L’article que je propose aujourd’hui est une adaptation de l’article « Depaving the World », paru dans Auto Free Times numéro 10. L’original est disponible à l’adresse suivante : http://www.worldcarfree.net/resources/freesources/Depaving.htm
Dans cet article, Richard Register vous explique comment démanteler des surfaces bétonnées et en faire des espaces verts : à petite, moyenne ou même grande échelle.
Introduction
Peut être que ça vous démange parfois de prendre un bon gros marteau-piqueur et de l’enfoncer profondément dans l’asphalte. Vous aussi vous pouvez prendre les outils et enlever un gros morceau de cette matière dure et noire. J’adore détruire l’asphalte et peut être que vous aussi, vous aimeriez être de la partie? Alors voici un mode d’emploi.
Hélas, ça commence toujours par des formalités avec les propriétaires. Et ça peut aller jusqu’à repenser l’occupation des sols en reconstruisant la plupart de ce que nous avons construit jusqu’ici, tellement les villes et villages d’aujourd’hui ont une façon ravageuse de construire. On distingue trois catégories de projet : les projets de petite envergure, ceux de moyenne envergure, et les projets réellement satisfaisants. Je n’ai pas encore réalisé à ce jour de projet de grande envergure.
Pour vous donner un ordre de grandeur : depuis 1992, j’ai débétonné près d’un demi hectare avec divers amis. En même temps, j’estime qu’on a bétonné entre 100 et 200 de plus dans Berkeley (Californie), ma ville, pour y construire plus de parkings et de routes pour automobiles, pour toujours plus de voitures et une dépendance plus forte en gazole. Et donc toujours plus de place pour l’asphalte. Et il y a quelques fous comme moi qui ont décidé de ne pas abandonner. Alors laissons la place à la leçon.
Débétonnage de petite envergure
Vous devez être propriétaire d’un bout de terrain bétonné existant, ou trouver un « sympathisant » qui l’est. Il y a évidemment des millions d’hectares potentiels, mais étonnamment très peu sont accessibles à la destruction. Ou du moins, les propriétaires n’y pensent pas. Ils prétendent que les rues du paradis sont pavées avec de l’or. Pour ces pauvres gens, le béton et par extension l’omniprésence des routes est un besoin essentiel à leur survie. Ainsi, posséder un peu de béton chez soi devient une image de marque ou de virilité. Mais certains peuvent se laisser convaincre que deux fines bandes de terre ou pelouse sur son terrain, ce serait aussi bien, même pour s’y garer et qu’en plus ça aurait l’avantage d’être perméable. Souvent, dans les zones résidentielles, la surface en limite de propriété est bétonnée, pourtant il n’y a pas de loi qui l’impose. Voici donc deux endroits pour commencer. J’ai entrepris de parler à 6 ou 7 propriétaires pour le débétonnage de ces petits espaces et ils ont démantelé l’espace entre la chaussée et le trottoir pour en faire une plate bande plantée.
Dans le cas de la rue, sauf si le propriétaire est dans une copropriété, il peut le faire. Dans le cas d’une plate-bande, dans ma ville, vous devez d’abord appeler les services en charge du sous sol (Underground Services Alert) ou trouver un service équivalent chez vous, pour s’assurer de l’existence ou non de certains réseaux enterrés. Ce service est gratuit ici. Ils viennent et peignent à la bombe fluo sur le sol où se trouvent le gaz, l’électricité et l’eau. Ne creusez surtout pas à cet endroit!
Et là vous croyez que vous allez enfin pouvoir découper le sol avec une grosse scie circulaire de location et commencer à creuser. Hé bien non, maintenant, vous êtes censés vous rendre à la mairie de Berkeley et obtenir un permis de $50 et payer en supplément chaque mètre carré que vous découperez à la scie.
Ce surplus pour débétonner, ajouté au coût de location du matériel, est parfaitement stupide dans une ville comme la mienne, qui prétend être défenseur de l’environnement. Je recommanderais donc d’ignorer cette étape. Je n’ai jamais été contraint d’arrêter mes travaux et si j’avais dû, je me serais battu. Si vous aimez prendre des risques, ça peut être amusant. Sinon vous pouvez gaspiller temps et argent afin que les bureaucrates servent à quelque chose.
Et même sans cela, débétonner n’est pas peu cher. Pour faire cela proprement, je vous conseille de louer un peu de matériel : une scie à béton se loue pour environ $30 par jour par exemple. Typiquement, une bande de 3 à 4 m de long revient à peu près à 120$ au total. Pour de l’asphalte, qui est un matériel un peu plus mou, la location de matériel revient environ deux fois moins cher, hors coût de la fameuse taxe municipale.
Et alors, que faire des gravas? Car ça s’accumule plus vite que vous ne le pensez et aussi ça revient assez cher : compter environ $35 supplémentaires pour louer la benne. Sinon, certaines société recherchent parfois des gravas, et pourront peut-être vous en débarrasser.
Et là, on va enfin commencer à se faire plaisir : une fois qu’on a fait de petites saignées de 10cm de large régulièrement espacées dans le sol, on sort les pelles, les marteaux, les masses et tous les outils que vous voulez pour démanteler le sol par plaque et faire de ce satané béton des gravas. Restez tout de même prudents avec les outils : les blessures aux doigts sont fréquentes dans ce genre d’activités.
Après cette étape, vous avez déjà redonné un peu de vie à la planète, mais pour replanter, il va falloir préparer le sol, qui avait été fortement compacté avant bétonnage. N’essayez pas de labourer à la machine, sauf si vous maîtrisez, mais utilisez plutôt des pelles et des bêches, c’est plus prudent.
Enfin, vous allez pouvoir refertiliser le sol en ajoutant de l’humus, du terreau voire des engrais naturels, selon ce que vous planterez. Arrosez un peu. Il n’y a plus qu’à planter. Personnellement, je préfère planter des arbres fruitiers ou des légumes, afin de montrer aux gens l’intérêt des espaces verts et du débétonnage : même si le sol était jadis bétonné, la nature reprend ses droits. Mais là encore, c’est à vous de décider!
Photo: jim sledgehammer
Projet de débétonnage de moyenne envergure
Le projet de moyenne envergure, comme par exemple démanteler un parking, tout ou partie d’une rue, ou d’une portion de route, requiert beaucoup plus de préparation et de travail. D’abord vous devez trouver un lieu qui s’y prête, où la surface est sous-utilisée, et où la pression pour un usage non automobile est forte.
A Berkeley, la résidence « University Avenue Homes » avait un parking sous utilisé. Seulement trois de ses 75 résidents possédaient une voiture dont une qui ne fonctionnait même pas.
Mais c’est une situation rare. La ville a « vocation » à fournir des places de stationnement en dehors de la route pour tous les logements, dans la plupart des quartiers, donc les propriétaires de la résidence UA Homes ont eu de vraies difficultés à convaincre la mairie de nous autoriser à démanteler six places de parking pour en faire un jardin. Les autorités ont dit que chaque centimètre carré de l’espace attenant au bâtiment devait être bétonné pour du parking, mais pas un centimètre carré pour un jardin ou un barbecue ou un terrain de jeux. En dépit de la situation extrême, la ville a consenti à nous laisser agir et nous avons pu démanteler ces quelques places.
Il est essentiel de changer ces lois pro-béton ancrées depuis bien trop longtemps dans nos esprits. Un certain nombre de gens devraient apprécier ce genre de démarche, et le volontariat est souvent le seul moyen d’obtenir un démantèlement. Le comportement des autorités et des gens sur ce sujet est vraiment « pathétique ».
Le projet de débétonnage de moyenne envergure, en soi, requiert beaucoup plus d’énergie et de gazole que je ne l’aurais imaginé. D’où l’importance d’un moratoire du bétonnage. Ce que nous avons construit jusqu’à aujourd’hui a été très ravageur pour l’environnement, et ça le sera encore plus si on le laisse tel quel. Encore une fois, le bon sens et la pureté nous échappent.
Appelez tous vos amis. Demandez leur d’apporter des masses, des outils des pelles des gants le pique-nique sans oublier leurs muscles. Et alignez les bennes. C’est effarant le nombre de bennes qu’on remplit avec un nombre modeste de places de parking!
A UA Homes, pour démanteler 5 ou 6 places, nous avons rempli environ 4 pick-up et 2 bennes à ordures (prêtées), qui comptent pour environs 4 pick-up chacune, afin d’emporter les gravas à la décharge la plus proche. Soit 12 pick-up remplis! Cela représente autant car sous l’asphalte, il y avait des gravas compactés et on a dû creuser à environ 10 cm de profondeur sous l’asphalte contaminée qui puait l’huile de voiture! Avec ce genre de projets, (même avec ceux de ‘petite envergure’), une bonne organisation et une mutualisation des efforts rendent le travail plus facile et, en y mettant un peu d’huile de coude, le coût de revient par personne est assez bas. Si vous payez vos impôts, et êtes en bonne relation avec les services de la mairie, vous pourrez même peut-être faire ces travaux gratuitement.
Pour la contamination du sol, je n’y connais pas grand chose. Peut-être pourrez vous faire passer un expert en cas de doute. A UA Homes, le sol ne nous a pas paru très propre, mais on était à cours d’énergie, de délai et de budget. Et beaucoup de gens n’attendaient que ça de pouvoir replanter derrière nous. La plupart des plantes issues de ce jardin ont l’air saines. J’en ai mangé pas mal et je me sens en bonne santé. Ici aussi avec des ressources limitées, nous atteignons des résultats honorables mais la perfection est à atteindre!
Débétonner pour les Ambitieux
On a réalisé un assez gros projet à Bekerley récemment. Environ 30m dans la 9è rue à la limite d’Albany et un bout de parking, environ 10 places. Urban Creeks Council nous a donné la permission de restaurer un bout de terrain où siège la société privée ‘Codornices Creek’, et un bout de l’Université de Californie. Le département de la gestion de l’eau de Californie nous a subventionné à hauteur de $25 000 pour les services de bulldozer et d’un architecte.
L’architecte paysagiste a redessiné un nouveau cours d’eau et un petit lac pour remplacer le ruisseau sous terrain qui passait par un tuyau d’écoulement en béton depuis 50 ans. Mon ami Pete VanValkenburgh, a creusé la tranchée pour dessiner le cours d’eau.
Au cours de ces deux dernières années, les samedis, avec mon association Ecocity Builders, près de 320 volontaires ont pris part au projet et nous ont aidé à creuser et transformer la tranchée initiale en canyon, qui semble assez naturelle. Pour en arriver là, l’outil le plus important a été le téléphone, afin de trouver des volontaires, ainsi que de la publicité via notre newsletter.
Notre équipe était chaque semaine un peu plus grande. Peu à peu les anciens trottoirs se sont transformés en monticules de terres et le canyon a fini par prendre forme. L’herbe et quelques fleurs sauvages ont même poussé dessus! Maintenant, on essaie de limiter l’érosion par la pluie le long de la pente en plantant des buissons et des arbres. Oiseaux et insectes reviennent, et on trouve même des petits poissons et des grenouilles, qui nourrissent les aigrettes et les hérons. Le projet se terminera bientôt.
La conclusion :
Désormais, vous en savez un peu plus à propos du débétonnage. Mais le plus important c’est de se débarrasser de la banlieue à l’ancienne et de la remplacer avec des zones piétonnes et des villes et villages de taille humaine à faible empreinte écologique.
Ce que nous avons remarqué au cours de nos projets, c’est qu’il est primordial d’avoir l’accord des propriétaires et/ou des pouvoirs publics afin que cela se passe bien. C’est la base de l’activité.
Pourquoi nous réalisons cette activité? c’est assez évident. Sur la façon dont on la réalise, nous espérons que c’est un peu plus clair maintenant.
Réorganiser la ville est un bon moyen pour transformer l’asphalte et le béton en jardins, terrains de jeux, forêts replantées etc… En créant des centre villes plus compacts et de réels éco-villages, nous pouvons rétablir une vie quotidienne agréable, une économie de taille humaine et de proximité, un développement important des moyens de transport doux. On réalise des économies d’énergie et bien d’autres choses encore. Alors agissons!
Richard Register
Pour info, tout au long de la journée du samedi 7 mars dernier, l’Assemblée populaire de Exarchia a occupé un grand parking près de l’endroit où est mort d’Alexis Grigoropoulos lors des émeutes d’Athènes pour récupérer cet espace «gris et goudroné» de la ville et exiger sa transformation en parc.
Bel exemple qui devrait être suivi. Des personnes armées de pelles, de pioches, de pics, de marteau-piqueurs, et de beaucoup de rêves, occupent un parking, détruisent l’asphalte, plantent des arbres et transforment le lieu en un parc public.
Source: http://juralibertaire.over-blog.com/article-29168419.html
j’adore cette idée de débétonnage….
moi même et très modestement ai débétonné un petit coin de cour dans la copro où j’habite… pour mon chat…
avant c’était béton et graviers par dessus…
mea culpa, je n’ai pas demandé la permission à mes voisins qui trouvaient que « ça faisait très propres les graviers »… il fallait juste enlever régulièrement les « mauvaises » herbes…
oui pour un monde sans voiture et sans béton…mais il faudra désherber les mauvaises têtes avant cela..
Oui, excellente nouvelle de réappropriation de l’espace public. Pour compléter cette info, trouvé sur le site romandie.com:
« Ces derniers mois, la fronde ne cesse ainsi de gagner de nouveaux quartiers: à Pangrati pour empêcher qu’un parc local ne soit loués à des cafetiers, à Kypseli après le rasage des derniers arbres survivants de la zone sacrifiés à un projet de parking, et jusque dans les banlieues aisées du nord d’Athènes, contre des cessions controversées de terrains à des promoteurs.
Saisi par une centaines d’habitants, le Conseil d’Etat vient aussi de geler un projet de construction d’un centre commercial géant à Elaiona, l’ancienne zone industrielle d’Athènes en voie de réaménagement. »
Débétonner ? Douce utopie…
Avez-vous une quelconque idée de l’énergie nécessaire à la destruction d’une chaussée routière ? Plus qu’il n’en a fallu pour la construire !
Et donc, à l’heure où le coût des énergies explose, où le pétrole se raréfie ( Pic du pétrole où Peakoil ), il nous faudra bien nous faire une raison : Les milliards de tonnes de béton, et d’enrobés de bitume qui ont été mise en oeuvre sur notre petite planète seront là, pour l’essentiel, de façon définitive.
Les crise financières, économiques et sociales que nous vivons aujourd’hui, ne sont que la partie émergée de l’iceberg que sera bientôt la crise énergétique :
Demain, il deviendra de plus en plus difficile de se déplacer, de se nourir, de se chauffer.
Et je doute fort que dans un tel contexte nous ayons encore une quelconque préoccupation de « débétonner la planéte ».
Car, s’il nous reste alors suffisamment d’énergie pour creuser des tranchées et remplacer ou réparer les canalisations souterraines que nous avons accumulées depuis des décennies, et qui nous sont nécessaire à notre approvisionnement en eau, en électricité, en gaz, en téléphone, je pense que nous pourrons déjà nous estimer bien contents…