Frédéric Denhez, spécialiste des questions environnementales, auteur en 2011 chez Fayard du livre « La Dictature du carbone », expose dans son nouveau livre ses visions et vœux pour la voiture de demain, ainsi que les modes de mobilité en train d’émerger. Partant de la création du mythe de l’automobile, il questionne les réalités actuelles ainsi que les pistes pour sortir enfin du tout-voiture. Un essai complet autour d’une question cruciale pour l’avenir de nos villes et nos campagnes.
Extrait
« J’aime l’auto lorsqu’elle est belle, j’ai appris à la haïr pour la laideur qu’elle a entraînée dans son sillage et la façon qu’elle a, toujours, de mépriser les autres usagers de la voirie. Pour qu’elle puisse rouler vite, il a fallu détruire, couper, aplanir, isoler, rectifier, remembrer de la terre agricole, des forêts, des villages. La voiture, le frigo, l’hypermarché, voilà la Sainte-Trinité de l’étalement urbain, rejoint il y a quelques années par le coût du foncier. Le quatuor infernal avale les gens, les recrache dans une auto pour qu’ils puissent habiter loin, toujours plus loin, là où c’est moins cher. Là où c’est plus cher, en vérité, vu le coût de l’auto.
L’auto n’est plus tout à fait un rêve, un totem social. Elle est un mal nécessaire. Contre lequel le même citoyen automobiliste se bat en élisant des maires, des conseillers généraux et régionaux qui, tous, ont descendu l’icône de son piédestal, pour le mettre plus bas que le tramway, le bus et même le vélo. Car si la voiture de tous les jours est un gouffre, elle l’est aussi pour la société. L’auto coûte en obésité, en allergies, en stress, en fatigue, en accidents, en morts ; elle coûte en terres agricoles perdues, en accroissement du ruissellement de l’eau, en risques d’inondation ; elle coûte en pollution de l’air, en bruit ; elle coûte en encombrement, en bouchons, en voirie. En temps perdu et en paysages gâchés. Dans les documents d’urbanisme de la République française, renforcés par les lois dites “Grenelle”, appuyés par les directives européennes, la circulation routière est l’ennemi désigné. Tout doit lui être préféré. Comme partout en Europe, au nord du continent en particulier, où l’auto ne se sent pas chez elle en zone urbaine.
Et voilà qu’en France Peugeot se met à flancher. Ce pilier de la manie tricolore de la mono-industrie, dirigé par cette manie française de recruter les chefs dans les mêmes écoles que les ministres, ferme l’usine emblématique d’Aulnay-sous-Bois. Depuis, les Français revivent le drame de la mine, de la sidérurgie, du textile. D’autres mono-industries, qui faisaient vivre des régions entières, ont été sacrifiées par une réalité que personne n’avait envie de voir tant que cela arrangeait syndicats, politiques et patrons. L’automobile française est menacée de disparition, et avec elle un pilier de la mémoire collective. En plus d’être une icône, l’auto est, depuis André Citroën, un étai de l’industrie nationale et un ferment du mythe ouvrier. Réduite à l’état de produit par les directeurs financiers et les ingénieurs obnubilés par la massification et le coefficient de pénétration dans l’air, l’auto commune ne fait plus rêver comme en son temps la DS et la 504. Elle est devenue une bagnole, qui ne se vend plus.
Les constructeurs, les politiques, les journalistes spécialisés tentent de nous vendre un futur électrique pour continuer le mythe. Les mêmes nous avaient promis que le diesel était l’avenir parce que moins polluant, parce que plus économe. Grâce à ce formidable succès marketing, le contribuable a financé des subventions, qualifiées d’écologiques, pour lui faire acheter des voitures en réalité très polluantes, impossibles à amortir, qui seront demain taxées au motif qu’elles ne sont pas écologiques. La stupidité des dirigeants français connaît peu de limites. Mais l’avenir sera électrique, alors… nous nous embouchonnerons dans le silence et sans fumées. Une victoire. »
La Fin du tout-voiture
Frédéric DENHEZ
Actes Sud
Septembre, 2013 / 13,5 x 21,5 / 224 pages
Bonjour,
Merci !
(l’auteur du livre)
» la façon qu’elle a, toujours, de mépriser les autres usagers de la voirie. Pour qu’elle puisse rouler vite. »
: pas plus tôt qu’hier un caisseux pressé me recommande de rouler sur le trottoir parce qu’il a du patienter derrière moi quelques dizaines de secondes dans un rétrécissement.
Laurent incroyable moi c’est ce matin une femme qui voulait que j’aille sur le trottoir en klaxonnant, apparemment elle emmenait son enfant à l’école, belle exemple. J’ai ralenti et lui est demandé par le geste si elle était malade, et tout ça pour arriver au feux rouge que je lui ai signalé par le pousse levé alors là l’incroyable pensant bien faire en suivant sa logique je brule le feux (en même temps comme d’habitude) et là elle klaxonne encore pour montrer son mécontentement du feux brulé.
Il suffit de se promener dans les petits villages de France pour se rendre compte des dégâts de l’automobile et de cette fameuse mobilité. Ce sont des endroits tristes, morts qui perdent leurs âmes à mesure que se bâtissent des zones pavillonnaires, des contournements routiers, des grandes surfaces, des centres commerciaux, des autoroutes. Les cafés ont fermé, on fait ses courses dans la grande ville la plus proche et on s’enferme dans son pavillon pour jouer sur la console ou le PC en attendant le programme TV du soir. Et on prendra soin de ne pas se coucher trop tard car il faut 1h00 de route pour aller au boulot le lendemain.
Elle est loin, très loin, cette « douce France » si chère à Trenet.
Voyez juste le sondage récent des Parisiens majoritairement contre un abaissement de la vitesse sur le boulevard périphérique: si la « bagnole » semble bien malade le « bagnoliste » ou « bagnoleux » ou bagnolard » (tiens et si on recensait les usages?…) se porte encore assez bien pour faire obstacle aux mesures salutaires…
Moi, je suis plutôt pour une augmentation de la vitesse sur le périph, ça va augmenter les perturbations et pourrir la vie des automobilistes. Pour en finir avec la gangrène, il ne faut pas souhaiter leur bien (fluidifier par une vitesse moindre), seule solution : emmerdement maximal.
Toi aussi tu es un partisan de la théorie de l’emmerdement maximal !
http://carfree.fr/index.php/2011/05/21/theorie-de-lemmerdement-maximal/
C est tjrs amusant, ces sondages…
qui en fait, sont surtout utilisés par manque de volonté politique :
on sonde les strasbourgeois pour savoir si on étends les zones 30,
on sonde les parisiens pour le périph,
=> pas de majorité absolue pour le projet => on enterre le projet
(l IVG et l abrogation de la peine de mort n auraient jamais vu le jour, si les français avaient été sondés : c est nos élus, nos représentants, qui ont été plus de 50% à être pour; il en est ainsi de toute loi bouleversant la choses établies : l’inertie de certains, fait que la majorité y sera tjrs opposée*, dans un 1er temps)
mais, lorsqu’une nouvelle route est créée,
il y a bien -obligation légale minimale- une consultation publique (faites avec peu de publicité, ouverte peu de temps… donc où quasi personne ne va)
mais personne ne sonde la population pour définir la vitesse ni la taille des véhicules autorisés
(sur la taille, par ex, suffirait de demander, dans les villages traversés par une nationale, aux riveriens de la Grand Rue, s’ils préfèrent continuer à avoir un flux de camions sous leur fenêtre oupas;
à part les commerçants (restaurateurs, café-tabac, essence,..) une majorité serait contre leurs présence…
mais, bizarrement, cette question ne leur est pas posée…)
Chaque jours, la Drire modifie la vitesse de certains axes, sans sonder la population (en fonction des accidents, de la cohérence des vitesses, …)
Mais, quand il s agit d’un acte fort, à grande échelle, que des élus disent soutenir… et, qu’en tant que nos représentants élus, ils ont le mandat pour le faire…
ils passent par un sondage… ce qui permet de ralentir le truc… voire de le stopper.
Pour les mégacamions, vous avez été sondés ?
http://carfree.fr/index.php/2009/07/07/81-des-francais-opposes-aux-mega-camions-pourquoi-le-gouvernement-s%E2%80%99entete-t-il/
81% contre…
Donc je suppose qu’ils ne seront jamais autorisés ?
Même à tire officiellement « expérimental » ?
*l opposé n est pas vrai :
ce n est pas parce que la majorité est contre qq chose, contre une loi; que cette loi est forcément en avance sur les mentalités…
> « Les constructeurs, les politiques, les journalistes spécialisés tentent de nous vendre un futur électrique pour continuer le mythe »
La voiture électrique, un mythe? Pourquoi?
La Tesla Model S coûte bien sûr encore trop cher, mais elle n’existe que depuis un an, et vu son autonomie de plus de 300km, est une alternative tout à fait crédible à la voiture thermique pour la grande majorité des déplacements:
http://en.wikipedia.org/wiki/Tesla_Model_S
Pour les vacances ou les VRP, il reste les voitures thermiques comme solution d’attente.
Vu les faibles distances que parcourent les automobilistes au quotidien, et les progrès constant des batteries, il n’est pas irréaliste d’imaginer que la voiture électrique sera d’un prix abordable d’ici 15-20 ans.
Retour d’expérience d’un Australien qui a bricolé sa voiture thermique et roule depuis quelques années en électrique:
http://www.rowetel.com/blog/?cat=5386
Vincent, le mythe de la voiture électrique, ne concerne pas son existence
(bien qu’on pourrait s’interroger sur son existance sans subvention, et sur sa pérénité avec les batteries actuelles consommant des métaux et terres rares; ainsi que sur le fait que les seules voitures soit-disant « non-thermique » qu’on voit réellement dans les rues ne sont quasi que des hybrides.. c’est-à-dire des thermiques à appoint électrique, mais jamais des élec. à 100%)
La voiture électrique existe
(même, si quantitativement, elle existe au même niveau que les poissons volants, les mammifères volants,les mammifères marins, les oiseaux coureurs ou les oiseaux nageurs)
Non, mais le mythe de la voiture électrique est le fait que, pour ses défenseurs, l’électrification de la voiture individuelle soit une solution aux transports de nombreuses personnes.
(voire, pour les vendeurs automobiles, que la voiture hybride et/ou élec soit LA solution)
c.f. ce quizz, pour comprendre le problème :
http://carfree.fr/index.php/2009/12/04/petit-quizz-des-villes-respectueuses-de-lenvironnement/
l’électicification de l automobilie ne répond qu’à une fraction des pb de l automobile.
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Par contre, le tramway, le funiculaire, le V.A.E, qui sont aussi des solutions d’électrification, sont, eux, de vraies solutions :
tous utilisent bcp bcp bcp moins de surface de chaussée par passager/utilisateur qu’une voiture, et en plus,
– ils permettent de ne pas utiliser de batteries (tramway, trolley, funiculaire et autres systèmes à cables),
– ou d’utiliser 50 à 200 fois moins de charge embarquée* (donc de batterie) pour le VAE, pour transporter, dans 99% du temps, autant de monde.
*0,24 à 0,26 kWh pour les VAE, 12 à 48 kWh pour les voitures élec
(je n ai pas regardé pour les Tesla)
NB : bien sûr, le vélo est encore bien mieux que le VAE, mais il était question de solutions d électrification
J ai cliqué sur le lien wikipedia Tesla que tu as donné :
85 kWh pour la tesla…
soit, l’équivallent de… 340 VAE…
Vu les ressources limitées,
Pour fournir en terres et métaux rares la batterie d’UNE SEULE Tesla,
on interdit à 339 personnes le voulant, d’acheter des VAE ?
(son équivallent en batteries d ordi portable ou de tél portable serait largement pire…)
autoquote :
« Par contre, le tramway, le funiculaire, le V.A.E, qui sont aussi des solutions d’électrification, sont, eux, de vraies solutions :
tous utilisent bcp bcp bcp moins de surface de chaussée par passager/utilisateur qu’une voiture, et en plus, »
rajout essentiel :
« et tous utilisent bcp bcp bcp moins d’énergie par passager/utilisateur qu’une voiture de plus d’une tonne remplie avec 1,1 personne, et encore bcp moins d’énergie qu’une voiture de plus d’une tonne remplie par 5 personnes »
Il y avait un article dans Terra Eco qui annonçait des chiffres pour exprimer le nombre de kWh qu’il faudrait pour faire avancer les voitures electriques si le parc entier de voitures thermiques actuel était remplacé par son équivalent électrique.
Premièrement, on aurait probablement plus de lithium bien avant la fin du pétrole, deuxièmement, ce nombre était tellement exorbitant (je ne l’ai pas en tête mais il ne doit pas être bien difficile à retrouver sur le net) qu’il dépendait forcément d’une production d’électricité au charbon qui rejette tout autant voire plus de CO2 que la consommation équivalente des voitures thermiques.
Evidemment, on aurait plus le problème du bruit et des odeurs (principales gênes occasionnées par les deux roues thermique par exemple), mais un tas d’autre problème serait loin d’être résolu (cf le message Jean-Marc, ainsi que celui de Seghux qui est aussi l’un des conséquences du tout auto)
RTS – Radio Télévision Suisse, Prise de terre – La voiture fonce-t-elle dans le mur?
Frédéric Denhez, auteur chez Acte Sud de « La Fin du tout-voiture » :
http://podcast-audio.rts.ch/la-1ere/programmes/prise-de-terre/2013/prise-de-terre_20131019_standard_la-voiture-fonce-t-elle-dans-le-mur_f62ba279-f9b1-467a-bda7-ddb4ab78f2a8-128k.mp3