La prédisposition à l’usage de l’automobile: un effet incitateur

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Cet article est extrait d’une recherche exploratoire de l’INRETS, commandée par la « Mission Transports » de la Direction de la Recherche et des Affaires Scientifiques et Techniques du Ministère de l’Equipement (DRAST), intitulée « Mobilité urbaine et déplacements non motorisés : situation actuelle, évolution, pratiques et choix modal« .

L’auteur de ce travail est Vincent Kaufmann, chercheur à l’Institut polytechnique fédéral de Lausanne.

La prédisposition à l’usage de l’automobile: un effet incitateur

De nombreuses recherches montrent que les valeurs dominantes de la civilisation occidentale induisent un désir différentiel d’usage entre l’automobile et les autres moyens de transports de la mobilité quotidienne. Ce désir différentiel est un construit social intériorisé, il n’est donc pas un absolu (un autre système de valeurs intériorisées pourrait entraîner d’autres prédispositions à l’usage des moyens de transports).

L’automobile donne l’impression de la maîtrise des itinéraires et d’être en tout temps disponible pour son conducteur. A l’inverse, les transports collectifs impliquent un voyage en commun, dans un espace public qui n’est pas maîtrisé, de plus, le bus est incertain en termes d’attente et d’arrivée. En relation avec les valeurs de la civilisation occidentale, ces caractéristiques font de l’automobile un symbole de liberté.

Les caractéristiques du déplacement en automobile contribuent en fait à rendre possible une insertion sociale par connexité qui s’affranchit de la contiguïté du domicile. Elle participe au déploiement de réseaux sociaux par affinités électives qui s’affranchissent des contraintes de l’espace-temps du piéton.

Relevons, cependant, que les caractéristiques du déplacement en voiture ne sont pas seules à l’origine du « désir » d’utiliser l’automobile. Les usages contribuent aussi à les expliquer. La prédisposition à l’usage de l’automobile est, en effet liée, à des processus de réduction de la dissonance cognitive. Ceux-ci consistent à valoriser ses pratiques au détriment des alternatives possibles. Compte tenu de l’utilisation très fréquente de l’automobile dans la population (par rapport aux autres moyens de transports – tels que le vélo, la moto et les transports publics), la réduction de dissonance cognitive renforce la prédisposition à l’usage de l’automobile et conduit à la reproduction des pratiques modales d’automobilistes.

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Chez les personnes qui utilisent exclusivement l’automobile comme moyen de transport motorisé dans le cadre de la mobilité quotidienne, l’ancrage des pratiques et la dissonance cognitive limitent le choix modal au profit d’une subordination des choix de destinations à la possibilité d’utiliser l’automobile.

Lorsqu’aucune contrainte perçue ne pèse sur l’utilisation de l’automobile, nombreux sont les usagers qui n’emploient que ce moyen de transport. Dans ce cas, il n’est pas rare que l’utilisation d’autres moyens de transports sorte progressivement du « champ du possible » : elle n’est même plus envisagée. Dans ce cas les pratiques de mobilité quotidienne se fondent souvent sur la possibilité d’utiliser l’automobile pour se rendre à une destination donnée. La pratique modale prime alors sur la destination.

Ces processus montrent que la mise en cause des pratiques modales peut impliquer la remise en cause de certains traits fondamentaux du mode de vie. Des personnes utilisant exclusivement l’automobile ne pourraient pas réaliser leur programme d’activité avec les transports publics sans modifier certaines de leurs habitudes spatiales.

à suivre

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