C’est dans l’air du Temps : l’automobile prend le statut « de vieux truc hérité des années 50 qui pollue et fait du bruit ». De notre point de vue, ce n’est pas nouveau. On pourrait également préciser qu’il encombre l’espace public, qu’il est responsable de forte discrimination spatiale dans les villes ou encore qu’il est responsable plus ou moins directement de toutes les guerres liées aux ressources sur la planète. Mais pour la plupart des gens, cela n’est que du rabâchage de clichés émit par des cyclo-écolos frustrés que nous sommes peut-être. Là où ça devient intéressant, c’est que cette constatation ne vient pas d’un petit groupe d’alternatifs : le salon automobile de Tokyo prend très au sérieux le manque d’intérêt des jeunes pour l’objet automobile. Un petit article du Temps, dans l’édition du samedi 24.10.2009, y est consacré : l’ère du post-automobile.
L’ère post-automobile
(Luc Debraine, le Temps, 24.10.2009)
Inquiétude au Salon de Tokyo, déjà frappé par la crise: les jeunes Japonais ne s’intéressent plus à la voiture. Le désamour contraint les marques à réagir.
«Il faut se rendre à l’évidence: l’automobile n’intéresse plus les jeunes par ici. Le Japon est désormais un pays pilote pour notre industrie. Car le phénomène touche d’autres pays, avec des exceptions notables comme la Russie ou les Etats-Unis. La situation japonaise nous servira de test pour imaginer un au-delà du produit automobile», note François Bancon, un designer français dont la responsabilité est d’imaginer les véhicules futurs de Nissan.
Le désintérêt des plus jeunes pour le symbole de la prospérité nippone pendant des décennies préoccupe au plus haut point les responsables du 41e Salon de Tokyo, qui ouvre aujourd’hui ses portes au public. Pour mesurer l’importance du phénomène, la JAMA, l’association des constructeurs automobiles japonais, a commandé une étude auprès des étudiants des universités nippones. Résultat: la voiture ne figure plus qu’au 17e rang des centres d’intérêt de ces jeunes adultes, loin derrière l’informatique, les téléphones portables, les jeux vidéo ou la mode.
La voiture, ce vieux truc
«Pour cette génération, la voiture est un vieux truc hérité des années 50 qui pollue et fait du bruit. Plus de 60% des jeunes Japonais vivent dans des villes bien équipées en transports publics. Car, si la voiture passe de mode au détriment de l’univers de l’électronique et de la communication, elle est aussi victime de la crise économique. La jeunesse urbaine a de moins en moins d’argent, ou en tout cas plus assez pour assumer les coûts liés à l’entretien d’un véhicule ou aux parkings, qui coûtent très cher par ici», lâche François Bancon.
Le phénomène intervient en plus dans une société vieillissante, au faible taux de natalité. La clientèle automobile se resserre ainsi de toutes parts. Les ventes de voitures neuves baissent d’ailleurs régulièrement depuis quatre ans. Il s’est vendu 7,7 millions d’autos au Japon en 1990. Il s’en vendra moins de 5 millions en 2009. Le coup d’assommoir de la crise a éclairci les rangs des constructeurs au Salon de Tokyo, moitié moins grand que l’édition précédente de 2007. La manifestation se résume cette année à la présence des marques japonaises. Si bien que le salon, en termes d’exposants, est revenu au niveau de sa première édition de 1954.
Et si en plus la clientèle de l’avenir se fait porter pâle… Les organisateurs ont donc multiplié les initiatives en faveur des plus jeunes. Le salon était jusqu’ici gratuit pour les enfants des classes enfantines: il l’est désormais aussi pour les collégiens. Les 3600 participants à un concours de dessins d’enfants sont exposés au milieu des stands des grandes marques, dont l’espoir est que les plus petits entraînent leurs parents à la manifestation. Sony s’est installé en force près de Toyota et Nissan pour proposer le test de la version 5 de son jeu phare Gran Turismo.
La séduction du virtuel
La présence aussi voyante des PlayStation 3 a valeur de symbole: l’automobile virtuelle prend l’ascendant sur les carrosseries réelles. Lorsque Toyota a présenté mercredi les premières images de son futur coupé FT-86, c’était dans un extrait de Gran Turismo 5, où figure déjà le modèle… La conférence de presse du premier constructeur mondial était transmise en direct sur un site Web conçu pour les jeunes (www.gazoo.com), où s’agitait le patron du groupe, Akio Toyoda, sous la forme d’un avatar. Akio Toyoda a sa propre explication sur le désamour automobile: «Ce ne sont pas les jeunes gens qui s’éloignent de nous, mais nous qui nous éloignons d’eux, faute de propositions excitantes. Nous sommes en passe de perdre notre propre passion automobile.»
Cela n’empêche pas Toyota et les autres constructeurs japonais d’imaginer un au-delà à l’automobile, ou plutôt à la mobilité individuelle. Un futur où les véhicules n’ont plus quatre roues, mais une, deux ou trois. Honda a fait forte impression avec son monocycle électrique et gyroscopique, une espèce de botte-cul à roulette baptisé U3-X. Nissan propose un «planeur terrestre», un hybride de voiture et de scooter qui accueille deux personnes en tandem et penche dans les virages. Et à quoi bon quatre portes? Le Subaru Hybrid Tourer n’en a plus qu’une, grande il est vrai.
Conduire avec un joystick
Pourquoi des pédales au plancher? La petite voiture électrique de Toyota, la FT-EVII, qui doit être lancée en 2012, regroupe ses commandes sur une espèce de guidon et se conduit avec un joystick. Pour intéresser à nouveau les jeunes Japonais à l’automobile, les espoirs des marques reposent beaucoup sur les modèles hybrides rechargeables et surtout sur les voitures 100% électriques. Ces futurs véhicules sont globalement moins polluants que leurs prédécesseurs. Et ils sont plus proches de l’univers de cette génération, un monde rechargeable, communiquant, branché en permanence sur le Web. «Le véhicule électrique est plus compatible avec leurs centres d’intérêt et leurs préoccupations», avance le designer François Bancon sur le stand Nissan. Mais rien ne dit que la prédiction se réalisera. Les nouvelles générations japonaises sont peut-être, simplement, en train de passer à autre chose.
Encore une fois,les Japonais doublent le reste du monde en technologie auto,robotique.Ce que je préfère au Japon,ce sont les jardins,leur style pur ,sobre;comme les monastères bouddhistes.Ils ne font rien au hasard,et ce lui qui ne réussit pas,doit s’effacer devant tant d’autres ou alors « repasser dans le moule » pour avoir une chance de retrouver une place dans l’entrep rise,si ce n’est la société:sans travail,au Japon,on est à la rue…C’est une dure réalité de ce pays,hélas!Le Salon de Tokyo 2009 subit de plein fouet la Crise…comme tant d’autres;mais,c’est ressenti comme un désastre na tional…A mon avis,la réponse est déjà prête!Qui sait,que chez Toyota,la réunion d’un Comité d’entreprise se fait debout,devant le tableau;et qu’une visite d’un site de production se fait 2X par semaine…?
Même si il n’en a pas l’air, cet article est très intéressant sur le plan philosophique, car il pose la question de savoir : la voiture, c’est quoi ? Historiquement, sur le plan politique elle était la promesse du national socialisme à sa base de masse. Sur le plan pratique c’est chose faite. Dans l’immédiate après guerre, la voiture est l’instrument historique de la création de « l’homme de masse » solitaire et individuel. Mais cet « homme de masse » a été aussi créé par la radio et la télévision. La voiture semble donc aujourd’hui, avoir pris du retard sur les instruments de communication d’information- désinformation, elle perd sa créature ou du moins elle en perd le monopole…
Dans ce contexte de « crise » générale, les constructeurs se mobilisent et modifient complètement leu stratégie de vente. Ils désincarnent la « voiture » de sa fonction utilitaire pour n’en faire plus qu’un « jeu ». L’aspect ludique supplante aspect utile, la voiture se destine aux enfants, comme une chose indiscernable du « jeu ». La fonction « transport » semble s’effacer derrière la fonction « ludique ».
Il serait erroné de considéré cette transformation comme une simple adaptation au marcher. Alors la voiture c’est quoi, quand on assiste à de telle modification technique et de telle orientation stratégique ?
Une chose est sûre c’est que le transport individuel se renforce encore plus et plus encore l’individualisme à son tour se renforce par le ludique se substituant à l’utilité du transport. Dans l’arsenal de machine qui équipent chaque individu de la société industrielle la voiture veut grader sa place et devenant strict instrument de mobilité assisté. La mobilité devient un but en soit à la recherche d’un plaisir dans la mobilité ludique. Chacun doit pouvoir avoir son engin motorisé bien à lui, hautement personnalisé. Le perfectionnement de ces engins peut même aller jusqu’à pouvoir concurrencer, en liberté de mouvement en ville, au vélo et autre moyen non motorisé. De la même façon que le vélo et la trottinette etc. qui sont aussi des « jeu d’enfant » la voiture part à l’assaut de cette particularité infantile pour l’instrumentaliser et infantiliser les adultes dans le déplacement ludique sans but utile.
…
La réflexion sur les relations des machines avec les hommes a déjà été menée par Günther Anders dans « L’Obsolescence de l’Homme ». Elle demande peut-être à être réactualisé devant ce spectacle qui semble nouveau : Les machines s’entredéchirent l’homme de masse qu’elles ont elle-même créé.
Je proposerai si j’en ai le temps un article dont le titre sera :
« La voiture pour enfant n’est plus un jouet où il faut pédaler »
Je souhaiterais voir quelques modèles nouveaux proposés par les constructeurs pour me faire une idée plus précise sur la chose.
J’aime déjà le titre de l’article à venir, car je sais que tu ne risques pas de parler de jouets… Sinon, au 1er degré, cette phrase est tristement vraie! Les voitures pour gosses sont électriques, car nos pov’ petits bichons il faudrait quand même pas qu’ils se fatiguent hein! Il vaut mieux en faire une génération d’obèses, ca leur fera une excuse en plus pour justifier l’emploi de la bagnole!
Voiture-jouet… et encore, même pas sûr :
c.f. cette viedemerde (TLBM en fait) :
http://www.viedemerde.fr/enfants/282439
« J ai offert à mon fils de cinq ans le plus top des cadeaux : un immense carton à 284E. Carton transformé en château fort qui lui a permis d’être promu chevalier. Le quad qu’il contenait ? « Tu peux le donner à qui tu veux ! » »
Vive la jeunesse 🙂
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Par contre, le cyclisme urbain, en essayant de rattraper les voitures, c est un vrai jeu pour moi, bien mieux que n’importe quelle simulation
informatique.