Prime à la casse de la planète

Vous avez patriotiquement changé de voiture l’année dernière, troqué votre bonne vieille bagnole qui roulait encore contre une bagnole neuve en échange de la prime à la casse du gouvernement, parfois doublée ou triplée par les constructeurs. Que va devenir votre voiture mise à la casse pour le bien de la planète?

Paradoxe. Les casses automobiles n’ont jamais vu autant de voitures mises à la casse suite à la prime gouvernementale et pourtant, c’est la crise dans le milieu des épaves et de la ferraille! Pour un peu, on en pleurerait…

Selon Patrick Devedjian, ministre chargé de la relance de la croissance productiviste, 600.000 primes sonnantes et trébuchantes auraient été versées aux Français en 2009.

Elles sont en parfait état de rouler : des Scénic 2, des BM 3.28 coupé, des Golf 4, des Laguna à la pelle… La plupart datent de 1999, 2000 voire 2002. Certains n’atteignent même pas les 100 000 km… Non, il ne s’agit pas d’un marché de voitures d’occasion. C’est dans les casses automobiles que ces véhicules sont entreposés, en attente d’être désossés, dépollués et envoyés chez le broyeur.

Car ces voitures ne peuvent pas être vendues. Elles sont destinées à la destruction, puisqu’elles entrent dans le dispositif de la prime à la casse, mis en place par l’Etat pour l’acquisition d’un véhicule neuf.

Un casseur automobile déclare: « On est gavé : depuis deux mois et demi, nous avons reçu plus de 1000 voitures. C’est vrai que certaines sont encore en bon état. J’ai vu passer une Golf 4 SDI encore plus propre que la mienne !« (1)

Face à l’afflux des bagnoles, les casseurs n’ont même plus le temps de valoriser les pièces. Quand vous recevez d’un coup une soixantaine de twingos, il faut du courage pour écouler 120 portes avant…

Quand la voiture devient déchet…

Un autre casseur, Alain Mazières, aborde le non-sens écologique de la mesure: « On s’aperçoit avec ces mesures que la voiture devient presque un déchet ordinaire mais qu’il n’y a pas, comme pour la taxe des ordures ménagères par exemple, une taxe pour le client. » (2)

Autre problème de taille : que faire maintenant de toutes ces tonnes de ferraille ? « Aujourd’hui, il n’y a quasiment plus de fonderie en France, renchérit Alain Mazières, on est obligé d’envoyer sur l’Espagne et même sur les pays asiatiques. Nous sommes un élément de la chaîne pour assurer un travail relativement complexe et pour dépolluer« .

La voilà, la réponse du marché! Envoyer des bagnoles qui roulent encore et parfois même très bien à l’autre bout du monde pour être désossées et dépolluées…

Au nom de l’environnement…

Tout ça pourquoi? Pour les remplacer par des voitures neuves censées être moins polluantes et moins émettrices de CO2. Pour le bien de la planète, quoi!

Marché de dupe. La seule construction des voitures neuves à partir de pièces construites aux 4 coins du monde et assemblées, par exemple, en Europe de l’Est, va générer une bonne partie de la pollution totale de la voiture tout au long de son cycle de vie.(3)

Lire aussi :  Présence de la publicité automobile dans la presse écrite

Qui prend en compte les émissions de CO2 liées à l’extraction des matières premières en Afrique ou en Amérique du Sud puis à leur transformation et leur transport à l’échelle mondiale? Qui prend en compte les émissions de CO2 liées la production des pièces et à leur transport entre usines de fabrication et usines d’assemblage? Qui prend en compte les émissions de CO2 liées à l’assemblage final et au transport des voitures neuves? Qui prend en compte enfin les émissions de CO2 liées à l’envoi des « épaves » à l’autre bout de la planète pour les désosser?

Certainement pas le taux marketing de « tant de grammes de CO2 par km » que les constructeurs affichent en tout petit en bas des publicités pour leurs voitures et qui ne prennent pas en compte les émissions grises de CO2. (4)

Analyse du cycle de mort

Prenons un exemple. En troquant sa vieille Twingo pour une plus récente, François n’émet plus désormais que 130 grammes de CO2 au kilomètre contre 143 g en l’an 2000. En clair et en résumé, il réduit ses émissions de 13 grammes à chaque kilomètre parcouru.

Sauf que, à en croire « l’Analyse de cycle de vie » (5) réalisée par Renault en 2007, la fabrication d’une Laguna 3, c’est environ 4,7 tonnes de CO2 rejetés dans l’atmosphère. Certes, la Laguna n’est pas une Twingo. Mais les processus de fabrication sont globalement les mêmes. Revenons à François. Il lui faudra donc parcourir 360 000 kilomètres avant que la baisse de ses émissions routières n’annule l’achat de sa nouvelle Twingo. Or, en bon Français moyen, celui-là parcourt en moyenne 12 800 kilomètres chaque année sur la route. A ce rythme, il devra donc garder sa voiture 28 années pour effacer sa dette environnementale.

Or selon le comité des constructeurs français des automobiles, les Français changent en moyenne de véhicule tous les huit ans…(5)

Autrement dit, le même François qui change sa vieille bagnole pour une neuve qu’il gardera 8 ans émettra au total 3,4 tonnes de CO2 de plus que s’il avait gardé sa vieille bagnole (4,7 tonnes pour la construction de la nouvelle – 1,3 tonnes d’économisées en roulant)…

Cherchez l’erreur!

Notes

(1) De belles caisses à la casse, La Dépêche, 21 février 2010.
(2) Les casses submergées par des milliers d’épaves, La Dépêche, 19 mars 2010.
(3) Prime à la casse : une imposture environnementale, Iewonline, 9 octobre 2009.
(4) Emissions grises de CO2 et bilan carbone de l’automobile, Marcel Robert, 19 juin 2009.
(5) La prime à la casse est-elle vraiment écolo ?, Karine Le Loët, Terra Eco, 11 février 2010.

16 commentaires sur “Prime à la casse de la planète

  1. Nilcouak

    très bon article, merci!
    Sans compter que l’argent de la prime à la casse dessert peut être plus les usines délocalisées
    Finalement, le contribuable à payé tout cela pour trois fois rien et plus de pollution! Vive la France!

  2. CarFree

    3,4 tonnes de CO2 en plus pour chaque achat d’une voiture neuve… et 600.000 primes à la casse en 2009, soit environ 2 millions de tonnes de CO2 en plus à l’échelle française! Un grand merci à Sarkozy, Borloo, Estrosi, Devedjian, etc.

  3. Pim

    Article très intéressant.
    La grande nouveauté de l’article par rapport aux sujets « semblables » déja traités sur le site, c’est cette phrase je trouve :

    Un autre casseur, Alain Mazières, aborde le non-sens écologique de la mesure: “On s’aperçoit avec ces mesures que la voiture devient presque un déchet ordinaire mais qu’il n’y a pas, comme pour la taxe des ordures ménagères par exemple, une taxe pour le client.” (2)

    Effectivement, c’est peut etre le seul déchet pour lequel on ne paie pas de taxe, alors que c’est un des plus gros et des plus polluants ! On nous donne meme 1 000 eur pour le jeter à la poubelle… C’est fou

  4. URB

    C’est sur que ça doit leur manquer la contribution que donne habituellement ceux qui mettent les voitures à la casse.

    Chaque fois que j’ai mis une voiture à la casse (je les garde jusque dans la limite du raisonnable), les casses font payer entre 100 et 150 € pour les frais de traitement des matériaux.

    Mais ils ne touchent vraiment rien en recevant toute ces voitures (en dehors de ce que rapporte les pièces détachés) ?

  5. Dap

    2 remarques
    Cette prime permet quelquefois de remplacer à moindre cout des voitures qui sont vraiment usées (c’est mon cas) mais je l’aurais de toute façon changée, avec ou sans prime.
    Quelques concessionnaires font maintenant la démarche discrete de ne pas proposer de prime à la casse mais une prime équivalente de reprise de 1000 euros et ils peuvent revendre la voiture d’occas bien plus chere. On trouvera toujours quelques idiots pour leur reprocher mais ils n’avaient qu’a vendre eux même leur voiture !!!

  6. l'automobile

    A la base, la prime à la casse devait permettre :
    – d’abaisser l’âge moyen du parc automobile français
    – de favoriser les ventes des véhicules neufs.

    Or, notre cher gouvernement, qui n’en rate pas une :

    – n’a pas prévu un tel succès des primes à la casse (casses rapidement saturés, incapables de suivre le rythme)
    – a instauré quelques temps après un « taxe écologique » : en gros achetez des voitures mais surtout ne les utilisez pas.

    Les primes à la casse ont néanmoins permis d’éliminer certaines vieilles voitures, assez polluantes et souvent hors d’âges, mais néanmoins a contribuer à envoyer certaines voitures, récentes et peu kilométrées, un beau gâchis donc.

  7. Tassin

    @ l’automobile : « Les primes à la casse ont néanmoins permis d’éliminer certaines vieilles voitures, assez polluantes et souvent hors d’âges »

    Franchement j’y crois pas à ça. Parce que les propriétaires de ce genre de véhicules sont en général peu aisés et donc n’iront jamais acheter un véhicule neuf, même avec une prime à la casse. Si ils changent, ils se dirigent vers l’occasion à bas prix (moins de 3000€).

    C’est juste une mesure qui a favorisé ce qu’il reste la classe moyenne intermédiaire, ceux qui sont suffisamment aisés pour claquer minimum 10 000€ dans une bagnole.

  8. Cyril

    Je crois avoir trouvé l’erreur!
    Ce n’est pas au bout de 360 000 km mais plutôt de 36 000 km que François aura amorti son achat d’un point de vu CO2. Il aura donc « effacer » sa dette environnementale au bout de 3 ans d’utilisation moyenne, et non de 28 ans.

  9. Cyril

    Arf mais non il faut me modérer tout de suite!! 🙂

    La fabrication et à la fin de vie de la voiture est équivalente, en terme d’emission CO2, à 36 000 km roulés.
    Mais l’amortissement CO2 est bien de 360 000 km, soit 28 ans d’utilisation moyenne!!

    Si ca c’est pas de la belle entourloupe environnementale !!

  10. veloce

    Vu qu’on a des sources ça serait bien de pouvoir y remonter…
    exemple:
    «  » »à en croire « l’Analyse de cycle de vie » (5) réalisée par Renault » » » »
    La source n’est pas Renault, mais un article Carfree qui n’a pas de source Renault…

    « Or selon le comité des constructeurs français des automobiles, les Français changent en moyenne de véhicule tous les huit ans…(6) »
    La, la source c’est carrément celle de l’article ici présent…donc pas du tout le comité des constructeurs français.

    Les sources 3 et 4 sont des sources d’article Carfree…on tourne un peu en rond, non?

  11. veloce

    Je corrige, la source 6 est un article dont un bout est identique à ce sujet.
    Mais ça ne change rien à ma remarque.

  12. URB

    C’est clair que c’est bien l’auto-source.

    Comme ça on est toujours d’accord avec ce que l’on dit.
    ça ne fait pas très sérieux mais bon…

  13. Marcel Robert

    Heureusement que certains suivent ! Effectivement, je constate que j’ai inversé certaines sources, cela ne veut bien évidemment pas dire qu’elles sont manquantes ou « auto-sourcées », mais seulement inversées…
    Ainsi, par exemple, l’analyse de cycle de vie de l’automobile réalisée par renault en 2007 n’est effectivement pas dans la source 5, mais dans la 6! (au passage un article de terra-eco et non pas un article de carfree…)
    Et pour la source 6, CCFA, c’est aussi l’article de terra-eco qui donnait l’info… Conclusion: inversion de sources et non pas auto-source comme l’entend URB toujours prompt à tenter de discréditer ce qui est écrit sur ce site…
    Je corrige ce problème de source dès que j’ai le temps.

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