Coppens, Deloison et des ailes aux pieds

Le décès d’Yves Coppens me donne l’occasion de revenir sur les recherches hétérodoxes, mais néanmoins passionnantes d’Yvette Deloison concernant la préhistoire du piéton.

Selon sa thèse, la bipédie humaine serait beaucoup plus proche de celle du petit dinosaure véloce Eudibamus que de celles des australopithèques, telle Lucy ou celui qui a laissé ses empreintes à Laetoli. Quand on sait que les oiseaux ont évolué à partir des dinosaures et que la spécialisation des pieds des australopithèques ou autres ancêtres des grands singes pour la marche et la station debout est loin d’être établie, il y a de quoi se demander si les pieds ne seraient pas les ailes de l’espèce humaine, comme les mains pourraient l’être en quelque sorte pour les grands singes arboricoles.

Tout marcheur qui a fait l’expérience d’un voyage au long cours le sait et les attributs pédestres d’Hermès le confirment: la bipédie donne des ailes et notre espèce n’a pas l’avantage à ce titre sur les poules ni sur les échassiers. Voilà bien l’oubli poétique du piéton contemporain qui confie sa capacité d’envol à la technique plutôt qu’à l’immémorialité de ses jambes.

Mais pour comprendre cette sensation, encore faut-il savoir rêver et ne pas asservir son corps à la mécanique des moteurs dont le carburant se souvient peut-être encore des cils vibratiles des animalcules qui entrent dans sa composition fossile avant que de se les faire brûler dans les chambres d’explosion.


« La Préhistoire du piéton » Yvette Deloison, ed. Plon, 2004

https://www.maitrise-orthopedique.com/entretiens/yvette-deloison-71