Une tranche d’automobile

Daniel-Jean Primeau est un sculpteur québécois qui a étudié l’ethnologie, la linguistique et les communications à l’Université de Montréal. C’est à son retour d’Égypte, où il a été chef d’expédition lors de plusieurs fouilles, qu’il s’engage de plus en plus dans la voie de la sculpture. Dans sa série intitulée « Les Tranches de Primeau » (1990-1996) il découpe des objets du quotidien et mène ainsi une réflexion sur la surconsommation et le cloisonnement des activités quotidiennes. En découpant les objets sources et en les empilant verticalement comme des couches géologiques, il permet au spectateur de voir l’extérieur et l’intérieur d’un seul coup d’œil.

Le concept des « Tranches de Primeau » constitue une exploration nouvelle de la transparence. De sa longue expérience artistique dans le travail du verre, Daniel-Jean Primeau concrétise ici la transparence de l’objet opaque.

Métaphore d’offrir une tranche de pain, un fragment d’objet offre en quelque sorte un condensé des valeurs véhiculées par la société de consommation. Par la tranche, il fait découvrir l’intérieur d’objets familiers qu’il choisit pour leur valeur symbolique dans notre société surdéveloppée et superficielle: réfrigérateur, télécommande, hamburger, stimulateur cardiaque, révolver, automobile…

Puis par analogie il suggère d’intérioriser notre vision, de s’interroger, de se découvrir, de s’apprécier tel que nous sommes en tant qu’individu. Transparaître au delà de nos façons matérialistes de dissimuler notre orgueil, nos angoisses. C’est une occasion d’y réfléchir et de réduire nos excès, la tranche illustre l’inévitable direction que nous dictent nos choix de société désormais incontournables: diminuer l’abus, partager le surplus. Des messages éminemment humanitaires.

En 1992, Daniel-Jean Primeau réalise ainsi « Une tranche d’automobile » qui lui aura demandé quatre mois de travail. Voici comment il résume cette expérience:

D’abord acheter la veille Firebird, la faire livrer à mon atelier. Installer mon système de marquage au Laser, qui m’indique la verticale et la ligne de coupe. Marquer et trancher à la meule à tronçonner, ou avec divers types de scies et couteaux, débiter les chutes. Louer une meule à essence pour couper dans la fonte du moteur. Numéroter les morceaux démontés et prendre des notes. Ébarber les bords à la lime et à la meule électrique. Construction d’une caisse de bois pour le transport de la carcasse à un atelier de jet de sable. Nettoyage. Renforcer la carrosserie avec une structure d’acier, remodeler à la pâte plastique et à la fibre de verre. Sablage, peinture de fond, peinture de finition. Remonter les morceaux en les collant, vissant ou boulonnant. Imaginer des trucs pour les éléments qui n’ont plus d’appui, comme des supports de polycarbonate transparent, des tiges filetées, des points de soudure dérobés et des pattes de niveau. Achat de quelques morceaux manquants. Courbage de feuilles de polycarbonate à la torche au propane pour remplacer les vitrages. Pose du tapis, de la doublure du plafond, des garnitures. Finition de la caisse pour le transport de l’oeuvre terminée. Trouver de l’aide pour soulever la caisse quand vient le temps de la déménager à une exposition comme celle-ci. Un travail passionnant. Prochain projet: un avion! »

Daniel-Jean Primeau
Une tranche d’automobile
115x497x33 cm, 1992.
http://www.primeau.qc.ca/Daniel-Jean_Primeau_ARTISTE/Accueil.html

Lire aussi :  Tous les dimanches devraient-ils être sans voiture?

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *