Les expériences de l’anti-écraseur placé par M. Laurenceau à l’avant de son auto seraient assez concluantes, écrit M. André Billy (Petit Journal), si, au lieu de s’en tenir à la vitesse de 20 kilomètres, l’auto était allée jusqu’à du 120 kilomètres. Il y a de fortes chances pour qu’à partir de 30 kilomètres à l’heure, le panier de M. Laurenceau ne ramasse qu’un cadavre.
Un système anti-écraseur plus efficace à coup sûr que celui de M. Laurenceau, et dont le plan est établi dans ma tête depuis longtemps, consisterait à entourer d’un grillage à ressorts, non pas l’auto, mais le piéton lui-même. Imaginez une sorte de grande cage à poules… Je n’insiste pas. Vous m’avez compris, et mon idée vous a certainement conquis par son ingéniosité. Il ne me reste plus qu’à chercher des capitaux.
Mais je reviens à M. Laurenceau et à cette vitesse de 20 kilomètres à l’heure sur la base de laquelle son appareil a été conçu. 20 kilomètres à l’heure, quand toutes les autos, dans Paris, roulent à 40 à 50 et souvent davantage! J’invite M. Laurenceau à venir, de mes fenêtres, observer des matches singulièrement émouvants entre autos qui se rendent de la Concorde à Auteuil, et retour! Et notez que ces autos sont dans leur droit puisque le code de la route les autorise à rouler dans Paris aussi vite qu’elle veulent.
Quel est le rôle de l’agent posté au milieu de la chaussée, devant ma porte? Je suppose qu’il est là en qualité de chronométreur officiel, chargé de stimuler l’ardeur des concurrents et de désigner les voitures gagnantes.
Bref, à la vitesse où on les laisse aller, il n’y a pas de système anti-écraseur qui tienne, et l’ingénieux panier métallique réalisé par M. Laurenceau ne servira qu’à ramasser des blessés et des morts.
L’anti-écraseur, d’après M. Charles Cluny (Ere Nouvelle) aura un gros inconvénient. Assurés de ne plus risquer écraser complètement un passant les chauffeurs ne se livreront-ils pas à une vitesse plus excessive encore? Et si l’appareil ne fonctionne pas, ne fût-ce qu’une fois par hasard?
C’est prodigieux d’intérêt, n’est-ce pas, et cette trouvaille procède d’un esprit aussi ingénieux qu’humain. Seulement, que se passera-t-il si ce dispositif est obligatoirement généralisé? Les chauffeurs, qui ne brillent déjà pas par excès de prudence, ou de respect du marcheur, vont, assurés de l’impunité, se payer à cœur joie les folles « quatrièmes » et les virages acrobatiques. Alors là, il suffira d’une fois pour que le truc rate et, à la surprise de l’écraseur, il y aura quand même un écrasé! Car, en admettant que l’appareil présente le maximum de garanties, ne peut-il s’y rencontrer une panne, un retard ou une erreur dans le déclenchement? Les meilleurs moteurs ont de ces fantaisies.
Je pense donc que l’inventeur ferait bien de compléter son invention: après le blocage de la voiture, qu’un autre dispositif précipite donc sous les roues le conducteur imprudent ou maladroit, qui est souvent les deux ensemble! Ainsi l’appareil répondrait à l’étymologie de son nom, anti-écraseur signifiant très exactement: contre l’écraseur. Protection des victimes et châtiment des bourreaux, ce serait parfait.
Mais nous aurions tort de ratiociner. Dans quelque dix ans, il n’y aura plus de piétons: tous ceux qui, par hasard, n’auront pas encore été écrabouillés posséderont une voiture.
Alors, on inventera un autre mode de protection contre les collisions…
Paris-Midi, jeudi 25 septembre 1924.
Photos: 23/9/24, expériences de l’anti-écraseur Laurenceau [monté sur une automobile]: Agence Rol. Agence photographique
plus précieuses qu’une mine d’or ces archives de la presse… !
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb32832672n/date1924
De la connerie automobile séculaire dans tout sa splendeur !
On doit hélas constater qu aucun progres n a été fait en cent ans….
Pire la mortifère mode des SUV degrade la visio des conducteur,les rendant incapables de déceler les enfants de moins d 1,25 m autour de la voiture sans parler des marches arrière effectuées en aveugle du fait des montants de carrosserie.
Et dire que ces chars d assaut ont été homologués ….