Les dérives de France Nature Environnement

France Nature Environnement (FNE) est la fédération française des associations de protection de la nature et de l’environnement. Vous connaissez sans doute son logo, un petit hérisson rouge, celui-là même qui se fait écraser massivement sur les routes par les bagnoles. Au vu de la politique suivie par France Nature Environnement depuis quelques années, cette fédération est désormais directement complice de la mort des hérissons.

Créée en 1968 sous le nom de Fédération française des sociétés de protection de la nature (FFSPN), FNE est reconnue d’utilité publique en 1976. Elle est la porte-parole d’un mouvement de trois mille associations et quelques, regroupées au sein de quatre-vingts organisations adhérentes, en métropole et outre-mer. Dit autrement, si vous êtes adhérent de n’importe quelle petite association locale de protection de la nature, vous êtes probablement indirectement adhérent de France Nature Environnement.

Or, France Nature Environnement est désormais une sorte de bureaucratie de l’environnement à la botte de l’État et des industriels. Ce n’est pas moi qui le dit, mais le journaliste Fabrice Nicolino, qui avait d’ailleurs écrit un livre à ce sujet en 2011, Qui a tué l’écologie ? (LLL, 2011, Points-Seuil pour l’édition de poche en 2012).

FNE s’est largement compromise avec des industriels de tous types dans l’agro-business et l’automobile et avec l’Etat qui finance une grande partie de la fédération. Il n’y a pas vraiment de chiffres officiels, mais Fabrice Nicolino estime que le financement public, toutes sources confondues, doit approcher, voire dépasser 70 % de ses revenus. (voir ici)

Le financement public peut sembler normal pour une telle fédération, mais il n’est pas sans poser de questions quant à son indépendance dans tous les dossiers où l’État intervient, ce qui était déjà le cas à l’époque du Grenelle de l’environnement par exemple. (voir ici) Au-delà du financement public, FNE semble être perpétuellement à la recherche de subsides, y compris en multipliant les partenariats hasardeux avec les principaux destructeurs de l’environnement.

Je ne vais pas détailler tous les liens obscurs entre FNE et des fabricants de pesticides, des multinationales de l’agro-chimie, la FNSEA, etc. Fabrice Nicolino l’a très bien fait.

Et il est même allé au-delà, en montrant que FNE a développé également d’étranges liens avec des constructeurs de voitures comme PSA Peugeot. Et pour le coup, le sujet nous intéresse plus spécifiquement sur Carfree France.

Avant tout, je vais citer un large extrait d’un de ses articles de 2014 (vous pouvez retrouver l’article complet ici):

Comme ces bureaucrates sont perpétuellement à la recherche de breloques et de sous, ils s’acoquinent régulièrement avec des industriels dans le cadre de partenariats qu’ils jugent nécessaires. J’apprends à l’instant que FNE a signé un pacte inouï (ici) avec « Keolis, opérateur de transport de voyageurs, MOBIVIA Groupe, leader européen de l’entretien et de l’équipement de véhicules, et la fondation PSA Peugeot Citroën ». Les gens de FNE sont tellement sûrs qu’on ne les attendra pas au coin de la rue, qu’ils ont publié leur communiqué scélérat le jeudi 13 mars, hier même, quand étouffaient les mioches, les vieux, les asthmatiques. La conclusion de leur texte – au fait, vous avez touché combien, les gars ? – est fantastique : « Comme d’autres modes de transport, la voiture a toute sa place dans la mobilité. Il revient aux élus de fournir les conditions pour une mobilité désormais choisie et non plus subie, adaptée aux besoins et aux environnements. »

J’ajoute, car tout de même ! que Peugeot et son ancien patron Jacques Calvet sont les responsables majeurs de ce qu’on nomme la « diésélisation » du parc automobile français. Pendant des années, les équipes de Peugeot ont fait le siège de tous les décideurs publics et ils ont GAGNÉ ! Le diesel, source majeure d’émission de particules fines, est PARTOUT. Et FNE donne quitus à Peugeot, redore son blason, efface les dettes morales si grandes du constructeur pour trois picaillons. Shame on you ! Vous êtes vraiment aux dimensions de vos pires caricatures.

Voilà comment ça marche. L’impunité d’hier efface les morts d’aujourd’hui et prépare les crimes de demain. Et voilà pourquoi j’enverrai proprement chier les bureaux de vote les 23 et 30 mars. Vous n’êtes pas obligé de me croire, mais je ne demande sûrement pas qu’on me suive. C’est seulement que j’avais grand besoin de me soulager. C’est fait.

Il n’est pas content le Fabrice Nicolino, et il a raison. Ces gens sont à vomir. Bénéficiant du capital sympathie lié à des dizaines d’années de lutte pour l’écologie, FNE trompe les gens en se présentant désormais comme une sorte de vitrine officielle de la protection de la nature et de l’environnement.

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Au-delà de la nausée, il semble intéressant de voir comment ce « partenariat » entre FNE et industriels de l’automobile s’est traduit depuis 2014. Mais avant tout, il faut dissiper un malentendu. Pour FNE, ce type de partenariat est sans doute, au-delà d’une source de financement, une sorte de moyen d’influencer les industriels, selon l’adage qu’il vaut mieux être à l’intérieur du système plutôt qu’à l’extérieur pour le faire évoluer.

A vrai dire, c’est presque une question philosophique que je ne vais pas trancher ici. Toujours est-il que l’expérience montre souvent qu’une fois dans le système, même avec les meilleures volontés du monde, il est très difficile de conserver une position d’opposant et de rester intransigeant sur l’essentiel. Entrer dans le système, c’est accepter ses codes, ses pratiques, ses manières de faire. C’est s’asseoir à la « table des négociations » avec ceux qui détruisent ce pour quoi vous luttez ou êtes censé lutter. Ces gens-là vous diront sans doute qu’il faut faire des compromis, mais des compromis sur quoi exactement?

Faut-il tuer 21.000 français par an du fait de la pollution de l’air au lieu des 42.000 morts annuels? Et pour les hérissons écrasés sur les routes, on négocie comment?

Au-delà des nécessaires compromis, développer ce type de partenariats avec des industriels, c’est aussi progressivement adopter la même vision générale. Vous voulez un exemple?

Le 2 décembre 2015, FNE organisait une conférence sur le thème « Changements climatiques : un défi pour la mobilité ». Dans le communiqué officiel de FNE à ce propos, il est dit: « Cette conférence abordera ainsi les politiques publiques nécessaires pour entrer dans l’ère de la mobilité propre, partagée, connectée, inter et multimodale. »

On ne parle donc pas vraiment de « voiture propre », mais on peut voir que le concept de « mobilité propre » s’en approche malgré tout. Derrière l’expression, on distingue en effet tous les concepts industriels actuels autour de la « voiture propre », de la « voiture partagée » et autre « voiture connectée. »

A vrai dire, la phrase même semble sortir tout droit d’un document de communication d’un constructeur de voitures. Et on ne croit pas si bien dire! Car, si on regarde attentivement une brochure récente réalisée « en partenariat » entre FNE, Mobivia et PSA Fondation, on trouve cette citation de Patrice-Henry Duchêne, Délégué Général de la Fondation PSA Peugeot-Citroën: « La voiture de demain sera propre, partagée et connectée. » (page 7)

Incroyable, non? C’est à se demander si ce n’est pas le même Patrice-Henry Duchêne qui écrit désormais les communiqués officiels de FNE au sujet de la mobilité!

Voiture propre, mobilité propre, partagée ou connectée, on le voit, on se situe très loin des anciennes positions de FNE au sujet de l’automobile. Citons un seul exemple, un article de 2008, autant dire la préhistoire, au sujet d’une visite de Nicolas Sarkozy au salon de l’automobile. Dans cet article, Michel Dubromel, le responsable des questions Transports à FNE expliquait que « la voiture propre n’existe pas, elle aura beau émettre moins de CO2 et de polluants atmosphériques, elle occupera toujours autant l’espace et ne permettra en rien de lutter contre les problèmes d’étalement urbain ou même de sécurité routière. »

Diantre, le changement de ton est radical! Que s’est-il donc passé entre 2008 et 2015 pour que le discours de FNE change à ce point au sujet de la « voiture propre »? Peut-être un partenariat avec Peugeot en 2014?

Les hérissons pourront donc se faire écraser désormais avec la bénédiction de France Nature Environnement, c’est pour la bonne cause puisqu’ils seront écrasés par des « voitures propres ». C’est sans doute pour cela que le hérisson du logo de FNE est rouge, couleur sang.

3 commentaires sur “Les dérives de France Nature Environnement

  1. alfred

    Si je comprends bien, un jour, on pourrait apprendre que Carfree soutient en douce le diesel !!!

  2. Theron

    A Toulouse, FNE a proposé dans le cadre de la modification du Plan de Déplacements Urbains (PDU) d’étendre le vélib à toute l’agglo. Pas un mot sur les ateliers-vélo… FNE et l’environnement, ça fait au moins 2 !

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