Contribution à la critique de la notion d’indépendance énergétique, 7e épisode.
Les salafistes djihadistes, s’ils n’existaient pas il faudrait les inventer… pour l’Empire. Au sujet des gaz de schiste, un gérontocrate de la classe dirigeante française s’est écrié: « La France est bénie des dieux ! » On peut dire à peu près la même chose des salafistes djihadistes: ils sont « pain bénit » pour la Françafrique et la reconstruction de l’Empire.
Récemment chahutée au Niger par les velléités minières de la Chine pour le combustible nucléaire, « La France » se devait de réaffirmer en bonne et due forme sa préséance en toutes choses dans l’ensemble de son secteur stratégique d’Afrique.
« Comme en 14 » « la France bénie des dieux »
Après les recherches de l’association « Survie » et la publication du livre de François Xavier Verschave « La Françafrique », on sait beaucoup de choses de la politique africaine de la France et c’est là que réside la fameuse indépendance énergétique de « La France ».
Toute l’histoire s’écrit en noir et rouge, en bain de sang, une litanie absolument incroyable de crimes de tous types et de toutes échelles, c’est l’Afrique sous la 5e République. En réaction à ces faits historiques inimaginables et incroyables mais réels et irrévocables, la rhétorique officielle de « La France » s’est adaptée et, depuis une bonne décennie, elle s’articulait autour de proclamations solennelles et de promesses itératives pour « en finir avec la Françafrique », « tourner le dos à la Françafrique »…
Mais, coup de théâtre invraisemblable, miracle ! Sans aucun doute, la « France est bénie des dieux », car avec l’opération Serval on a un retour en fanfare à la grandeur de la France coloniale. La Métropole de l’Empire réunit à nouveau autour d’elle comme un seul homme tous ses tirailleurs sénégalais d’Afrique de l’Ouest. Tristes tropiques pour l’Afrique, l’histoire se répète en une vaste farce macabre comme un grossier péplum hollywoodien: » La France » ressuscite dans la plénitude sa dimension historique civilisatrice et avance contre la barbarie terroriste pour libérer l’Afrique des salafistes djihadistes. En dehors de quelques contestataires attardés confinés à la Métropole, l’ensemble de l’élite éclairée et laïque des classes dirigeantes africaines semble unanime derrière la France.
Le scénario du péplum est parfait, son manichéisme irréprochable, le décorum et le casting le sont aussi, la France n’a pas eu besoin de les inventer, les salafistes djihadistes sont vraiment « pain bénit » pour la Françafrique.
L’affaire est entendue: la France intervient à la demande du chef d’État Malien et avec l’aval des Nations-Unies pour « stopper la menace terroriste » et « rétablir l’intégrité territoriale de Mali ». Avec grand panache, la 5e République réunit autour d’elle tout son corps expéditionnaire de tirailleurs sénégalais, « comme en 14 ! » pourrait-on dire ou encore comme au temps de la 3e République conquérante en Afrique et à « Mada ».
Les contestataires français de tous bords sont désarçonnés par l’unanimisme va-t-en guerre. Ils ont beau faire remarquer que la France de l’opération Serval n’est pas seulement pour une opération de gendarmerie internationale en faveur des victimes africaines du terrorisme, elle a des intérêts stratégiques vitaux dans ce secteur du désert. Mais leurs critiques sonnent creux en face d’une guerre unanimement jugée « juste » contre le terrorisme. La mise en scène du péplum est irréprochable…
« L’observatoire du nucléaire » titre de manière très explicite: « Une guerre au Mali et de l’uranium au Niger; des islamistes très utiles au pouvoir français« .
Pour Stéphane Lhomme, les choses sont claires: « … En réalité, il s’agit de sécuriser l’approvisionnement des centrales françaises en uranium: ce dernier est extrait dans les mines du nord du Niger, zone désertique seulement séparée du Mali… par une ligne sur les cartes géographiques (1) ». En effet, l’énergie est essentielle dans cette guerre…
Cependant, on sent bien que le redoutable militant anti-nucléaire est en difficulté sur la question du terrorisme islamique. Il ne peut que reprendre à son compte l’interprétation sociologique officielle: « Personne ne niera que ces groupes soient composés d’horribles individus qui, sous prétexte de convictions « religieuses », battent toute personne dont le comportement ne leur plait pas, coupent les mains des voleurs (réels ou supposés), exécutent- en particulier des femmes – pour des broutilles ou même pour rien ».
Pour ceux qui connaissent les crimes de guerre et les complicités de crime contre l’humanité de la Françafrique, il y aurait largement de quoi relativiser… Comme pour la « Conquête de l’Ouest » où l’ignorance totale de la « Guerre des Indiens » est essentielle à la beauté des péplums retraçant « l’épopée du peuple américain », ici la méconnaissance des coulisses de la politique française d’aide à l’Afrique est nécessaire au panache d’ensemble de l’opex Serval.
Pour marquer les esprits au sujet de la politique africaine de la France, on peut dire sans exagération que l’espérance de vie d’un militant africain de la simple « égalité liberté fraternité » au début de « décolonisation » (de la transition vers la Françafrique) était nettement inférieure à celle d’un dissident soviétique à l’époque de Staline. Dans les réseaux Foccart, la discrétion était de mise. Le style soviétique ostentatoire avec ses interminables procès d’humiliation par aveux publics de culpabilité est incompatible avec les méthodes secrètes et expéditives de la « guerre contre-révolutionnaire » expérimentée dès la Guerre d’Indochine. On pouvait mourir d’une balle dans la tête pour avoir crié « égalité (entre blanc et noir) » dans une manifestation. Pour subir un tel sort à cette époque tourmentée dite de la « décolonisation », il n’était même pas utile de prendre le risque d’être indépendantiste.
Si l’on a beaucoup insisté sur l’aspect répressif du goulag en URSS, sa dimension économique est tout aussi fondamentale. La comparaison est peut-être abusive entre les deux empires quant au nombre de victimes, mais « l’industrie pénitentiaire » soviétique et le travail forcé dans l’apartheid colonial français en Afrique relèvent bien d’une même logique de conquête territoriale. Ils correspondent à une même période historique de développement de la technique et d’expansion du capitalisme. Alexandre Soljenitsyne insistait sur l’importance du chemin de fer comme « fer de lance », à la fois fin et moyen de « l’industrie pénitentiaire »; mais à cette époque « le cheval de fer » est aussi fin et moyen de l’expansion coloniale, fin et moyen du développement du capitalisme, fin et moyen de l’économie de pillage en Afrique…
Tirailleurs sénégalais de toujours
Comme l’Observatoire du Nucléaire, « Survie France », aussi aux premières loges, soupçonne bien que Serval n’est pas une opération « philanthropique » de la France. Le titre d’un de ses articles sur le conflit est explicite: « Guerre au terrorisme : une opportunité pour une tutelle française et européenne renforcée(2) ». En fait de tutelle, on a bel et bien en bonne et due forme une vraie fausse fin de la Françafrique par un retour triomphal à la case départ: la grandeur coloniale et civilisatrice de « La France ».
On savait depuis quelques temps en France que « toutes les civilisations ne se valent pas ». Cette pensée profonde de la « Droite Décomplexée » est fondée sur des faits avérés et même photographiés, en Afrique et dans son vaste Empire la France est une civilisation d’apartheid, de « coupeurs de têtes » et de tortionnaires dans la « guerre contre-révolutionnaire » avec pour particularité de pouvoir déléguer une partie des basses besognes à ses tirailleurs sénégalais. Cette supériorité culturelle ou militaire vient d’être magistralement confirmée avec Serval par la Gauche parlementaire « Rose Verte ». La France agglutine à nouveau sa marmaille de tirailleurs sénégalais. Voila l’image forte qu’il faut retenir de l’opération de l’opex Serval: les tirailleurs sénégalais au service de l’Empire. Pour mémoire, rappelons leur importance essentielle dans la colonisation de Madagascar en 1895 et les massacres de la population malgache en 1947 à la suite d’une « insurrection » probablement organisée par des agents provocateurs à la solde de l’administration française.
Il n’y a donc pas d’anachronisme et il n’est donc pas abusif de parler ici et aujourd’hui au 21e siècle de « tirailleurs sénégalais » pour les hommes de troupes africains et en particulier pour les valeureux « Tchadiens » puisque c’est bien la France avec sa généreuse « aide au développement » et son « savoir faire internationalement reconnu » qui les a fabriqués de toutes pièces, comme elle a aussi armé les djihadistes par les monumentaux arsenaux militaires de Kadhafi. En définitive, la France en tant que puissance militaro-industrielle occidentale et marchand d’armes est ici en situation de pyromane pompier. En grande pompe comme à la parade, elle éteint un feu qu’elle a elle-même allumé.
Un navet français
La question se pose de caractériser au mieux les salafistes djihadistes sur le plan anthropologique et géopolitique. Sur le plan technique, il s’agit d’hommes en armes déterminés à tuer et à détruire sans but lucratif évident, ce ne sont pas des pillards. En tant que bandes armées, on peut en faire des mercenaires. Leur motivation déclarée est religieuse, ils sont prêts à mourir et à tuer en masse pour instaurer la « Charia », c’est ce que les journalistes nous disent.
Mais sur le terrain militaire, leur effrayant idéal religieux est illusoire et leur mort violente ne fait aucun doute. Dans cette guerre au plus haut point asymétrique les salafistes djihadistes apparaissent comme des nihilistes suicidaires, la mort pour la charia. Au lieu de se complaire paisiblement dans leur sanctuaire désertique, de prélever une dime et une gabelle sur les transits humains et les trafics illicites transsahariens, ils se précipitent dans la gueule du loup et tuent dans le même temps leur poule aux œufs d’or. Leur aventure religieuse s’échoue sur le Sahel (rivage en arabe). En avançant vers le sud en direction de Mopti, ils commettent une erreur fatale, bénédiction divine pour la France. Les salafistes djihadistes se précipitent dans la gueule ouverte du corps expéditionnaire français et se mettent à un jet de Rafale pour être lapidés.
En occident, la presse en fait volontiers des « fous de dieux », mais est-il possible de les imaginer à ce point dénués de tout pragmatisme militaire? Vu de France, oui! Avec deux antécédents, impérial et colonial, un Bonaparte à Moscou et un corps expéditionnaire dans la cuvette de Dien Bien Phu… Si des stratèges militaires de la Grande Armée ou du Corps expéditionnaire peuvent commettre des erreurs aussi grossières, on peut l’admettre pour de vulgaires bandes armées. La France est bénie des dieux, les salafistes djihadistes sont irréprochables pour le triomphe du péplum Serval. Certains portent même un bandeau autour de la tête avec une inscription religieuse: inutile sur le plan militaire mais essentiel sur le plan médiatique. On peut donc avoir à faire à des mercenaires nihilistes et suicidaires de l’ère des mass-médias. C’est tout bon pour le péplum.
Si les « fous de dieux » sont parfaits, on ne peut pas en dire autant pour les français. Un soldat a commis une grossière faute esthétique, il s’est voilé la face d’un foulard à l’effigie d’une tête de mort stylisée au rire sardonique. Cette coquetterie vestimentaire n’a pas été du goût de l’état-major et a mis en émoi les mass médias occidentaux: la France n’est pas au Mali pour une énième ratonnade de bougnoules mais en mission humanitaire selon le scénario du péplum.
Le deuxième couac est plus lamentable pour l’exception culturelle française car il provient du chef suprême des armées. Pour insister sur le caractère humanitaire de l’Opex, le Président de la République a cru bon d’affirmer que « la France n’avait aucun intérêt à défendre au Mali« . Ce gros mensonge par souci du beau péplum gâche l’aura du héros et fait chuter sa crédibilité. Le niveau de QI sombre et de Hollywood on plonge à Bollyhood, un navet comme tous les péplums.
C’est pas comme ça qu’il faut faire !
En fait, tout semble absurde et suspect, le péplum est trop parfait. Pourquoi détruire des mausolées musulmans, pourquoi brûler des manuscrits uniques en langue arabe, pourquoi ostensiblement annihiler toutes les traces de l’histoire culturelle du Monde Arabo-musulman? On est dans une logique événementielle, offrir des images aux médias. Les djihadistes en font trop ou font tout ce qu’il faut pour que le péplum Serval soit vraiment beau.
Posons-nous la question: quelle serait la meilleure façon politique de procéder pour appliquer la Charia dans un pays musulman? D’emblée on peut disqualifier la tactique des salafistes djihadistes. C’est pas comme ça qu’il faut faire! Leur méthode militaire expéditive et systématiquement répressive est vouée à l’échec. Ils ne sont pas crédibles dans leur choix méthodologique qui semble volontairement des plus inappropriés. Par ce fanatisme incompréhensible, tombé du ciel « La France » est vraiment « bénie des dieux », comme avec les gaz de schiste.
Dans un pays musulman comme le Mali, où sous l’influence de la France on assiste depuis des décennies à une déliquescence des institutions publiques, à une dérive crapuleuse de la classe dirigeante avec une misère noire pour l’immense majorité de la population; dans ce pays donc tous les ingrédients sociologiques sont réunis pour l’émergence d’un populisme islamiste radical. Les salafistes semblent avoir tous les atouts en main pour attirer vers eux les « masses (musulmanes) opprimées et spoliées » d’Afrique. Au lieu de cueillir ce fruit mûr offert par la Françafrique, ils s’entêtent à tout faire pour se faire détester de tout le monde. Dans cette démarche de fuite suicidaire, droit dans le mur, leur décorum religieux devient trop clinquant, trop médiatique pour être crédible.
Vu du Monde Arabe ça crève les yeux
Pour les nationalistes (laïques) arabes, les salafistes djihadistes sont suspects sur le plan politique. Quelle que soit leur lointaine origine historique et leurs motivations politiques (religieuses), leur instrumentalisation par les puissances occidentales ne fait aucun doute.
Vu du Monde Arabe, cela crève les yeux: ce sont bien des mercenaires. Le critère de vérité pour en faire des combattants à la solde (indirecte) des intérêts occidentaux est parfaitement évident dans la grille d’analyse des milieux nationalistes laïques et progressistes arabes. Alors que ces hommes, organisés en bandes armées, tirent dans tous les sens, tuent et châtient de manière expéditive chrétiens et musulmans partout dans le monde arabe, alors qu’ils détruisent de manière incompréhensible ou plutôt ostentatoire les mausolées musulmans et des manuscrits (uniques) de la culture arabo-islamique, alors qu’ils sont tous prêts au sacrifice de leur vie et que leur détermination pour châtier le « grand Satan », « l’axe du mal occidental » semble ne faire aucun doute, pas une seule de leur action, même pas une seule balle égarée n’a pris la direction de l’État d’Israël.
Au Mali, en ayant supplanté et subordonné sans difficulté sur leur terrain et à armes égales le MNLA, ils ont révélé au monde la faiblesse politique des nationalistes touaregs et, dans le même temps, ils ont rehaussé, encensé de manière inespérée, l’importance politique de la France dans le fief Touareg. Rappelons ici que contrairement aux indiens d’Amérique, le peuple touareg n’est pas un peuple premier. Il a une longue histoire dans les diverses traites transsahariennes et de là, sur les plans économiques, la société Touareg d’aujourd’hui s’est retrouvée nettement plus hiérarchisée par la richesse que celle traditionnelle des siècles passés: entre une bergère en haillon promenant un troupeau de chèvres faméliques à travers le désert et le propriétaire des têtes de bétail vivant confortablement en ville et se déplaçant en 4×4 climatisé, il y a presque la même différence qu’entre un smicard en France et un patron du CAC 40.
Indépendamment de cette grille d’analyse sociologique, le résultat politique concret de l’action militaire des salafistes djihadistes est que désormais les indépendantistes touaregs ne peuvent plus être que des autonomistes. A la table des négociations, ils seront en position de faiblesse face à la France et de fait celle-ci, « impérialiste impie », brillera aux yeux du Monde dans le rôle du Bon Samaritain… humiliation suprême pour les peuples africains. La Mère Patrie salvatrice redonnera vie à l’identité touareg soudainement sabrée par les salafistes djihadistes. Avec ce casting irréprochable de mercenaires, le péplum remporte tous les Oscars et les Césars du cinéma occidental.
Bref rappel de la « Françafrique »
Dans sons livre « De la Françafrique à la Mafiafrique » paru en 2004, François Xavier Verschave résume de manière fulgurante les éléments du drame: « Pourquoi ce choix de De Gaulle de sacrifier les indépendances africaines à l’indépendance de la France? Il y a quatre raisons. La première, c’est le rang de la France à l’ONU avec un cortège d’États clients, qui votent à sa suite. La deuxième c’est l’accès aux matières premières stratégiques (pétrole, uranium) ou juteuses (le bois, le cacao, etc.) La 3e c’est un financement d’une ampleur inouïe de la vie politique française, du parti gaulliste d’abord, puis de l’ensemble des partis de gouvernement, à travers des prélèvements sur l’aide publique au développement (…). Et puis il y a une 4e raison, que j’ai repérée un peu plus tard, mais qui est aussi très présente: c’est le rôle de la France comme sous-traitante des États-Unis dans la Guerre Froide, pour maintenir l’Afrique francophone dans la mouvance anticommuniste contre l’Union soviétique. » Ce système de mainmise de la France sur l’Afrique ou de sauvetage de l’Empire colonial est mis en place à partir de 1958 avec le retour de De Gaulle au pouvoir. L’habit fait le moine, les nouveaux gouverneurs au service de la Métropole en Afrique sont en costume trois pièces irréprochable, ils ont simplement la peau noire.
Résurgence du salafisme, peste brune et capitalisme du désastre
En fait, l’analyse dialectique historico-énergétique permet de dire ceci: comme toutes les pétromonarchies et toutes les dictatures militaires du Maghreb, les salafistes djihadistes sont des produits pétroliers ou plus finement des sous-produits pétroliers et plus généralement encore, des produits dérivés de la géopolitique des matières énergétiques.
Comme l’a très bien compris Stéphane Lhomme, l’énergie est bien au centre du conflit au Mali. Mais où se trouve la ligne de front?
Sur le terrain (militaire), dans l’espace médiatique et les écrans de télévision, c’est le péplum hollywoodien irréprochable, un beau film de cowboys et d’indiens, la civilisation occidentale hautement développée représentée par l’opération Serval fait la guerre à la barbarie terroriste et obscurantiste. Sauf, bien sûr, que les salafistes djihadistes ne sont pas des indiens d’Amérique. Le péplum au Mali crée une ligne de front fictive entre « l’axe du bien » et « l’axe du mal ». Mais ailleurs dans le Monde Arabe, les antagonismes sont bien visibles.
Aujourd’hui, après les « Printemps Arabes », les milices salafistes sévissent comme une peste brune de maintien du statu quo par le chaos sur l’ensemble du Monde Arabe. En Afrique du Nord, ils fonctionnent comme les faire-valoir des partis islamistes au pouvoir. Ces derniers, légitimés par les urnes et devenus partis de gouvernement, se posent, s’imposent et même s’érigent sur le plan politique comme des remparts anti-salafistes. Après les tyrannies policières, l’histoire se répète comme une farce encore plus incroyable. Après Ben Ali, le fameux « rempart anti-islamiste » chéri de la France en Tunisie, après Moubarak l’autre rempart, les partis islamistes (de gouvernement) s’affirment à leur tour en « rempart anti-salafiste »… De rempart en rempart, d’islamistes en salafistes, l’histoire du Monde Arabe semble vouloir remonter le temps et fuir vers le féodalisme.
« Un siècle pour rien… »
Au début du nouveau millénaire, en 2002, paraissait un livre au titre très suggestif du drame actuel du monde arabe: « Un siècle pour rien: Le Moyen-Orient arabe de l’Empire ottoman à l’Empire américain. »(3) Avec le pétrole, l’histoire s’est brutalement accélérée. Il y a eu un télescopage des Âges. Du Moyen Âge, mais aussi pour beaucoup de peuples, du Néolithique et des Premiers Âges de la métallurgie il y a eu un passage brutal à l’ordre des complexes militaro-industriels occidentaux.
A la sénescence historique de l’Empire Ottoman, perceptible dès le début 20e siècle, n’a pas correspondu une Renaissance concomitante du Monde Arabe. Les péripéties du Moyen Orient en sont restées à celles des guerres et bains de sangs perpétuels, leur description pourrait remplir des dizaines de milliers de pages de livres d’histoire mais le bilan global, l’équation d’état au niveau humain, se résume parfaitement ainsi: « Un siècle pour rien: Le Moyen-Orient arabe de l’Empire ottoman à l’Empire américain. »
Derrière ce fatalisme réaliste: l’énergie. Le pétrole du Moyen Orient comme une divinité maléfique a écrit sa propre histoire, écrasant dans l’œuf les velléités émancipatrices des peuples ou instrumentalisant à ses fins la Renaissance du Monde Arabo-musulman…
L’obsolescence de l’homme dans l’état de guerre perpétuelle.
Dans l’espace médiatique, la question énergétique en coulisse reste invisible derrière la mise en scène de ces nihilistes mercenaires. Pourtant, ces derniers sont bien créés de toute pièce par les pétrodollars des pétromonarchies de la Péninsule Arabique où justement les États-Unis d’Amérique disposent de plateformes militaires sûres pour ses drones de lutte contre « l’axe du mal ». Bien plus que cela, sur le plan anthropologique il y a une inversion dialectique dramatique marquée par la domination technique et l’obsolescence de l’homme au sens décrit par Günter Anders (4).
Les salafistes djihadistes ne sont plus que les jouets disciplinés de leurs instruments. La voix de dieu a l’intensité sonore des armes à feu et elle se propage à la vitesse des pick-up. La volonté divine est fonction de la puissance de feu des armes automatiques et des moteurs à combustion interne. Mais, bénédiction divine pour la France, la colère de dieu a l’intensité sonore et la vitesse supersonique des Rafales et des Mirages.
Les armes réclament la parole et n’ont plus l’intention de se taire, la technique écrit sa propre histoire, elle n’a besoin que de nègres militaires ou littéraires. Au-dessus des péripéties meurtrières, spectaculaires et médiatiques sur terre, s’installe l’univers High Tech des drones de l’Empire Américain. Le Pentagone compte honorer le Niger, pays parmi les plus pauvres au Monde, de ses drones Predator ou Reaper (5). A l’ère du déploiement de la guerre High Tech, les salafistes djihadistes sont de la plus haute importance, plus que du « pain bénit » pour la Françafrique. Ils sont la bénédiction divine pour les drones. L’Empire technologique exige un casting irréprochable pour encenser sa « guerre juste » contre l’axe du mal…
La résurgence en force des salafistes djihadistes justifie à posteriori le fatalisme du titre « un siècle pour rien », mais le sous-titre explicite l’histoire réelle, matérielle, pétrolière, énergétique et technologique du Monde Arabe et de l’Occident: « de l’Empire ottoman à l’Empire américain. » L’équation d’état est celle-ci mais entre les deux empires et avant l’Amérique, il y a eu la France et l’Angleterre. Ces deux puissances impériales et coloniales se sont affrontées par populations arabes locales interposés pour se partager « Le Levant ».
Si les affrontements entre ses deux puissances du vieux continent pour le contrôle du « Levant » commencent de manière militaire traditionnelle au temps de Napoléon Bonaparte, dès le début du 20e siècle la question énergétique devient centrale dans la guerre, les découpages, redécoupages, disputes et partages des territoires du Monde Arabe. Le rôle de ces deux puissances occidentales s’est estompé après leur crash politique dans la crise du Canal de Suez de 1956. Elles sont devenues les seconds couteaux du nouvel empire. Mais du point de vue du Moyen Orient, sabré par les prospections pétrolières, du point de vue des peuples d’Afrique eux aussi sabrés par les ruées vers l’Or noir et les matières premières stratégiques, ces deux puissances s’intègrent bien à leur place dans une stratégie du choc et un capitalisme du désastre aux côtés de la nouvelle première puissance mondiale.
Avec Serval au Mali, l’enlisement sanglant des « Printemps Arabes » et la fulgurante prolifération salafiste, la géopolitique de l’énergie transcende les péripéties humaines à ras de terre. Elle est devenue capable de produire en série ses lignes de front fictives et ses ennemis, de construire ses péplums, son mode fantôme et de se mettre en scène. « Un siècle pour rien ! » comme au début du 20e siècle, elle impose l’état de guerre perpétuel aux peuples sur tous les continents. Mission accomplie, fin de la Françafrique et de sa secrète « guerre contre-révolutionaire », avec le péplum de l’opération Serval, la France « bénie des dieux « , portée en triomphe par ses tirailleurs, retrouve en pleine lumière sa grandeur coloniale d’antan.
Notes
(1) Observatoire du nucléaire Stéphane Lhomme, Communiqué du lundi 14 janvier 2013: « Une guerre au Mali et de l’uranium au Niger: des islamistes très utiles au pouvoir français »
(2) Survie France, « Guerre au terrorisme : une opportunité pour une tutelle française et européenne renforcée », 5 mars 2013 (rédigé le 9 février 2013) par Gérard Moreau.
(3) Lacouture Jean, Tuéni Ghassan, Khoury Gérard « Un siècle pour rien Le Moyen-Orient arabe de l’Empire ottoman à l’Empire américain », Albin Michel 2002.
(4) Günter Anders, « L’obsolescence de l’homme », Encyclopédie des nuisances 2003.
(5) Le Monde.fr avec AFP | 28.01.2013 « Le Pentagone compte stationner des drones au Niger »
je ne vois pas le rapport avec la vie sans bagnole…
En fait, il y en a un, indirect, avec la situation de la france actuellement
(mon panorama peut contenir des approximations, comme il est fait de mémoire)
rappels :
la france de de gaulle veut jouer parmi les grands -> grands plans
(il en reste des traces : arianespace, airbus,
mais, ni le plan info (bull) ni le plan atomique n’ont été des succès civils,
et concorde n a pas eu le succès, ni la descendance attendus).
-> plan ambitieux dans le nucléaire, pour créer « l indépendance énergétique de la france » (bien retenir cette phrase… elle est complétement bidon, mais c est important, si tu fais du nucléaire, de la répéter tout le temps, pour trouver un intérêt au nucléaire civil)
.
CEA, framatome, edf,…
plein d argent privé subventionné, mais surtout public, y est consacré.
résultat ?
=> échec : des prototypes, mais rien d’industrialisable à l’échelle du pays.
donc on se retrouve avec des industriels et des organismes français compétent en nucléaire (et qui ont fait une bombe pour les militaires), mais incompétent dans le civil
et tjrs aucune « indépendance énergétique », que faire ?
-> achat de licences Westinghouse pour construire « nos » centrales.
Résultat :
le fuel qui n est plus brûlé dans les centrales thermiques, pour l’élec, s accumule.
-> on a d accord essayé de le faire manger :
« les P.O.U. » (protéines d orgines unicellulaires : des lévures ou autres bactéries poussant sur les résidus d hydrocarbures)
tout d accord à partir de la paraffine (un sous-produit de la distillation du diesel : c est le produit qui faisait figer le diesel en hiver) puis à partir d autres produits issus de la distillation du pétrole.
=> échec
Ensuite, ils ont essayé de nous le vendre, pour qu’on le brûle dans nos moteurs :
=> progressivement, c est devenue une réussite totale !
Si bien que la situation de la france, niveau nucléaire, niveau diesel,
mais aussi niveau implication au mali pour les réserves d’uranium du niger*, et dans l’EPR (car il s agit d’une industrie d avenir, selon areva) sont liés.
précision, sur l’EPR :
après l’Italie, un nouveau pays vient de se retirer de l’EPR franco-finlandais-américain, japonais,… qui ressemble de plu en plus à un projet franco-français, gouffe à subventions.
là, par contre, celà sent le sapin :
c est le finlande, pays où est en cours de construction l’EPR, qui s est retiré de l’EPR…
Alors qu’il n est pas près d’être achevé (les délais de constructions ne cessent de s allonger), il faudra bientôt le déménager de la finlande à la cours de l’élysée ?
Cette obsession pour le nucléaire explique, et se nourrit de l’obsession des pouvoirs public et (théorique, pour eux… ils ont testé) des constructeurs pour la voiture électrique.
Bien sûr, pour pousser le nucléaire, areva et edf ne sont pas seuls :
Les militaires,et tous les marchands d armes (lagardère, thalès/thomson, peugeot, et les autres) tiennent à ce que la france garde une armée sur-dimensionnée, pour profiter des subventions et des débouchés que celà leur offre.
La bombe et ses dérivés y contribuent…
Soit directement (areva par ex), soit indirectement, par l’accroissement du poids du lobby militaro-industriel que celà induit + par l argument « secret défense » qui peut être brandit à tout moment, permettant la meilleure des opacités (la meilleure… pour les affaires).
les otages, pour lesquels la france est partie au combat,
sont des employés d Areva et de Vinci (ouioui… celui de NDDL… le même, encore et tjrs…),
travaillant sur l uranium du niger.
http://danactu-resistance.over-blog.com/article-guerre-fran-aise-au-mali-pas-de-lutte-anti-terroriste-juste-une-realite-nommee-areva-et-fran-afri-114346225.html