Après le « Tu viens ? » commis par Nathalie Kosciusko-Morizet, c’est au tour de Chantal Jouanno de pondre un livre (de conversations) au titre aguicheur : « Sans tabou ». La secrétaire d’Etat chargée de l’Ecologie aurait peut-être mieux fait d’en avoir, des tabous, pour ne pas révéler aussi crûment l’étendue de son incompétence.
« Je suis ministre des Fleurs et des Abeilles. » C’est ainsi que Chantal Jouanno définit son rôle à ses enfants, majuscules comprises. Une ministre aux convictions bien arrêtées, elle qui se donne bonne conscience en volant dans un avion « bien sûr compensé » vers un congrès de France nature environnement. Les Fleurs, les Abeilles, voire les Mouettes et les Carottes peuvent la remercier.
Petite soldate docile que le Canard enchaîné dépeint comme une arriviste de première, la championne de karaté défend « contre vents et marées » le sarkozysme, qu’elle décrit comme un « mélange d’ouverture, de bon sens et de détermination absolue ». Une détermination si absolue qu’après s’être dit grand écologiste, le petit président a fini par avouer : « L’écologie, ça commence à bien faire. » Et qu’après avoir plastronné en comparant sa taxe carbone à l’abolition de la peine de mort, il l’a platement abandonnée, sur ordre du Medef. La ministre des Pissenlits a pensé, un temps, démissionner. « J’ai trop entendu que l’écologie ne « rapportait rien », qu’être exemplaire « ne servait à rien », que les contraintes écologiques « couleraient nos entreprises », que j’étais une gentille « utopiste ». » Malheureusement… « J’ai envie de faire ce pari que, peut-être, j’aiderai un peu à changer les choses. »
Et même changer le monde ! Ouf, respirez, Neuilléens, Neuilléennes, habitants du XVIe, « changer de monde, ce n’est pas toujours être altermondialiste ». Selon Chantal Jouanno, le seul qui porte le changement, c’est le régime le plus à droite depuis Vichy. Après avoir rencontré régulièrement les dociles WWF et Greenpeace au QG UMP de la campagne présidentielle, la secrétaire d’Etat a l’impression d’avoir écrit le « premier tome » de l’écologie en 2007, avec le Grenelle de l’environnement qui « lève les verrous antiécologiques ». « Une feuille de route pour la France de demain », « une nouvelle page d’histoire ». Rien que ça ! Avant nous, la droite ultra-réac qui a accompli « une révolution intellectuelle sans précédent » (sic), l’écologie n’existait pas.
Green is green
Pourtant, les sauveurs de la planète n’ont appris l’existence du GIEC qu’en 2005. Ah tiens, un groupe de scientifiques travaille sur le dérèglement climatique depuis vingt ans… Mais c’est surtout le rapport Stern qui intéresse les philanthropes. Là, ils se rendent compte que le changement climatique risque de nuire au PIB. Tout comme la raréfaction des ressources naturelles. « Le pétrole est la source d’énergie de toute notre économie. » Et des espèces disparaissent, c’est dommage, surtout que « c’est notre économie elle-même qui dépend de la biodiversité ».
Sans tabou liste quelques indicateurs alarmants : baisse de la fertilité, eau, sols, air pollués, maladies respiratoires, allergies, cancers… Mais pour le moment « nous ne sommes pas malades de notre développement », assure Chantal Jouanno. Certains s’inquiètent des conséquences des téléphones portables sur la santé ? « Il est illusoire de vouloir vivre hors des ondes électromagnétiques. » Des extrémistes remettent en question les nanotechnologies ? « Le développement passe par les nanotechnologies. » Quant aux faucheurs d’OGM, ce sont de dangereux criminels, leurs « actes de vandalisme hypothèquent l’avenir ». Gasp.
La décroissance, ce serait la fin de l’humanité !
Tout de même : « Climat, biodiversité, santé, risques, toutes ces questions remettent en question [sic] notre modèle de développement et, peut-être plus encore, de consommation. Les corriger, c’est admettre que la société de consommation nous a poussés dans des excès. Admettre que nous avons souvent oublié d’être pour avoir. » Nous avons là un fragment de discours directement issu des élans messianiques du saint Nicolas (Hulot). « J’ai toujours pensé que la clé de notre avenir n’était pas dans cette consommation triomphante, mais bien dans la conscience de notre être. » Amen.
Mais pas le moindre début de remise en cause du productivisme n’est esquissé. « C’est sûr qu’il faut changer de modèle. Cela ne veut pas dire aller vers un système de décroissance pure mais il faudra poser une limite aux excès. » Notre modèle de société est sain en lui-même, il faudrait juste corriger ses petits débordements. Surtout pas tomber dans le radicalisme de la décroissance ! Dominique Bourg a beau la prévenir : « Nous savons que la perpétuation de la croissance nous conduit droit au mur » ; Jane Goodall a beau l’alerter : « Nous devrions être terriblement effrayés de notre croissance économique sans borne sur une planète qui, elle, a des ressources finies », rien n’y fait. La ministre enfile les poncifs sur le mouvement antiproductiviste.
Exemple : « [En réponse à l’économiste benêt Jean-Paul Fitoussi, qui assure que la croissance du PIB est qualitative et non pas quantitative] Vous avez raison de souligner les limites de la logique de la décroissance, logique qui aboutit toujours in fine sur la question de la démographie. Puisque le monde est fini, l’homme prédateur et naturellement consommateur devrait s’autolimiter. D’ailleurs, même en France, il y a encore des propositions de contrôle des naissances. »
Le meilleur, plus loin : « La décroissance serait une impasse. De fait, la philosophie de la décroissance repose sur une confusion : ce n’est pas la croissance qui abîme la planète mais le prélèvement d’énergies fossiles [parce que les deux ne sont pas imbriqués, c’est bien connu], de matières premières, c’est-à-dire de ressources finies. Un autre modèle de croissance qui remplace des ressources finies par des ressources renouvelables ou renouvelées est possible [sic]. Un autre modèle qui pose le principe de « l’impact zéro » sur la planète de notre production et de notre consommation est possible [sic]. La décroissance n’est pas l’avenir de l’humanité, elle en serait la fin [sic], butant toujours sur la contradiction entre croissance démographique et capacités de notre planète. »
Elle, qui cite Nicolas Hulot et Yann Arthus-Bertrand comme des penseurs références, qui n’oublie pas de consulter ces deux télécologistes lors du sommet de Copenhague, qui estime qu’en maîtrisant le nucléaire de quatrième génération, l’éolien en mer ou les carburants à base d’algues, on règle 50 % de la question du climat (!), qui espère transformer les voitures essence en véhicules électriques (!!!), conclue : « Loin de la décroissance, loin de toute nostalgie pré-industrielle, l’écologie est, à mes yeux, l’espace d’une autre croissance possible. »
Les incantations ne suffiront pas à duper les lecteurs. Ils décèleront, page 172, un sursaut d’honnêteté de la secrétaire d’Etat chargée de l’Ecologie : « Les politiques ont finalement peu d’outils pour agir en ce domaine. » Point.
Chantal Jouanno (dialogues avec Charles-Edouard Vincent, Richard Descoings, Jean-Paul Fitoussi, Dominique Bourg et Jane Goodall), Sans tabou, éditions de la Martinière, septembre 2010.
Source: http://pedaleurop.over-blog.com/
Merci pour cette « fiche de lecture » d’un livre qu’on peut apparemment éviter de lire…
Ce qui m’étonne le plus, c’est qu’avant, les ministres, ou les sous-ministres dans le cas de Jouanno, attendaient la fin de leur expérience ministérielle pour pondre un bouquin… Maintenant, ils trouvent le temps d’écrire un livre pendant qu’ils exercent leur mandat ministériel… Ils ont donc du temps libre… peut-être que les ministres sarkozystes sont aussi aux 35 heures? En outre, au lieu de passer son temps à écrire un livre, on serait en droit d’attendre de sa part un peu plus d’actes en ce qui concerne la résolution des (nombreux) problèmes écologiques de notre pays… Enfin, la démarche qui consiste à vendre un bouquin alors qu’on est ministre s’apparente à de l’abus de bien social. Le ministre va vendre son bouquin avant tout grâce à son statut ministériel… qui connaissait Chantal Jouanno avant qu’elle soit propulsée sous-ministre par Sarkozy? Elle profite de sa fonction pour vendre un bouquin réalisé dans l’exercice de ses fonctions, sensé parler de ses fonctions, tout en accomplissant que très moyennement les fonctions dans lesquelles elle a été nommée…
ok, merci, n’en parlons plus. Au pilon !
Ca pue la recherche de profit….
toujours…
encore…
plus…
…en manipulant les gens qui après avoir regarder la télé (car on peut être sûr qu’elle fera la promotion de ce qui semble être une bonne grosse merde) et qui, et c’est peut être ça le pire, acheteront ladite merde.
Et c’est même gens répèteront qu’il y a bien un pb mais qu’il sera régler grâce aux algues et au vent.
Secrétaire d’Etat chargée de l’écologie ? ça alors, je croyais qu’elle était ministre de la chasse.
@ Carfree : « qui connaissait Chantal Jouanno avant qu’elle soit propulsée sous-ministre par Sarkozy? »
Ses adversaires de karaté, tout au moins ! 🙂
Sinon, cela augure de bien mauvaises choses, ce bouquin. En effet, nous (je parle de ceux dont je vois sur le présent site une réflexion critique aiguisée) ne sommes pas dupes et voyons le bandeau que se met Chantal Jouanno. Mais c’est bien une question de paradigmes en lutte qui se joue. Et à ce petit jeu-là, je trouve que le bouquin « Sans tabou » peut faire des dégâts…
Qu’une Secrétaire d’État écrive et défende son boulot avec des fleurs et des abeilles, c’est rendre le monde gentil, aussi gentil qu’on le voudrait…
Il faut que des magnats de la véritable écologie s’emparent aussi d’un temps de parole dans des médias de grande envergure, ceci pour s’ériger contre cette imposture. S’il vous plaît, Monsieur Latouche, allez mettre au tatami cette séductrice soi-disant écologiste.
Merci
En tout cas, merci beaucoup pour la fiche de lecture, afin de savoir la substance d’un livre que je n’aurais pas pris la peine de lire… Ça fait peur, en tout cas, selon moi.
Carfree : ta remarque est très juste. Les livres d’anciens ministres de l’écologie (de Robert Poujade, Huguette Bouchardeau, Corinne Lepage, Dominique Voynet) ont été écrits après leur expérience ministérielle. Ils sont d’ailleurs assez utiles car ils offrent un retour critique sur l’action gouvernementale en matière d’écologie.
Mais là, que ce soit NKM (dont je n’ai pas encore lu le livre Tu viens ?, ça viendra… D’après une critique parue dans la revue l’Ecologiste, cette grande polytechnicienne n’a pas honte de citer Thoreau pour descendre la désobéissance civile ou Alain Gras pour défendre les OGM) ou Jouanno, elles sortent effectivement leurs bouquins en plein pendant leur service du sarkozysme. Pour l’éditeur, c’est une bonne manière de s’assurer un certain niveau de ventes et plein d’articles dans la presse : les journaleux, à la recherche de petites phrases, sont toujours friands des livres écrits par les détenteurs du pouvoir.
Mais ces ouvrages n’ont pas grand intérêt. Dans le cas de Jouanno, il s’agit clairement d’un livre de BAVARDAGES, rien de plus. Pas de pensée. Jouanno discutaille sur du vide, le tout agrémenté des poncifs les plus éculés et de sentences haineuses infligées au mouvement antiproductiviste. Cette daube encombre les tables des libraires et fait de l’ombre aux vrais livres, essentiels, qui eux peinent à se faire de la place et à trouver leurs lecteurs. Bref, comme le dit Stefanopoulos : « au pilon ».
« … D’ailleurs, même en France, il y a encore des propositions de contrôle des naissances » : Évidement qu’il faut un contrôle des naissances car l’augmentation de la démographie est un facteur polluant primordial! La clé est une excellente contraception appuyée par les états et associée à une culture anti-nataliste douce [
Les inconvénients de la natalité pour la planètes (on les connaît) comme les risques plus personnels pour la santé physique et psychologique devraient être énumérés sans relâche :
Risques dentaires, de varices, risques d’infection opératoires (*1) avec la mode des césariennes, risque de plus en plus élevé d’avoir un enfant avec des problèmes génétiques – merci la pollution généralisée! Risque de devoir absolument faire une césarienne car les bassins féminins deviennent de plus en plus étroits par anti-sélection naturelle (*2), en fait à cause des césariennes. Et n’oublions pas les risques psychologiques, grandes remise en question pour beaucoup, des années de baby-talk en perspective, de correction de devoir, de prise de tête avec les casses-têtes scolaires (75% de risques que votre enfant soit victime de racket et de violences diverses) etc. Sans compter que malgré tout ce que vous aurez fait votre progéniture va certainement vous reprocher de ne pas en avoir fait plus, et il y a des chances non négligeable qu’elle finisse par vous faire la tête quand vous serez devenu trop encombrant et vous laisse croupir dans une maison de retraite en attendant impatiemment sa part d’héritage – à noter cyniquement que de ce point de vue des visites régulières retardent l’héritage et permettent l’évaporation de la fortune engloutie par la maison de retraite. Etc.
Sans compter qu’une fois que les enfants sont là ça devient difficile de faire l’amour tous les jours alors avec une peu de chances deux fois par mois 🙂 A la va vite avant qu’ils ne se réveillent 🙂
Et bien voilà qui devrait encourager, après il faut encore diluer les angoisses des esseulés au grand âge marqué et sans famille et bien deux cas de figure schématisé :
1) un vous êtes gâteux et si vous l’êtes assez ça doit fonctionner comme antalgique psy.
2) vous êtes pas gâteux, et il y a toujours Internet, donc la possibilité de rencontrer et dialoguer facilement avec des personnes ayant les même intérêts ce qui devrait résoudre beaucoup de problèmes. Évidemment ce n’est pas toujours facile, certains couples sans enfants (et même dès fois quand ils en ont! Merci pour les enfants) font des pactes suicides, mais cela est-il vraiment pire que de finir des années grabataire, même en étant bien entouré?
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mais certainement un moyen d’action indispensable en conjonction avec des mesures écologiques strictes.
(*1) : attention, les nouvelles super bactéries sont insensibles aux anti-biotiques sauf généralement un ou deux dernier modèles difficiles à administrer et aux effets secondaires non négligeables.
(*2) : je ne dis pas qu’il faut réintroduire une sélection naturelle, mais celles qui pensent ne pas pouvoir accoucher sans césarienne devraient réfléchir sur els implications supplémentaires que cela implique, sans compter les risques supplémentaire pour le bébé, car il se passe qu’en passant par la voie normale le crane du bébé compressé, sa fontanelle quasi refermée implique une purge drastique des fluides présents dans la zone ORL, ce qui diminue grandement^certains risques ultérieurs comme les otites! A noter que peu après la naissance un ostéopathe expérimenté est capable de reproduire ce phénomène naturel, mais il faut oser et rare sont ceux qui n’ayant pas insisté pour un accouchement naturel prendront le temps de se pencher sur ces détails.
Pour les troubles psychologiques dus à la paternité et à la maternité, « Dusexe100conséquences », je voudrais signaler que la détresse des gens, bien souvent, ne nécessite pas d’enfants…
C’est comme si on disait que se mettre en couple est destructeur car « les histoires d’amour finissent mal, en général ». Mais si des bouquins existent sur le bilan psychologique de la paternité et de la maternité, alors je veux bien voir ce que ça donne (à mon avis,…) !