Comment en finir avec la civilisation de l’automobile?

Notre société affecte plus de 80% de l’espace public à la circulation automobile et au stationnement des voitures, c’est-à-dire à un mode de déplacement individuel dont le taux d’occupation moyen ne dépasse pas 1,2 personne par automobile en agglomération. Les piétons et les vélos se sentent comme des intrus sur un espace public dédié à la vitesse automobile, où les infractions sont la règle en toute impunité. Il faut arrêter d’aménager la chaussée en fonction de l’heure de pointe, ce qui se traduit par des voies de circulation automobile démesurées, congestionnées une heure ou deux par jour, et qui se transforment en véritables catalyseurs à vitesse le reste du temps. Or, il est désormais admis que toute augmentation de l’offre d’espace automobile se traduit pas une augmentation de la circulation automobile qui génère rapidement des congestions et nécessite donc de nouvelles voies de circulation pour les voitures.

Afin de casser cette logique du « tout-automobile », il est donc nécessaire de supprimer le maximum d’espace automobile. En milieu urbain, une seule voie de circulation automobile pourra être conservée au maximum (suppression ou transformation de toutes les voies rapides urbaines à plusieurs files de circulation).

Afin de faire respecter dans les faits les limitations de vitesse, on s’attachera à mettre en place des aménagements pour « casser les vitesses » (Zones 20 et zones 30, chicanes, dos d’âne, revêtements adaptés, etc.).

Dans les parties centrales et les pôles secondaires de la ville, on privilégiera une limitation drastique de l’espace automobile avec la mise en place ou l’extension des espaces piétonniers.

Egalement, dans chaque ville, des espaces à urbaniser seront réservés à des projets de quartiers d’habitations et de commerces totalement sans voitures.

Enfin, il est nécessaire d’agir également sur l’offre de stationnement, en la réduisant fortement et en rendant le coût du stationnement de longue durée prohibitif. Les parkings seront remplacés par des parcs urbains.

Développer l’usage du vélo

Le vélo est un mode de déplacement économique, qui ne pollue pas et ne fait pas de bruit, occupe très peu d’espace, ne consomme pas d’énergie fossile, n’est pas dangereux pour les autres, est rapide (vitesse moyenne équivalente à celle de la voiture en milieu urbain) et bon pour la santé. Des vélos électriques existent même pour se faire aider dans les montées ou pour les personnes âgées !

Il est donc nécessaire de multiplier les places et parcs de stationnement pour vélos, généraliser les contre-sens cyclables et les voies à priorité vélo et aménager les transports en commun (bus, tramways, trains) pour qu’ils puissent accepter les vélos.

Des incitations fiscales à l’utilisation du vélo pour les déplacements domicile-travail devront être mises en place.

Egalement, chaque agglomération devra mettre en place des parcs de vélos en libre-service et gratuits.

Enfin, il semble nécessaire de développer l’usage du vélo pour les livraisons, avec les coursiers en vélo pour les petites charges et les triporteurs pour les plus grosses charges dans le centre des villes.

Arrêter l’étalement urbain et la périurbanisation

Entre 1990 et 1999, l’équivalent en surface de deux départements français a été urbanisé. Les zones ouvertes à l’urbanisation sont de plus en plus éloignées des activités économiques, de plus en plus émiettées et complètement dépendantes de l’utilisation de l’automobile.

Il est fondamental de ne plus autoriser l’urbanisation d’espaces non desservis par les transports en commun. Chaque projet d’urbanisation (habitat, industrie, bureaux, commerces) doit être accompagné d’un projet d’amélioration du réseau de transport en commun existant ou de nouvelle connexion au réseau si nécessaire.

On limitera le zoning en taxant spécifiquement les zones mono-fonctionnelles qui ne prévoient pas une diversité et une mixité des activités et des usages (centres commerciaux, zones d’activité, quartiers dortoirs, etc.)

Des projets de densification de l’habitat et des activités seront favorisés le long des axes lourds de transport en commun (tramways, métros, bus à haut niveau de service).

Faire payer l’usage de l’automobile

Malgré ce que beaucoup d’automobilistes pensent, le coût global de l’automobile pour la société n’est pas entièrement répercuté sur les conducteurs (coûts sociétaux et environnementaux).

Plus l’usage de l’automobile sera coûteux et moins il y aura de voitures sur les routes !

Il faut donc développer les péages urbains dans tous les centres des villes et envisager une taxe d’usage de l’espace public (avec la mise en place de GPS sur toutes les voitures), ce qui permettrait de faire varier les tarifs entre l’utilisation de la route en campagne à 3h du matin et en ville à l’heure de pointe. Toutes ces recettes seraient redistribuées aux transports en commun.

Il est également nécessaire de supprimer les avantages fiscaux accordés aux automobilistes (à transférer vers ceux qui utilisent le vélo pour aller au travail), de taxer spécifiquement la publicité automobile (impôt d’Etat) ainsi que les véhicules inadaptés au milieu urbain comme les 4×4 (impôt pour les collectivités locales) et de rétablir la vignette mais sous forme de vignette écologique (dont le produit ira à la création de parcs urbains et d’espaces piétonniers).

Transformer les banlieues en villes

Lire aussi :  "Bilanci di giustizia" : et les transports ?

La massification de l’automobile a profondément massacré les paysages et les formes urbaines, en générant l’uniformisation des quartiers, la spécialisation des activités et les coupures urbaines. Nous sommes face à une ville malade de l’automobile, sur laquelle il va falloir réaliser de véritables opérations chirurgicales, en redensifiant l’habitat et les activités, en redessinant les formes urbaines, en réalisant de nouveaux pôles de quartiers intermédiaires regroupant habitat, activités et commerces.

Les nouveaux principes qui guideront cette « ré-urbanisation » du territoire seront fondés sur les concepts de « ville compacte » et de « quartier des courtes distances ». On privilégiera l’échelle humaine (à pied ou à vélo) pour penser désormais la ville et son extension.

Une partie du produit des nouvelles taxes imposées à l’automobile sera affecté à cette ré-urbanisation, par le biais de projets urbains innovants et ambitieux en termes de développement durable et de mobilité. L’urbanisme automobile a échoué, des architectes et des urbanistes seront donc invités à re-penser la ville en proposant un nouvel urbanisme pour les banlieues.

Soutenir les transports en commun

Des sommes considérables sont investies dans le « tout-routier » et le « tout-automobile » depuis des décennies. Les contribuables payent le coût faramineux des autoroutes, routes, ouvrages et parkings.

Il est grand temps de réaffecter ces sommes gigantesques vers le développement et l’entretien des transports en commun, depuis les axes lourds comme le métro et le tramway dans les agglomérations jusqu’aux bus dans les villes moyennes et au transport à la demande en milieu rural ou périurbain.

Dans le même temps, l’usager des transports publics est quasiment le seul à payer en tant qu’usager. Les automobilistes paient uniquement le stationnement en zone payante, alors qu’ils bénéficient d’un financement très important de la part de la collectivité. Un basculement sur les transports collectifs d’une partie des crédits affectés à l’automobile suffirait à financer à la fois la gratuité (ou une tarification attractive) et l’augmentation de l’offre.

Egalement, il paraît opportun de lancer une grande politique nationale ferroviaire, en augmentant le nombre d’axes lourds entre agglomérations et en améliorant le réseau ferré local et régional. Le fret ferroviaire doit être systématiquement privilégié sur les longues distances, y compris en taxant spécifiquement le trafic des camions.

En ville, tous les grands axes de circulation automobile auront vocation à se transformer en lignes de tramway et on développera le tram-train (certains trains pourront s’arrêter dans les stations de tramway). Les taxis seront tolérés s’ils sont électriques.

Les gens emploieront les transports en commun s’ils sont rapides, modernes, commodes, fiables et accessibles. Il faut donc réaffecter les sommes confisquées par l’automobile à une politique ambitieuse de développement et d’amélioration des réseaux de transports en commun.

Imposer des résultats aux Plans de Déplacement des Entreprises (PDE)

Les PDE (Plans de Déplacement d’Entreprises) visent à trouver des alternatives à l’usage de l’automobile individuelle dans le cadre de la mobilité des entreprises (déplacements domicile-travail et déplacements professionnels). Pour l’instant, ces démarches restent facultatives et sans obligation de résultat alors que certains PDE ont pu montrer leur intérêt pour effectuer un report modal de l’automobile vers les modes doux (vélo et piétons) et les transports publics. Lorsque les entreprises sont motivées et motivantes, divers types d’actions permettent de transformer durablement la mobilité au sein des entreprises (suppression du stationnement automobile ou mise en place de stationnement payant là où il est gratuit, aides financières aux salariés pour l’achat d’abonnements aux transports publics, achats de vélos aux salariés, etc.).

La démarche PDE doit donc être généralisée pour l’ensemble des entreprises en la rendant obligatoire au-delà d’un certain seuil d’employés au sein des entreprises. Egalement, la loi doit imposer une obligation de résultats aux entreprises, mesurable en terme de report modal de l’automobile vers les autres modes de déplacements.

Restructurer l’industrie automobile

Les emplois du secteur automobile sont déjà en phase de délocalisation avancée. Non seulement l’industrie automobile emploie de moins en moins localement, mais en plus les productions délocalisées dans les pays du Tiers-Monde offrent moins de garanties en ce qui concerne le respect des droits sociaux et la protection de l’environnement.

Il faut donc à la fois transférer les emplois restants du secteur automobile vers le secteur ferroviaire (reconversion vers la recherche et le développement de tramways et de TGV plus performants et de transports collectifs non polluants) et développer un « commerce équitable de l’automobile » en autorisant à entrer sur le territoire uniquement les véhicules dont la production s’est faite dans le respect des droits sociaux des individus et de la protection de l’environnement.

Ces différentes mesures auront pour conséquence une diminution rapide du nombre de voitures, ce qui permettra de développer alors l’auto-partage pour une utilisation raisonnée et raisonnable de l’automobile.

Source: Pour en finir avec la société de l’automobile

Un commentaire sur “Comment en finir avec la civilisation de l’automobile?

  1. YoM

    Bel article, et effectivement, ces mesures me semblent adéquates mais à condition de changer les mentalités, d’opérer l’équivalent d’un changement de mœurs et de modes de vie bien entendu, ce qui passe par beaucoup d’actions citoyennes, incluant la désobéissance civile contre l’omniprésence et l’omnipotente de la société de consommation.
    Rapport à l’un des t-shirts disponibles sur votre site, et pour témoigner de manière personnelle, laissez-moi vous dire que ma vieille voiture que je n’utilisais que peu a été brûlée par une bande de crétins qui ne l’ont pas fait pour des raisons politiques mais parce qu’ils ont cramé un scooter qui se trouvait à côté de ma machine à polluer…
    Je suis par conséquent obligé de faire tout à vélo mais étant quelques temps dans une ville à l’agonie où les transports en commun laissent à désirer, je dois aussi m’évertuer à expliquer avec le plus de diplomatie possible qu’ici comme ailleurs, il importe de se conduire de manière responsable… en ne conduisant plus!
    YoM

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