Tous les deux ans, à l’occasion du Mondial de l’automobile, les grandes firmes du secteur s’offrent la publication de centaines d’articles où les journalistes relaient les publicitaires pour en cirer les chromes…
Les dégâts causés par l’usage et la pollution automobile y sont oubliés. Et rien sur celles et ceux qui fabriquent les voitures dans les usines, sans lesquels « il n’y aurait pas de bagnoles » ! Alors que les ouvriers de Ford Blanquefort y manifestaient depuis des années pour l’emploi, Ford a préféré cette année être absent.
Il y a un an, le scandale des moteurs diesel
Tant pis pour ceux qui avaient cru malin de s’en prendre aux seuls constructeurs automobiles allemands… Toute l’industrie européenne de l’automobile est bien concernée. L’omerta commence à être levée : en circulation réelle, les voitures diesel dépassent jusqu’à dix fois les normes légales de pollution. Et le grand champion national qu’est Renault est parmi les pires constructeurs européens en ce domaine !
Des innovations en trompe-l’œil
Voilà le retour annoncé du véhicule électrique ! La réalité, c’est qu’aujourd’hui en Europe et en France, plus de 98 % des voitures neuves vendues sont toujours à moteur thermique. S’il est probable que le véhicule électrique va se développer à un rythme plus soutenu, l’immense majorité du milliard de voitures en circulation sur la planète et des 380 millions en Europe continuera dans les dix prochaines années à consommer du pétrole. Les innovations en termes de voitures autonomes ou connectées ne changent rien à l’aberration que constitue l’utilisation d’une carcasse métallique de plus d’une tonne… pour transporter deux ou trois personnes. Selon les données du syndicat SUD du Technocentre de Renault, « la fabrication d’une voiture européenne coûte 5 tonnes de CO2 »…
Du luxe… pour les plus riches
Alors que l’Europe était depuis 2010 le maillon faible d’un monde automobile toujours en croissance, les ventes d’automobiles y augmentent à nouveau depuis dix-huit mois. Il n’empêche que l’industrie automobile y est confrontée à une crise des débouchés : les marchés automobiles ont tendance à être saturés, l’usage de la voiture de plus en plus limité en ville, la pollution émise de moins en moins supportée… La stagnation des salaires du plus grand nombre les empêche d’acheter des voitures neuves, et les innovations coûteuses des bureaux d’études ne trouvent pas d’acheteurs.
En France, l’achat d’une voiture neuve est devenu le fait des entreprises – la moitié des achats – et des plus riches de plus de 55 ans. À rebours du siècle dernier, l’automobile neuve est achetée par une fraction de plus en plus étroite de la population. Pour les autres, il reste les voitures d’occasion qui roulent de plus en plus longtemps, avec les moteurs les plus polluants et gourmands en diesel ou essence.
L’emploi massacré
En France, depuis 2007, les ventes de voitures ont baissé de 10 % et la production d’automobiles neuves est passée de 3 à 2 millions de voitures. Au lieu de réduire la durée du travail et de partager le travail entre touTEs, Renault et PSA ont supprimé 70 000 emplois et précarisé ceux dont ils ne peuvent pas encore se priver. Ainsi, les intérimaires peuvent atteindre jusqu’à 90 % des effectifs sur les chaînes dans certaines usines de montage Renault.
Le retournement conjoncturel des ventes, combiné avec l’application des plans de compétitivité chez PSA et Renault, a entraîné une explosion des profits reversés en dividendes aux actionnaires et aux dirigeants mercenaires. Toujours plus de sacrifices sont imposés aux salariés.
Au 20e siècle, l’industrie automobile avait été au cœur de la croissance des économies capitalistes et de l’exploitation du travail. C’est devenu le miroir d’une société en crise où emploi, environnement, conditions de travail et de vie sont brisés. Elle est devenue irréparable !
Jean-Claude Vessillier
« Les innovations en termes de voitures autonomes ou connectées ne changent rien à l’aberration que constitue l’utilisation d’une carcasse métallique de plus d’une tonne… pour transporter deux ou trois personnes. »
Pour une voiture de 1 à 1.5 tonne, c’est 250 à 375 kg/personne à quatre, c’est-à-dire à pleine capacité (en faisant abstraction de la place du milieu à l’arrière, souvent pas une vraie place). Contrairement à une idée reçue c’est aussi bien ou mieux que les transports en commun longue distance:
– Un TER électrique de dernière génération à 4 caisses (par exemple) transporte 450 personnes pour un poids de 260 tonnes, soit 580 kg/personne (voir « configurations » sur https://fr.wikipedia.org/wiki/TER_2N_NG)
– Un TGV duplex fait pire, avec 510 places pour 390 tonnes, soit 765 kg/personne.(voir « caractéristiques techniques » sur https://fr.wikipedia.org/wiki/TGV_Duplex).
Un autocar de tourisme est nettement plus raisonnable mais pas franchement mieux qu’une voiture, avec environ 12 tonnes pour 50 passagers soit 240 kg/personne.
Tous ces chiffres supposant bien sûr que chaque véhicule voyage à pleine capacité…
Jean-Claude Vessillier > aujourd’hui en Europe et en France, plus de 98 % des voitures neuves vendues sont toujours à moteur thermique
Et encore, ces 2% sont-ils des 100% électriques, ou y inclut-on les hybrides type Prius?
> S’il est probable que le véhicule électrique va se développer à un rythme plus soutenu
Même ça, c’est pas garanti : contrainte pétrolière = contrainte de croissance générale (production et consommation)*. Pareil pour la contrainte sur les métaux, en particulier le lithium.
Ou quand la physique rattrape l’économie…
> l’aberration que constitue l’utilisation d’une carcasse métallique de plus d’une tonne… pour transporter deux ou trois personnes
Vous êtes généreux : en ville en semaine, c’est très majoritairement une personne, le conducteur.
* Article en trois parties écrit par Louis Arnoux:
Some reflections on the Twilight of the Oil Age – part I
Part 2 – Enquiring into the appropriateness of the question
Part 3 – Standing slightly past the edge of the cliff
La comparaison du ratio masse / voyageur n’a franchement aucun intérêt. Ce qui compte, c’est la consommation énergétique, parce que même avec un ratio plus grand que la route, le ferroviaire consomme moins, en raison des technologies respectives de roulement.
De plus, combien de temps dure une bagnole ? Pas longtemps comparé au train : un matériel qui ne dure pas 3 décennies, c’est de la m… (c’est pour ça que les usagers ont le sentiment d’avoir des « vieux » trains, parce que l’aménagement intérieur est ce qui s’use le plus vite dans le véhicule ferroviaire – mais bon, maintenant, les trains bourrés d’électronique ne fonctionneront pas aussi longtemps que leurs prédécesseurs). Alors divisons le ratio m/v par l’espérance de vie technique et rions un coup.
@ L’intégriste ferroviaire:
Je suis d’accord, et mon commentaire visait justement à pointer l’inutilité de jugements unidimensionnels et à l’emporte-pièce comme celui cité (« il est absurde de dédier une tonne de véhicule au transport de deux ou trois personnes » en paraphrasant) dans le contexte d’une discussion sur l’impact environnemental des transports et son optimisation, qui devrait être complexe et nuancée.
D’accord, mais les apparences étaient trompeuses.
il serait intéressant de connaître la tendance pour le segment des seniors, à tous les niveaux de revenus, pour voir si le taux de motorisation continue d’augmenter – stable par exemple en Amérique du nord, marché « mature » – et de savoir si l’abandon du volant se fait plus tard…
au vu des tendances démographiques – vieillissement – ces infos sont très importantes pour voir si le cheptel à quatre roues va se dépeupler ou grossir, en Fr et en U€, et surtout s’il y a un espoir de reconvertir la silverbagnolardise vers les transports urbains et la marche, voire le biclou…
sans doutes les services marketing des constructeurs ou le syndicat professionnel du secteur seraient en mesure de documenter la chose : pas encore eu le courage de fouiller dans ces poubelles, mais s’il peut y avoir des « signaux faibles » d’un futur changement c’est sûrement là aussi qu’il faut aller zieuter…