Une COP26 au service du lobby automobile

La COP26 a lieu en ce moment même à Glasgow au Royaume-Uni et une nouvelle fois, on se rend compte que ces évènements médiatiques où le gotha politique et économique mondial se réunit depuis plus de 25 ans pour disserter sur la destruction du climat ne servent qu’à aggraver les choses. Car, on ne peut même plus dire que les COP ne servent à rien; en fait, c’est pire, elles aggravent la situation du strict point de vue du réchauffement climatique. 

Carlton Reid, historien et éminent journaliste spécialisé dans les transports depuis 30 ans, est présent actuellement à Glasgow et il dresse un portrait sans concession de la COP26 du point de vue des transports.

Il rend compte dans un article récent pour Forbes du programme prévu pour la journée du transport de la COP26, le 10 novembre 2021. Et, comme de bien entendu, lors de cette journée de la COP26 consacrée au transport, il sera principalement question de… voitures électriques. Le programme officiel ne mentionne même pas le vélo, la marche à pied ou les transports en commun.

Selon lui, il est quand même étrange de constater que les déplacements actifs – la marche ou le vélo – occupent rarement le devant de la scène lors des conférences sur le climat, alors qu’il s’agit sans aucun doute possible, de la solution la plus efficace pour décarboner le secteur des transports.

Inversement, toute l’attention politique, industrielle et médiatique se concentre sur la voiture électrique alors même que l’on sait désormais qu’elle ne nous sauvera pas.

Selon une étude dirigée par Christian Brand, de l’université d’Oxford, « la mise en place, l’investissement et la promotion des déplacements actifs devraient être la pierre angulaire des stratégies, politiques et plans de développement durable. »

Il est « peu probable que les objectifs de développement durable soient atteints sans un transfert modal significatif vers des transports durables, » révèlent Brand et ses coauteurs. Leur étude de sept villes européennes montre que les émissions de CO₂ liées au cycle de vie de la mobilité quotidienne étaient de 3,2 kg/CO₂ par personne, les déplacements en voiture contribuant à 70 % de cette quantité et le vélo à seulement 1 %.

L’utilisation des véhicules à moteur représente près des trois quarts des émissions de CO₂ liées au transport, et ces chiffres ne diminuent pas et ne peuvent pas, à court terme, être réduits par le lent passage aux voitures électriques.

Le récent rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) sur le réchauffement de la planète a identifié le vélo comme un moyen important de garantir un monde sûr et durable. Alors, si le vélo est un moyen rapide et éprouvé de réduire les émissions des transports, pourquoi n’est-il pas pris au sérieux dans la zone bleue de la COP26, la zone réservée aux dirigeants mondiaux, aux délégués, aux observateurs et aux journalistes accrédités?

Et pourquoi, au lieu de cela, les voitures électriques sont-elles le centre d’intérêt presque exclusif des délégués et des dirigeants lors de la journée consacrée au transport lors de la COP26?

Il semble bien que la promotion des voitures électriques comme une solution à la crise climatique actuelle soit un moyen – largement irréalisable en temps voulu – de maintenir le système actuel de mobilité avec les inconvénients que l’on connaît, tels que l’extension des réseaux routiers, la congestion, l’épuisement des terres rares pour les grosses batteries des voitures ou les émissions liées à la production d’énergie électrique.

« Encourager les gens à continuer à utiliser des véhicules privés contribue à perpétuer le type de pensée qui nous a conduits à notre société problématique dominée par la voiture, » a déclaré ainsi Lord Tony Berkeley, patron du groupe parlementaire multipartite sur le cyclisme et la marche. Et il ajoute que « les véhicules électriques constituent une option attrayante car ils nécessitent peu de changements de comportement. La réalité est que nous devons tous apporter des changements importants et de grande envergure à notre mode de vie. »

Un rapport publié dans la revue Nature Sustainability estime que la fabrication d’une voiture électrique moyenne produit près de 12 tonnes d’émissions de carbone. Cela équivaut à environ 15 ans et demi de consommation d’électricité pour une maison familiale moyenne. Pour une seule voiture. Multipliez ce chiffre par plusieurs milliards dans le monde si le projet est de remplacer le parc automobile actuel par des voitures électriques.

Et tout cela pour un produit extrêmement coûteux qui reste inutilisé 95 % du temps et, lorsque les voitures sont utilisées, elles ne transportent souvent qu’une seule personne. Une personne dans le confort et la sécurité, mais toujours une seule personne, à grands frais pour la société et pour la planète.

« Les voitures occupent une grande partie de l’espace public, ce qui nuit à l’efficacité des transports publics et enferme de nombreuses communautés dans la dépendance à la voiture, en planifiant le stationnement et le déplacement des véhicules à moteur privés, » ajoute Lord Berkeley.


Pas de vélos dans la zone bleue de la COP26, mais une « voiture de course électrique à zéro émission » (Photo: CARLTON REID)

Pas d’argent, pas de parole

Alors qu’il n’y a pas de vélos dans la zone bleue de la COP26, il y a une voiture de course de formule électrique, symptomatique des énormes budgets de l’industrie automobile (photo ci-dessus). Le coût d’un espace dans la zone des délégués de la conférence sur le climat n’est pas bon marché, c’est même très cher, alors vous comprendrez bien que les industriels ne vont pas dépenser leur argent pour parler de vélo ou de marche à pied…

Lire aussi :  L'agricyclette : l'espoir pour des milliards de paysannes et de paysans?

La zone bleue de la COP26 concentre tout le gotha politique et économique mondial sans même parler des centaines de journalistes accrédités: quelle formidable publicité géante pour la mobilité électrique susceptible de redorer l’image dégradée des constructeurs de voitures tout en préparant leurs futurs profits!

En dehors de la zone bleue, il y a bien quelques événements marginaux où le vélo et la marche à pied occupent une place centrale. Mais, tout comme Greta Thunberg, ils ne sont pas invités dans la salle principale.

Comme l’a montré Cycling UK pendant la conférence avec des projections nocturnes percutantes sur les monuments de Glasgow, le vélo est pourtant une « machine qui combat le changement climatique. » (photo du haut)

Cycling UK est l’une des 64 organisations à avoir cosigné une lettre ouverte commune aux dirigeants mondiaux leur demandant de « s’engager à augmenter le nombre de cyclistes pour réduire les émissions de carbone et atteindre les objectifs climatiques mondiaux rapidement et efficacement. »

Et les ONG de cyclistes ne sont pas les seules à avoir fait part de leurs préoccupations. L’UITP – l’Association internationale des transports publics, fondée en 1885 – a également signé la lettre.

Le secrétaire général de l’UITP, Mohamed Mezghani, explique quant à lui : « La marche et le vélo devraient être les premiers choix de mobilité dans une ville, sur la base d’un système de transport public intégré. Les modes actifs sont non seulement bons pour la santé publique, mais ils ne dégagent aucune émission. »

Et il ajoute : « Au lieu de mettre davantage l’accent sur les voitures électriques, qui ne réduiront pas les embouteillages, n’apporteront pas une meilleure sécurité routière ou des villes plus saines, nous devrions nous concentrer sur l’augmentation des options de mobilité pour apporter une meilleure vie urbaine pour tous. »

Electro-blanchiment

« C’est la COP qui va donner le coup d’envoi du marché de masse des véhicules à zéro émission » commence le texte de la journée du transport sur le site de la présidence britannique de la COP26. « La journée des transports réunira des leaders de tout le secteur pour accélérer la transition vers des véhicules 100% zéro émission » poursuit l’introduction.

Les bicyclettes sont déjà des « véhicules à 100% d’émissions nulles, » mais la journée du transport de la COP26 sera principalement consacrée aux véhicules à moteur électrique. Il n’est même pas question de trains dans l’introduction de la journée du transport de la présidence britannique, ni dans aucun des quatre sujets de transport abordés lors de la COP26.

Il y aura en effet des débats à huis clos sur le verdissement du transport maritime, du fret routier et de l’aviation, mais l’événement principal sera: « Accélérer la transition vers les véhicules électriques zéro émission : Une voie à sens unique. »

« Des dirigeants, représentant une part importante du marché mondial des voitures neuves, se réuniront pour montrer leur engagement en faveur d’un avenir du transport routier à zéro émission » indique par ailleurs le programme de la journée des transports.

« Les ministres, les constructeurs automobiles, les chefs d’entreprise, les gestionnaires de flotte et les dirigeants des villes [s’accordent à dire] que c’est la COP qui donnera le coup d’envoi du marché de masse des véhicules à zéro émission. »

Des bicyclettes ? La marche à pied ? Les trains ? Tous absents.

« Même dans le meilleur des cas, il faudra au moins 20 ans pour éliminer progressivement la flotte actuelle de voitures à moteur à combustion interne et encore plus longtemps pour les camions et les poids lourds, sans parler du déploiement de l’infrastructure de recharge, » souligne le président de la Fédération européenne des cyclistes, Henk Swarttouw.

« Il existe pourtant un moyen rapide et relativement simple de donner un coup de fouet à la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre dans le secteur des transports. En Europe, la moitié des déplacements en voiture sont inférieurs à 5 km. Un tiers d’entre eux sont inférieurs à 3 km. La plupart des gens pourront parcourir ces distances à vélo ou, pour les distances les plus courtes, simplement à pied. Chaque kilomètre parcouru à vélo plutôt qu’en voiture permet d’économiser immédiatement, en moyenne, 150 grammes d’émissions de CO2. »

Au lieu de promouvoir les voitures électriques, de quoi les délégués de la COP26 devraient-ils débattre s’ils voulaient vraiment réduire les émissions dues aux transports ?

Oui, des pistes cyclables protégées, mais ils devraient aussi reconnaître que les déplacements actifs ne contribuent pas seulement à sauver le climat, mais aussi les gens.

M. Swarttouw poursuit : « Outre la réduction des émissions, l’augmentation de la pratique du vélo apportera des externalités très intéressantes : une meilleure santé publique grâce à une activité physique accrue, une réduction de la pollution atmosphérique et sonore, une diminution des embouteillages et des villes plus vivables. »

Source: Forbes

8 commentaires sur “Une COP26 au service du lobby automobile

  1. Alexandre Oberlin

    Le vélo et la marche  permettent aussi de réviser ses cours ou d’écouter des podcasts, ce qui est difficile et même dangereux en voiture.

  2. jol25

    Casque audio interdit en vélo, comme en voiture… 😉
    Est-il vraiment surprenant de constater que les COP se succèdent et ne sont que l’apologie de la techno-science au « secours » de « la planète », au grand bénéfice de tous ceux qui ont déjà le pouvoir et l’argent ?

    Il n’y a rien à attendre « d’en-haut ». Les seules solutions viendront  probablement de la base, si elle est encore capable de déséquilibrer le système vertical…

  3. zaph

    Dans nos sociétés capitalistes, seul compte le profit que retire les actionnaires. La valeur ajoutée de la bicyclette est bien trop peu importante à leurs yeux pour avoir un quelconque intérêt.

    Dés lors toutes les occasions sont bonnes pour montrer qu’il ne faut rien changer et présenter des objets inutiles ou inutilisés.

    Le summum étant cette auto de course électrique  !

    En effet, ne changeons rien et avançons en klaxonnant face au mur qui se dresse à nous. L’humanité disparaitra et peut-être, dans quelques millions d’années, la nature en se régénérant fera apparaître une nouvelle espèce moins stupide.

     

     

  4. Danny Letard

    Le rôle des avions surtout à réaction sur le rechauffement climatique et l’empoisonnement collectif.

    Bonjour, à tous et toutes,

    j’avais déjà signalé qu’il fallait atteindre 1400°C pour que l’air composé essentiellement de dioxygène (environ 20 %) et de diazote oxyde d’azote ( environ 65 %) devient dans des cylindres de véhicules à moteur(s) thermique(s) de l’oxyde d’azote presque complètement.

    C’est le cas pour des moteurs thermiques des automobiles et aussi de bateaux.

    Mais c’est aussi le cas des réacteurs d’avions en vol et, surtout, au décollage.

    Si il n’y avait pas cette transformation de km cube d’air presque totalement en oxyde d’azote dans les réacteurs, un avion à réaction ne pourrait pas voler ni même décoller quel que soit le carburant utilisé même du kérosène « propre ».

    C’est cette transformation de l’air qui amène la poussée nécessaire pour faire décoller un avion à réaction et le maintenir en vol.

    Alors, la COP 26 est-elle prête à (faire) interdire tout avion de vol à reaction surtout à basse altitude au dessus de grandes villes ou de capitales comme Bruxelles, sauf pour des raisons militaires de défense du territoire ou humanitaire?

    Je ne le crois pas.

    Le dioxyde d’azote est considéré comme un poison violent et serait responsable de pluies acides, donc d’acidification des océans et des mers et d’une importante partie du réchauffement climatique.

    A votre service

  5. Lydie

    Situation aberrante de cette société mondiale avec un modèle économique qui nous précipite tous dans un gouffre. Les dirigeants qu’ils soient américains, chinois, russes, ou européens contribuent à aggraver encore plus les désordres climatiques . Surtout entreprenons aucune actions concrètes efficaces efficientes. Continuons la dérive avec l’aval du complot médiatique, du monde de la finance et des industriels. Tous les décideurs se moquent d’avoir du sang sur les mains de détruire l’humanité à partir du moment où ils peuvent conserver le pouvoir,  l’argent…. Nous pourrons toujours alerter, sensibiliser ce qui malheureusement restera un prêche dans le désert. Les changements de comportements ne sont pas prêt de venir avant le véritable  cataclysme qui se prépare.

  6. vince

    Merci pour cette mise au point.

    Le lien vers le programme n’est plus disponibles, ici un lien vers les « goals » de la COP26  : https://ukcop26.org/cop26-goals/

     »

    accelerate the phase-out of coal
    curtail deforestation
    speed up the switch to electric vehicles
    encourage investment in renewables. »

    On a donc hélas compris qu’on avait plutôt affaire à un « salon de l’auto électrique »

  7. pedibus

    si le capitalisme mondial des années 2020 cherche à flamber des myriades de milliers de milliards d’unités monétaires, au prétexte de faire quelque chose face au réchauffement climatique, un bien meilleur plan que la prolongation de la bagnole devrait alors voir le jour, bien plus coûteux encore… :

    refaire les villes, en métamorphosant chaque quartier pour que soit retrouvée la métrique piétonne, perdue depuis le Moyen-Âge :

    meilleure solution pour s’économiser le transport, réponse radicale pour se passer de toute technique de déplacement à l’exclusion de nos chaussures…

    cette mutation urbanistique oblige par contre à faire la guerre contre le sacro-saint droit de propriété foncière, qu’il s’agit alors de limiter aux besoins basiques du logement et à rendre compatible avec une dissémination isotrope, homogène, bien répartie des fonctions urbaines classiques ; elle contraint également le système commercial à muter complètement, avec la brique de base à fabriquer du petit supermarché aux clients piétons et au personnel bien rémunéré sans être harassé de travail ; seules les activités incompatibles avec la tranquillité de voisinage seraient alors reléguées en lisière urbaine, avec naturellement un accès prévu avec des techniques de déplacement alternatives à la motorisation individuelle…

    un très vaste projet donc… et très belliciste au vu du nombre de châteaux forts à aller assièger et à réduire… tout à fait à la portée de nos tyrannosaures du carbo-mortifère, si l’on en juge à leur belle dentition rutilente… nous avons là de beaux outils vivants à remettre sous le joug de la chose publique…

  8. vince

    La COP26 bien tournée en dérision :

    Man announces he will quit drinking by 2050

    « Un habitant de Sydney s’est fixé l’objectif ambitieux d’éliminer progressivement sa consommation d’alcool au cours des 29 prochaines années, dans le cadre d’un plan impressionnant pour améliorer sa santé. Le programme verra Greg Taylor, 73 ans, continuer à boire normalement dans un avenir prévisible, avant de réduire sa consommation en 2049 lorsqu’il aura 101 ans. Il a assuré à ses amis que cela n’affecterait pas ses plans de consommation à court ou moyen terme. Taylor a déclaré qu’il était important de ne pas précipiter le passage aux boissons non alcoolisées. « Il n’est pas réaliste de passer au zéro alcool du jour au lendemain. Cela nécessite une approche régulière et progressive où rien ne change pendant au moins deux décennies », a-t-il déclaré, ajoutant qu’il pourrait avoir besoin de faire des investissements supplémentaires dans la consommation de bière à court terme, pour s’assurer qu’aucune soirée ne soit pire. Taylor sera également en mesure d’avancer les crédits de consommation gagnés pour les jours où il n’a pas bu au cours des quarante dernières années, ce qui signifie que la date de fin réelle de la consommation pourrait en fait être 2060. Pour faciliter la transition, Taylor a acheté un deuxième réfrigérateur à bière qu’il décrit comme la méthode de « capture et stockage ».

     

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