sportives, ludiques et culturelles. En plus, il est possible de le parcourir sur deux roues grâce des aménagements cyclables spécifiques.

La mairie de Madrid avait décidé dès 2003 de reconquérir cet espace abandonné à la voiture (pour des raisons électoralistes et dans le cadre de la candidature de Madrid aux jeux Olympiques de 2016), pour en faire un espace de loisir et de promenade pour les Madrilènes, reconnectant par là même, les quartiers Sud-Ouest de la ville, isolés du centre par cette artère infernale, la M30 (Voir Photos Avant/Après). Un article d’une blogueuse à vélo de Madrid rappelle l’historique du projet.

Les chiffres du projet sont assez impressionnants : des travaux s’étalant sur 8 kilomètres de long, une superficie de 1,2 millions de mètres carrés en plein centre ville, la réhabilitation ou la construction de 32 ponts et passerelles, et une attention toute particulière apportée au design de l’ensemble. Le projet fait également la part belle à la faune et la flore avec la plantation de plus de 33 000 arbres de 47 espèces différentes (essentiellement des pins, frênes, platanes et marronniers) et 460 000 arbustes de 38 espèces.

La nouvelle zone verte de 429  hectares constitue un véritable corridor urbain entre les parcs du nord ouest de la ville (les parcs de la casa Campo, le parc de l’Ouest et du Prado) à ceux du sud ouest qui sont le Manzanares Sur et le Tierno Galvan.

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Le projet laisse également une place importante au vélo, dans une ville qui ne possède pas encore de système vélo en libre service.

Voici quelques photos avant/après qui montrent l’étendue du projet:

Ce projet, qui est l’un des plus importants réalisés à Madrid depuis des années, a tout de même coûté la modique somme de 4 100 millions d’euros, et le tout en 2 mandats. Il faut noter que 3 668 millions d’euros ont été utilisés pour réaménager et enterrer l’autoroute (la M-30) qui passait à proximité et « seulement » 410 millions d’euros ont servi à l’aménagement des abords de la rivière.

Car, derrière les belles images se pose la question de la place même de l’automobile dans nos villes. C’est à n’en pas douter un immense progrès de faire littéralement disparaître de la vue ces autoroutes urbaines, surtout quand cela permet de regagner d’immenses espaces pour les piétons et les vélos, pour la promenade ou les activités ludiques, sportives et culturelles. On pense ici tout particulièrement aux anciens riverains de cette infrastructure autoroutière qui auront désormais une toute autre vue en ouvrant leurs fenêtres.

Ceci dit, enterrer l’autoroute, c’est un peu aussi masquer la misère, ou dit autrement cacher les saletés sous le tapis. Le bon côté des choses, c’est que de tels projets vont transformer à terme les automobilistes en « rats d’égout », condamnés à errer avec leur voiture sous le sol, entre tunnels et autoroutes enterrées. Pendant ce temps-là, les piétons et les vélos se déplaceront à la surface dans un environnement agréable et pacifié.

Peut-être que les automobilistes commenceront dès lors à se poser des questions?

8 commentaires sur “Madrid Rio: quand les automobilistes se transforment en rats d’égout

  1. MLBRLyon

    OK avec l’amélioration en surface, c’est un vrai pas en avant.
    Le souci avec ce genre d’équipements, ce sont les pics de pollution aux entrées/sorties et au dessus des bouches d’aération quand il y en a.
    Voir par exemple celles du tunnel de Fourvière à Lyon, dégueulasses et vomissant des particules au beau milieu d’immeubles résidentiels.
    Et également l’effet « bruit » aux entrées/sorties, dont un technicien nous avait chiffré les effets lors du projet de fermeture des trémies de l’avenue Garibaldi (« x » fois plus bruyant que la même voie en surface, je n’ai plus le chiffre en tête…).
    A Lyon notamment, même si ce projet Garibaldi n’est pas parfait (maintien de 3 voies voiture contre 2 demandées par les associations), G. Collomb ne veut plus entendre parler de tunnels, rapport aux coûts et réglementation sans cesse plus complexe depuis l’incendie du tunnel du Mont Blanc. Rappelons que Pradel voulait faire de Garibaldi une voie où l’on pourrait rouler à 150 km/h en pleine ville…
    Enfin certaines villes allemandes sont les championnes de ce genre d’infrastructure (Munich, berceau de BMW…) avec nombreux tunnels pour voitures, et surface certes plus agréable. Mais cela ne dissuade pas vraiment l’usage de la voiture au final… et pas des petites

  2. struddel

    C’est déjà une énorme prise de conscience en effet, comment a-t-on pu laisser ces horreurs en ville si longtemps …

    Dire qu’il existe des villes comme Los Angeles qui sont de véritables accumulations d’échangeurs et d’autoroutes avec des immeubles autour et que les gens acceptent cette situation …

    Maintenant, je ne sais pas si l’enterrement des voitures est une solution, car comme l’autopartage, ça ne remet pas le système de la voiture en question, ça dit « c’est moche, on veut plus les voir, mais on en a absolument besoin », un peu comme les voitures électriques qui seraient « la » solution sous prétexte qu’elles nous épargnent bruits et rejets en ville.

    Bien sur que ce sont des avancées, mais le problème de ce genre d’avancées est qu’elles engendrent d’autres problèmes (ceux soulevés par MLBRLYON dans ce cas, la problématique nucléaire dans le cas des véhicules électriques) et que ne remettant pas le modèle automobile en question, elles continuent à l’encourager en démontrant qu’il n’est pas remplaçable par d’autres solutions.

    Ça reste malgré tout une excellente chose ne serait-ce que pour la pollution visuelle et sonore sur la majorité du parcours, mais comme toutes les solutions « à moitié complètes », elles mettent en avant le risque de s’en satisfaire et de garder les problèmes non résolus.

  3. pédibus

    Une tentative d’enterrement de première classe qui pourrait finalement revenir assez cher : dommage que les acteurs du système automobile ne fassent pas bénéficier aux modes alternatifs d’une avance d’hoirie, pour leur développement et leur visibilité…

    On en crève à petit feu en attendant, de leurs pétoires et de leur conduite…

  4. Pim

    l’initiative est plutot intéressante. Pourquoi ce serait les usagers du metro qu’on devrait enterrer? C’est a mon avis un des freins du metro : le souterrain, glauque, gris bruyant et pas super ventilé, alors que l’automobiliste jouit du plein air! C’est le monde a l’envers. Au moins, les autos en souterrain, ca devrait demotiver de nombreux automobilistes

    Concernant les pics de pollution aux entrees/sorties, etant donné les moyens mis en oeuvre pour aerer des tunnels, il doit etre assez facile de filtrer l’air (sans vouloir etre technophile).

    L’article ne dit pas si cette couverture (que j’imagine totale) prevue sera inaudible et inodore.

    Enfin, 4 Milliards d’Euros pour 10km c’est quand meme tres cher, en comparaison la ligne B du metro toulousain a couté 1Milliard pour 15km de voies

  5. kristenn

    on comprend mieux maintenant les difficultés financières de l espagne
    facile de financer de tels projets avec des emprunts que l ‘on ne peut pas honorer

  6. struddel

    Oui, il leur faudrait une bonne mesure d’austérité pour leur rappeler que dans notre monde capitaliste, si on n’a pas d’argent, on n’a qu’à crever.

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