En Marche !

Fondateur d’un mouvement baptisé En Marche !, en ce moment on voit surtout Emmanuel Macron en voiture, que ce soit le soir du premier tour dans les rues de Paris pour fêter sa victoire à la brasserie La Rotonde ou le soir du second tour, poursuivi par une nuée de voitures de sécurité et de motos de journalistes. Ils semblent bien loin les cars Macron, qui devaient révolutionner la mobilité des Français et sont désormais quasiment en déconfiture. Quelle va être désormais la feuille de route du président Macron en matière de mobilité?

Bien malin celui qui pourra le dire précisément, car Macron, c’est avant tout un style, celui de dire les choses sans les dire vraiment ou de ne pas vraiment dire ce qui est susceptible d’être « clivant ». Une chose est à peu près sûre, avec Emmanuel Macron, on se dirige en courant plutôt qu’en marchant vers l’ubérisation de la « start-up France ».

Le concept est relativement simple: en cassant le droit du travail on va « libérer » l’emploi précaire et transformer les chômeurs (honteusement assistés) et les salariés (honteusement protégés) en chauffeurs de bus Macron ou en conducteurs de Voitures de transport avec chauffeur (VTC). Vous ajoutez quelques applis smartphone « agiles » censées « optimiser » l’offre et la demande par le biais d’algorithmes « intelligents » et le tour est joué. Vous avez inventé un concept qui, derrière un vernis de technologie et de modernité, nous replonge tout droit dans l’exploitation forcenée des travailleurs du 19ème siècle.

La problème, c’est que cela reste un peu difficile à vendre comme concept. Alors, les conseillers de Macron nous sortent des slogans du type « Les transports répondent à un besoin de mobilité » (1), du Macronien dans le texte…

Sur le fond, il est toujours question de faire du « ni droite, ni gauche« , ou plutôt du « à la fois droite et gauche« . Pour le côté « droite », en marche vers un libéralisme décomplexé avec par exemple l’ouverture de la concurrence dans les TER. Pour le côté « gauche », par contre, on cherche encore à vrai dire, mais il sera dit qu’il faut développer la « mobilité inclusive« …

Problème: qu’est-ce que la « mobilité inclusive »? En cherchant un peu sur internet, on trouve très vite un site intitulé justement www.mobiliteinclusive.com. Vous remarquerez le .com, on n’est pas dans le service public ici (un gros mot sans doute?). En visitant le site, on ne sait toujours pas mieux ce qu’est réellement la « mobilité inclusive », mais en tout cas on apprend qu’il s’agit d’un concept sponsorisé entre autres par Total (pétrole), Peugeot PSA (voitures), Michelin (pneus), etc. Un véritable concept de gauche, quoi!

Donc, si on résume, la politique de mobilité de Macron emprunte le libéralisme à la droite et la « mobilité inclusive » à la gauche…

De manière plus générale, beaucoup reprochent à Macron son flou ou ses ambiguïtés sur de nombreux sujets, son côté « à la fois » ou « vous avez raison« . Ils ont tort. Car, si sur les grands principes il y a en effet beaucoup de flou ou de discours contradictoires selon les interlocuteurs, certains aspects très précis de la politique qu’il compte mettre en œuvre sont quant à eux très clairs.

Ainsi, sur l’ouverture à la concurrence des trains TER, un sujet qui concerne quotidiennement des millions de gens quand même, il n’y a pas de flou. Dès qu’il s’agit de libéraliser, Emmanuel Macron n’est absolument plus dans le flou ou les incertitudes… Le libéralisme est assumé, pour le côté « social » on cherche encore.

Sur les Cars Macron, qui devaient quand même, selon l’ancien ministre Macron, créer 22.000 emplois, il semble que l’on soit loin du compte. Un an après, on était plus proche des 1.500 créations d’emplois, soit quinze fois moins que prévu (2). Et les emplois en question semblent être eux aussi en voie de précarisation rapide.

Quant à la fréquentation des cars Macron, elle est bien entendu en hausse. Il faut dire qu’avec une multitude d’offres à 1 euro ou 5 euros, cela semble difficile pour les usagers de résister. Sauf que tout ceci porte un nom, il s’agit tout simplement de dumping. Les compagnies cassent les prix au début pour asphyxier la concurrence. Déjà, certaines compagnies comme Mégabus, ont mis la clé sous la porte (3). Il n’en reste désormais plus que trois, dont celle appartenant à la SNCF! Quand il n’en restera plus qu’une ou deux, on verra bien si les offres à 1 euro continuent… Sauf qu’entre-temps, on aura déjà sans doute coulé le train.

Lire aussi :  "Le tout piéton ou le tout vélo pose des problèmes aussi forts que le tout voiture"

Et le dumping est aussi social, en juin, Ouibus (filiale de la SNCF) transférera tous ses chauffeurs lyonnais à une entreprise sous-traitante, avec bien entendu des salaires plus faibles (4). C’est aussi cela la Macron-économie!

Concernant les investissements, Macron veut consacrer cinq milliards sur son plan d’investissement de 50 milliards aux infrastructures de transport. Sur ces 5 milliards, deux tiers des sommes doivent aller à la route, un tiers au ferroviaire, soit 1,65 milliard.

Autre information intéressante, Emmanuel Macron souhaite que l’Etat reprenne la dette historique de SNCF Réseau, « parce que c’est une dette d’Etat, pas une dette d’entreprise. » Attention tout de même, il ne s’agit pas d’un cadeau fait à la SNCF ou encore moins d’un projet déguisé de nationalisation. Bien au contraire, il s’agit sans doute plutôt d’anticiper une privatisation de la SNCF. En supprimant la dette de l’opérateur ferroviaire, on rend la mariée plus présentable dans l’hypothèse d’une vente au secteur privé. Et au passage, on collectivise la dette étant entendu que les futures compagnies privées exploitant les trains auront juste à engranger les bénéfices, selon le principe bien connu « collectivisation des pertes et privatisation des profits. »

Sur l’automobile, on ne refait pas le Macron. L’avenir, ce sont « les services numériques et partagés. » Dit autrement, des applis, des applis et encore des applis et en bout de chaîne, les forçats de la route de chez Uber ou Blablacar pour vous transporter « en toute sécurité ».

Et pour « réduire la dépendance à l’automobile », il faut commencer par multiplier les voitures partagées. On ne voit pas bien où va être la « réduction » annoncée, mais le principal, c’est de « partager ».

Enfin, vous ajoutez une touche de « verdissement » et vous avez une politique de transport 2.0 en bonne et due forme. Mais, rassurez-vous, le « verdissement » ne sera pas trop radical non plus, on n’est pas chez les ayatollahs d’Europe Ecologie quand même! Avec Macron, il est question « de commencer par une convergence « à moyen terme » des fiscalités du gazole et de l’essence » avec de nouvelles primes pour les automobilistes bien sûr. Donc, on ne sait pas trop quand on va commencer à « verdir », mais de toute manière on va distribuer des primes, les futures « macronettes » probablement. Et tout ceci est déjà budgété, apparemment 3 milliards tout de même, soit près de deux fois plus que ce qu’il est prévu de mettre dans le train…

Et là, on parle seulement des primes aux automobilistes, pas des 3,3 milliards qui seront investis dans la route ou même des 250 millions d’euros qui seront consacrés à créer un réseau de bornes de recharge électrique rapide. Car, le Macron voit loin, il veut qu’il n’y ait « plus une seule vente de moteurs thermiques en 2040« . Sauf que dans le même temps (« à la fois »), il veut développer « le véhicule 2 litres » (thermique). Cherchez l’erreur…

On le voit, en tout cas on se prépare à une nouvelle pluie d’argent public vers l’automobile et la route. Même le renouveau sait qu’on prépare les meilleures soupes dans les vieilles gamelles.

En fait, Emmanuel Macron, c’est un peu le Bruno Le Maire (5) de la gauche…

Notes

(1) Mobilité: ce qu’Emmanuel Macron veut faire, Ville, Rail & Transports, numéro 161.
(2) Un an après, les «autocars Macron» affichent un bilan en demi-teinte, Pauline Chateau, Le Figaro, 6 octobre 2016.
(3) Une compagnie des « cars Macron » met la clé sous la porte, Le Monde, 18 novembre 2016.
(4) « Cars Macron » : la guerre des prix fait de nouvelles victimes, les chauffeurs Ouibus, Alban Elkaïm, Rue89, 2 mai 2017.
(5) Bruno Le Maire, le lobby automobile et la guerre du Viêt Nam, Marcel Robert, Carfree France, 10 novembre 2016.

5 commentaires sur “En Marche !

  1. Rea75

    Que vous dénonciez chez EM le manque d’ambition sur la politique environnementale et la lutte contre le fléau automobile, ce serait légitime et bien en ligne avec l’objet de ce forum.

    Que vous versiez à plusieurs reprise dans l’utopie sociale du service public qui-résoud-tous-les-problèmes-et-rend-les-gens-heureux c’est moins logique, surtout que malheureusement dans notre monde ouvert et qui veut le rester, cela devient furieusement à coté de la plaque, de multiples exemples sont là pour le prouver.

    Vous êtes par exemple injuste avec la libéralisation des bus car vous pourrirez aussi prendre acte qu’avec quasiment 7 millions de passagers pour sa première année d’existence, cette démarche a permis 7 millions de retrouvailles ou découvertes dont 1/4 ne se seraient pas faites : on doit le regretter ? Que de plus 1000 ou 2000 emplois se créent dans cette filière, c’est triste ? Vaudrait il mieux des chômeurs ? Désolé mais moi je préfère des emplois, peut être pas super payés et parfois temporaires, aux 3,5 millions de chômeurs qui battent le pavé depuis des années. Ah bien sûr si on pouvait tous gagner 2x plus et avoir la sécurité de l’emploi, dans un grand monopole d’état protecteur… Ah mais zut ça n’a jamais marché, et les expériences qu’on en a eu… n’étaient pas très concluantes. Alors acceptons la dynamique de l’économie de marché, bordons la par des filets sociaux solides, et avançons comme beaucoup d’autres pays ont su le faire autour de nous…

    Après tout, les démocraties du nord ont beaucoup moins de chômage, sans être plus pauvres que nous… et en plus elles roulent à vélo, massivement ! Voilà une voie à suivre au lieu de s’accrocher aux vieilles lunes qui ne reviendront plus !

  2. pedibus

    eh bin moaaaaaaaaaaaa je suis zeureux :

    avec ce con de maquereau des grands Kapitalisses ça va marcher :

    rien qu’avec la réforme du code du travail il va mettre tout le monde à pied… :

     

    66 millions de pédibus et moaaaaaaaaaaaa, et moaaaaaaaaaaaaaaaaa…

     

    BOAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA

  3. moimeme

    « 7 millions de passagers pour sa première année d’existence » = 7 millions de passagers en moins dans les trains et voiture, qui roulent déjà.

    Il a bon dos ton « libéralisme », l’automobile de masse n’existe QUE par le soutiens massif de l’état.

    Le train n’est pas seulement plus rapide plus confortable plus pratique plus fiable et plus écologique que le bus, il est surtout nettement moins cher par kilomètre/passager à l’unique condition qu’il soit plein. Ce qui coûte cher en réalité c’est la mise en place de infrastructure, une foie l’investissement initial passé, le coût de revient par unité produite (le kilomètre passager) est de beaucoup inférieur a n’importe quel autre moyen de transport.  C’est en fait la logique mème du capitalisme, c’est a dire de l’investissement massif pour un rendement croissant,  qui est à l’origine du train (à moins que ca ne soit l’inverse, puisque c’est cette machine qui à lancée la révolution industrielle).

    Il y avait il y a 50 ans trois fois plus de chemin de fer pour 33% de population en moins a desservir.  L’état central tout puissant a volontairement coulé ce moyen de transport déjà rentabilisé, précisément parce qu’il n’était pas cher, et qu’il menait une trop rude concurrence à l’automobile, perçu comme le moteur de la croissance. C’est toute l’ironie de l’histoire, c’est en prétextant le libéralisme qu’on detruit l’origine du capitalisme.

    Car comme tu le sais Rea7, une économie capitaliste guidé par l’état a coup de contrainte et de subvention monstrueuse, ce n’est pas du libéralisme, mais son inverse, du colbertisme, ce qu’est réellement Macron.

    En attendant, depuis cette époque, combien de milliard de « retrouvailles ou découvertes » impossible pour ceux qui n’ont pas de voitures , et qui ne peuvent mème plus traverser les routes de leur ville ou village devenue inaccessible pour les humains (=les pietons)?

  4. l'intégriste ferroviaire

    C’est marrant, le blabla de Rea75. On croit voir s’articuler la bouche des macronistes du 1er cercle. Ils justifient tous ces bus à la cron pour que les pauvres puissent se payer un trajet (en 3e classe). Mais il ne leur viendra pas à l’idée d’augmenter les salaires et les minima sociaux, ni de subventionner le train au moins à la hauteur de ce que reçoivent la route et le navion.

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