L’automobile est devenue l’une des principales causes de destruction de la faune.
IL n’est pas facile de désigner quel est, à notre époque, le principal facteur de destruction de la faune sauvage, tant s’entremêlent les diverses causes possibles. Si les protecteurs des animaux ont surtout tendance à penser aux causes directes (chasse, pêche, trafics, fourrures, etc.), il ne faut pas oublier les causes indirectes liées à l’explosion démographique et au développement industriel (pesticides, pollutions des eaux douces et des mers, destruction des sites sauvages, etc.).
Parmi ces causes, l’automobile apparaît comme l’une des grandes coupables. On la retrouve, en effet, mêlée à tous les types de destruction de la faune. Ce n’est, d’ailleurs, pas étonnant, puisque la plupart des activités humaines, dans les pays occidentaux au moins, reposent sur son emploi. Ainsi, une bonne partie du mazout répandu dans les mers était destiné aux voitures. L’automobile est devenue la complice n° 1 de la chasse. Il n’est pas rare que chasseurs ou braconniers tirent les animaux de leur voiture : au Sahara, la poursuite des antilopes en voiture est une distraction classique.
L’automobile est devenue l’une des principales causes de destruction de la faune
De toute façon, l’automobile décuple les possibilités des chasseurs en leur permettant de transporter beaucoup plus de cartouches et, éventuellement, d’emporter en cachette des animaux tués illégalement. Dans les Pyrénées, par exemple, la chasse aux palombes (autrement dit les pigeons ramiers) était naguère le fait des seuls bergers de la région, ce qui était admissible.
La construction des routes, outre qu’elle a défiguré le paysage, permet maintenant, à toutes sortes d’industriels ou P.D.G. bordelais, de venir chasser la palombe, leur voiture bourrée de munitions. Ils ne se contentent d’ailleurs pas des pigeons, et mitraillent tout ce qui passe, des vautours (protégés) aux… papillons migrateurs.
La construction de routes et, surtout, d’autoroutes est, en elle-même, une catastrophe pour la faune. Les autoroutes constituent en effet une frontière quasi infranchissable pour les mammifères sauvages. Des populations de cerfs ou de chevreuils se sont ainsi trouvées séparées, et l’osmose entre elles est très longue à se réaliser, si toutefois elle se fait un jour.
Des passerelles ont parfois été construites au-dessus des autoroutes, pour permettre aux animaux de les franchir : en Grande-Bretagne, on a même creusé des tunnels pour blaireaux… Mais tout cela est loin de résoudre le problème. Comme l’a dit P. Lebreton, l’autoroute Lille-Marseille a coupé la France biologique en deux.
Les autoroutes sont tout aussi néfastes pour la petite faune (insectes, etc.), dont elles bouleversent le biotope. Et n’oublions pas le bruit, les odeurs, la pollution, dus à une circulation intense… En plus de tout cela, routes et voitures facilitent la pénétration, dans les forêts et ailleurs, de promeneurs inconscients. Certains automobilistes emportent deux planches dans leur voiture : lorsque celle-ci est bloquée par un fossé, ils posent les planches, et hop ! ils passent et vont dévaster la flore et effrayer la faune.
Routes et autoroutes sont devenues des cimetières pour les animaux. Il suffit de se promener le long d’une route à grande circulation pour se rendre compte de l’ampleur du massacre. Le cas du hérisson est particulièrement dramatique: car il est en train d’être exterminé par les voitures. Non seulement il se déplace lentement, mais il a la fâcheuse idée, lorsque survient une auto, de s’arrêter et de se mettre en boule comme s’il s’agissait d’un ennemi ordinaire.
Petits rongeurs, musaraignes, belettes, hermines, sont également victimes des voitures, de même que les lièvres et les lapins: ces derniers sont parfois volontairement écrasés par des conducteurs qui ramassent ensuite leurs dépouilles… Les cerfs, biches et sangliers, qui tentent de traverser les routes, se font tuer, avec cette différence que les automobilistes risquent de laisser leur vie dans le choc… Et n’oublions pas les innombrables chats et chiens écrasés sur les routes…
Du côté des oiseaux, la situation est tout aussi alarmante. Les petits passereaux se font tuer en masse, alors qu’ils franchissent les routes d’un vol bas, par exemple en portant la becquée à leurs jeunes. D’innombrables cadavres de merles, moineaux, rouge-gorges, bruants, accenteurs, fauvettes, etc. jonchent ainsi les routes. La nuit, chouettes et hiboux se cognent fréquemment dans les voitures.
Il est difficile de donner des évaluations chiffrées d’une telle hécatombe. Même si chacune des quinze millions de voitures françaises ne tue, chaque année, que quelques oiseaux, le total est déjà astronomique… Les crapauds souffrent aussi énormément de la circulation routière, surtout lorsqu’ils vont pondre dans les étangs. Récemment, dans l’Est, les enfants d’un village ont transporté dans des seaux les crapauds que décimaient les voitures. Et les insectes? C’est par myriades qu’ils s’écrasent sur les pare-brise. Et les millepattes, les escargots, les limaces…
Au Contre-Salon de l’Auto, organisé, voici quelques semaines, par G. Krassovsky, les Jeunes pour la Nature et l’Animal avaient présenté un panneau dénonçant les destructions de la faune par l’automobile. Eh bien, l’« Auto-Journal » (n°7, 15 avril 1976, p. 22) a répondu à ce panneau. Ce journal qui, comme ses semblables, est à la botte des constructeurs automobiles, écrit ainsi : « Résumer l’automobile, la route et les autoroutes par ce constat: « destruction des sites, percement des forêts, bruits, accidents », et imposer cette philosophie aux jeunes, c’est plus grave. Ouvrir une route, les dirigeants des pays en voie de développement le savent bien, c’est autre chose. C’est apporter de l’oxygène (sic) à des populations qui croupissent… Prétendre l’ignorer, c’est le privilège d’intellectuels fumeux séduits par la mode « rétro » et visiblement préservés des soucis du chômage. »
Toujours ce pseudo-argument du chômage, qui empêcherait de lutter contre quoi que ce soit. Mais le fait important est que les revues automobiles – il suffit de lire leurs éditoriaux – soient désormais sur la défensive: cela prouve que les arguments des écologistes font mouche.
Jean-Jacques Beaufay
La Gueule ouverte n°103, mercredi 28 avril 1976
Source: http://archivesautonomies.org/IMG/pdf/ecologieradicale/lagueuleouverte/lagueuleouverte-n103.pdf
Image: http://carfree.fr/index.php/2018/09/13/les-automobilistes-premiers-ecologistes-de-france/
Cet article m’intéresse beaucoup. Est il possible de joindre Nuit Grave ? Mon adresse mail est
monod54.fr@gmail.com Merci beaucoup, clément
En fait, on voit de moins en moins d’animaux morts sur la route (tout comme d’insectes sur le devant de la voiture d’ ailleurs. Souvenez-vous à quoi cela ressemblait dans les années 80 après un trajet en été à quelque vitesse).
Preuve que nous sommes en train de les achever.
J’ai un peu tiqué en voyant le chiffre de 15 millions de voitures françaises (on frôle les 40 millions). Et puis j’ai vu la date de l’article. Quels progrès a-t-on fait en 42 ans ? Merci pour ce partage !
@marmotte27 : Il y a aussi des animaux qui se sont adapté de façon comportementale (culturelle ?). Les renards se déplacent la nuit, alors qu’ils sont normalement diurnes, parce que la chasse est interdite la nuit.
Cet article me semble être un argument supplémentaire pour abaisser de façon généralisée les vitesses maximales autorisées (en complément des arguments de sécurité humaine et d’économie de carburant).
À 60km/h, on a bien plus souvent le temps d’éviter un petit animal, même figé ou bondissant n’importe où, qu’à 80km/h.
Il faudrait aussi apprendre aux gens à tenir les distances de sécurité : freiner pour sauver un petit animal, c’est souvent risquer d’être percuté par quelqu’un qui n’a aucune chance de le voir.
Je pense que dans ce cas l’automobile joue un role négligeable par rapport aux pollutions chimiques (engrais, pesticides…) de l’agriculture, principales responsables de la perte de près de 80% des insectes et en moyenne 30% des passereaux en 30 ans! Forcément moins visible que le rhinocéros blanc, mais bien plus dramatique. Je ne défends pas la bagnole comme outil d’écrasement de hérissons ou autres batraciens (d’ailleurs actuellement directement menacés dans certains endroits en phase de reproduction), mais le rapport est incomparable, hélas…
Bonjour à tous,
Ce ne sont pas que des animaux sauvages ou la flore sauvage que tue la mauvaise conduite d’automobilistes écrase ou tue petit à petit. (ou parfois estimé bonne).
C’est aussi toute l’humanité qu’elle empoisonne plus ou moins lentement, les hommes, les femmes, les enfants de toute l’humanité comme je le pense avoir déjà signalé.
Si nous ne faisons rien pour réduire cela, chacun à notre niveau, au moins, l’humanité toute entière finira par disparaître assez rapidement.
Et ce n’est pas des automobilistes qui n’ont pas les pieds sur terre à leur volant mais qui croient les avoir qui y changeront quelque chose
Bonne année et bonne santé pour l’année 2019.
A votre service
Bonjour à tous,
Liberté d’opinion et d’expression, surtout dans le respect du principe de précaution. Toute l’humanité est empoisonnée. Ce n’est qu’en en prenant vraiment conscience qu’il sera possible de faire réduire cet empoisonnement collectif.
Il n’y a pas que les animaux que le mauvais usage de l’automobile tue, des gens, l’humanité aussi.
Bonne année 2019 et bonne santé.
A votre service
J’aime beaucoup cet article et je dois dire que je suis pour le respect des animaux. Je trouve qu’il y a trop de fous sur nos routes et c’est triste de voir les conséquences de leurs actes.