La voiture continue et continuera à tuer toujours autant, mais par d’autres moyens.
En élargissant le champ d’analyse on peut apprendre que la mortalité liée à la circulation automobile est toujours en croissance. C’est la pollution qui est aujourd’hui le mode d’action mortifère prédominant de la voiture. D’après les experts officiels cette mortalité se chiffre autour de 10 000 par an en France [1]. Les caractéristiques de cette mortalité présentent cependant quelques avantages pour ne point trop ternir les bonnes nouvelles publicitaires, médiatiques et politiques. D’abord ces données pour être connues nécessitent la lecture d’une littérature spécialisée et étant le fruit d’études épidémiologiques complexes, les résultats peuvent être discutés et contestés. Ensuite il s’agit d’une mortalité qui se passe en coulisse et pas sur la place publique. Un autre avantage est qu’il s’agit de mort lente suite à de longues maladies et donc rentables pour des industries pharmaceutiques et des dispositif médicaux. Et enfin cette mortalité va forcément disparaître avec l’arrivée de la « voiture écolo ». Pas si sûr ! Question : quelle est la relation entre le cancer du sein et la voiture ? La réponse qui vient en premier à l’esprit est encore la pollution ; c’est possible ! Alors autre question : quelle est la relation entre la voiture « écologique non polluante » des écotechnocrates et le cancer du sein. La réponse est cette fois-ci démontrée, c’est l’obésité ; la voiture, avec la télé, participe on ne peut plus activement à l’engraissement général de la population par le mode de vie sédentaire qu’elle impose, et l’obésité n’est pas bonne pour la santé du sein [2]. En terme technique, la prévalence du cancer du sein augmente avec l’obésité et les scientifiques enfoncent le clou en constatant que l’obésité aggrave le pronostic du cancer du sein. Le même raisonnement et les mêmes réponses peuvent être faites pour d’autres maladies spécifiques des sociétés industrielles : diabète, pathologie cardio-vasculaire…
Une hécatombe silencieuse sur les routes et autoroutes de la liberté.
Ici les études épidémiologiques existantes ou non sont inutiles pour montrer l’ampleur de la chose. Inutile d’être spécialiste, tout le monde croise régulièrement, journellement des cadavres sur les routes, sous forme de corps déchiquetés et sanguinolent ou sous forme de galettes asséchées. Toutes les classes de vertébrés terrestres sont représentées : batraciens, serpents, oiseaux, mammifère, dont beaucoup sont des espèces en déclin et beaucoup sont des « espèces protégées » par la loi. Des morts par milliers tous les jours, une véritable hécatombe silencieuse qu’aucune chasse aux sorcières ne pourra enrayer. La « voiture écolo » perpétuera l’œuvre morbide de la moderne mobilité durable sur la biodiversité.
La spirale infernale Auto-Supermarché.
Élargissons encore le champ d’analyse. La voiture et le supermarché se justifient mutuellement. Faire des dizaines de kilomètres pour faire ses courses condamne la marche à pied et le vélo. La voiture s’impose « naturellement » ; une fois le réflexe pris, le cercle vicieux est refermé ou plus exactement une spirale totalitaire s’installe éliminant toute alternative. Les zones périphériques des villes grandes ou petites se sont métamorphosées en supermarchés multiples et variés. Gigantesques zones commerciales tentaculaires stérilisant des milliers d’hectares d’espaces naturels et de terres agricoles, ces surfaces ensevelies sous le bitume et le béton sont à jamais perdues pour la biodiversité. Ici la voiture n’est pas la seule responsable du désastre, en plus des industriels de la distribution on peut repérer les aménageurs du territoire et les autorités locales – bitumage et bétonnage sont les deux mamelles de la croissance. Chaque maire, jeune et dynamique ou vieux et mercantile appelle de ses vœux l’arrivée sur sa commune de cette marée noire de bitume qui la « revitalisera » par ses retombées financières. La spirale destructrice est devenue aujourd’hui véritablement infernale car chaque catégorie d’objet, chaque catégorie d’activité ont leurs supermarchés : aliments, chaussures, vêtements, jardinage, sport, bricolage, ameublement et bien sûr voiture… La marée noire est devenue incontrôlable, carcinologique, envahissant et stérilisant les espaces naturels et agricoles, compromettant même l’avenir des biocarburants chers aux éco-technocrates. Pour arrêter le massacre et la stérilisation des terres agricoles on pourrait suggérer à ces derniers d’entasser les supermarchés les uns sur les autres, et, pour les dissimuler, d’entouré ces nouvelles monstruosités de la modernité, d’arbres de haute futée ! Ainsi quelques terres seront préservées sinon pour la biodiversité du moins pour leur biocarburant.
La « toile d’araignée » mortelle pour la biodiversité.
La voiture comme l’avion produisent beaucoup de gaz à effet de serre, mais contrairement à l’avion qui se déplace selon des routes aériennes immatérielles la voiture elle a besoin d’un support matériel bien concret pour être cet instrument de liberté tant vanté par la publicité. Pour être libre en voiture il faut pouvoir aller « n’importe où, quand on veut ». Le « quand on veut » dépend de l’automobiliste mais le « où on veut » dépend des aménageurs du territoire. Fort heureusement les aménageurs sont des gens sympa pour notre automobiliste en l’étant pour leur bourse – bitumage et bétonnage … Le béton et le bitume ont coulé à flot. Les routes carrossables se sont multipliées. Le réseau routier s’est resserré. Les autoroutes sont apparues. Dans le même temps, les espaces naturels, les écosystèmes, les biotopes se sont progressivement et insidieusement retrouvés fragmentés, miniaturisés et étranglés. Les conséquences sur les dynamiques des populations animales ainsi séparées, enfermées et sédentarisées dans ces sortes d’enclos sont difficiles à évaluer mais le déclin mal expliqué de beaucoup d’espèces est probablement une conséquence indirecte de cet îlotage des écosystèmes. Pour mesurer l’ampleur de la catastrophe à venir pour la biodiversité il suffit de prendre la carte IGN de votre région au 1 / 250 000 (1cm = 2,5km) ou sont représentés toutes les routes carrossables. Essayez d’incérer entre les mailles du réseau routier un carré d’un centimètre de coté (625hectares), c’est souvent difficile, pour un cercle de 1cm de rayon (≈ 2000hectares) c’est quasiment impossible et ceci même dans des zone déclarées « Parc Naturel Régional ». Cette toile d’araignée délétère pour la biodiversité est l’œuvre des aménageurs du territoire offerte à la circulation automobile. Après ce tour d’horizon des réelles potentialités mortifères de la circulation automobile on peut encore rappeler, avant de conclure, les conséquences désastreuses sur la biodiversité de la prospection pétrolière, par la déforestation et du transport pétrolier maritime, par les marées noires et les dégazages sauvage… Le bilan mortifère de la voiture est maintenant suffisamment assez noir au sens propre et au sens figuré pour que l’on ne puisse honnêtement pas partager l’enthousiasme des médias et des politiques sur la voiture.
Conclusion
La mortalité humaine liée à la circulation automobile sera toujours en croissance y compris avec les nouvelles voitures « intelligente et écologique », les accidents de la circulation bien sûr ne pourront jamais être réduits à zéro, même avec les pires chasses aux sorcières. Mais ce sera surtout la sédentarité inhérente à la voiture qui à l’avenir prendra la première place dans l’œuvre mortifère de ce mode de déplacement. L’honnête automobiliste déculpabilisé et confortablement immobilisé dans sa nouvelle voiture écolo non polluante verra son périmètre abdominal croître et son système cardio-vasculaire se scléroser prématurément. Mais qu’il soit rassuré « on n’arrête pas les progrès de la médecine »… La mortalité animale aujourd’hui incalculable continuera à croître avec la « voiture écolo » puis déclinera avec la biodiversité et l’extinction des espèces animales. La perte des espaces naturels et leur fragmentation par l’extension carcinologique des zones commerciales et le resserrement du réseau routier accélèrera encore le déclin des espèces sauvages. Alors pourquoi donc cette annonce de la « bonne nouvelle » et ce culte du ministre messie sauveur des automobilistes ? Pourquoi ce tapage médiatique enthousiaste sur l’efficacité de la sécurité routière par la chasse aux sorcières, alors que la voiture tue toujours autant ? Trois éléments de réponse caractéristiques des systèmes totalitaires peuvent être avancés. La chasse aux sorcières, dirigée contre des catégories d’individu vise au moins trois objectifs. Externaliser la faute et la mort de la société industrielle, ce sont des comportement déviants, altérés et délinquants qui en sont responsables, la société se pose en victime innocente et l’état technocratique en protecteur de cette innocence. Militariser et asservir les individus à l’ordre et la sécurité imposée par les systèmes industriels. Et la désinformation, masquer la réalité mortifère inhérente à la voiture en concentrant des regards sur les délinquants, boucs émissaires devenus nécessaires pour l’arrivée des nouvelles « voitures écolo ».
[1] Sur le sujet pollution morbidité et mortalité, plusieurs articles du journal Le Monde peuvent être consultés : ven 7 mai 2004 – mar 22 juin 2004 – jeu 17 nov 2005…
[2] Sur le sujet sédentarité obésité morbidité et mortalité la littérature médicale est pléthorique voici seulement l’article à la base de l’argumentaire sur mortalité à venir liée à la voiture : Carmichael AR : « Obesity as a risk factor for development and poor prognosis of breast cancer. » BJOG. 2006 ;113 : 1160-6.
En passant, pour tous ceux qui se demandent ce qu’est le dessin en haut de l’article, c’est une image du court-métrage très primé Logorama.
Bon ou pas, ce court-métrage a été primé maintes fois (y compris au festival international de Clermont-Ferrand), a reçu un Oscar. Il exprime assez bien l’emprise des marques dans notres quotidien (mais on peut détester ce film, évidemment… Durée : 16 minutes). Y est rappelée encore une fois l’imagerie de la voiture et des armes, toutes deux signes de puissance entre les mains des gentils et des méchants dans notre vision manichéenne du monde. Bref, la voiture a sa place dans la critique de ce film !
Logorama est visible sur internet en cherchant sur un moteur de recherche (icône ou pas icône de l’emprise des marques).