Soutenons Eric Petetin !

Le militant écologiste Eric Petetin est une fois de plus menacé d’expulsion de la Goutte d’eau, l’ancien QG historique de la lutte contre le tunnel du Somport. Après l’avoir déjà expulsé, emprisonné, interné en hôpital psychiatrique puis transformé en SDF, le système veut définitivement faire taire celui qui a probablement inventé l’action directe contre le tout-routier en France dans les années 90.

Le nom d’Eric Petetin ne dira peut-être pas grand chose aux plus jeunes, mais rappellera sans doute beaucoup de souvenirs aux plus anciens d’entre nous. Je ne connais pas personnellement Eric Petetin, mais les luttes qu’il a menées avec quelques autres contre le percement du tunnel routier du Somport dans la Vallée d’Aspe ont marqué durablement mon adolescence.

Ce tunnel, qui relie désormais la France et l’Espagne à l’ouest de la chaîne pyrénéenne, a bel et bien été construit et a constitué un échec majeur de la lutte écologique en France.

Eric Petetin, dit aussi l’Indien du fait de la plume de vautour qu’il mettait dans ses cheveux, était celui, dans mon esprit, qui faisait face courageusement aux bulldozers et aux engins de chantier. Avec un groupe de militants surnommés les « Aspaches » en référence à la Vallée D’Aspe, ils ont mené une action directe parfois violente pour empêcher coûte que coûte la construction du tunnel routier. Le FBI les qualifierait aujourd’hui volontiers « d’écoterroristes », quant à moi je préfère l’expression « d’insurgés de la terre« .

Tout le monde reconnaît qu’Eric Petetin avait raison

Dès sa naissance, en 1989, le mouvement de protestation contre le tunnel routier connaît un franc succès. Des comités Somport éclosent un peu partout en France et en Espagne ; 3 180 personnes acquièrent des lots de terrains pour s’opposer aux travaux routiers ; des rassemblements européens réunissent jusqu’à 10 000 personnes ; les grandes organisations écologistes – WWF, Greenpeace ou France Nature Environnement – s’investissent dans cette lutte.

Et pourtant ce combat ne sera pas couronné de succès et le tunnel ainsi que ses aménagements routiers périphériques seront construits. Maryse Darsonville, présidente du collectif Alternatives Somport, qui prône une alternative ferroviaire, tente d’expliquer l’échec de cette lutte: « Dans une vallée qui n’a pas changé depuis un siècle, les aménageurs et les élus promettaient le développement économique. Nous, nous ne promettions que le danger et la pollution« .

D’autant que les élus, arc-boutés sur leurs prérogatives – François Bayrou, le président (UDF) du conseil général des Pyrénées-Atlantiques, et André Labarrère, le maire (PS) de Pau, en tête -, menaient la charge contre « les romantiques et les irresponsables ». « A droite comme à gauche, ils étaient dans la même logique du miracle de la route« , explique Geneviève Saule, de France Nature Environnement.

Aujourd’hui, le plus triste ou le plus drôle, c’est que tout le monde reconnaît qu’Eric Petetin avait raison, même ses plus farouches adversaires de l’époque, et même des associations comme Greenpeace qui l’avaient pourtant abandonné en rase campagne quand ses actions paraissaient « trop violentes »…

« Eric avait vu juste, on aurait dû l’écouter davantage ; et on le regrette« , reconnaissent maintenant tous ceux qui se sont heurtés, parfois violemment, à lui. Aujourd’hui, la population de la vallée, qui n’a rien vu venir des promesses de développement, ne croit plus aux miracles du tunnel. Elle s’inquiète de l’intensification du trafic routier et de la défiguration du site.

Les élus eux-mêmes ont changé de ton ou se taisent. Le conseil régional d’Aquitaine a mis la réhabilitation de la ligne de chemin de fer à l’étude, sans s’en donner vraiment les moyens.

«Mort aux visages pâles»

Au cours de ces années de lutte, Éric Petetin a été arrêté 49 fois par la police et a passé 14 mois en prison pour divers faits d’armes. Sa première condamnation, Eric Petetin l’obtient à l’automne 1991 pour «vol de piquets et de rubans»: «On suivait l’ingénieur qui faisait les repérages et on défaisait tout derrière lui.» (Libération)

Ensuite, il y a eu de nombreuses avanies judiciaires comme entrave à la circulation, puis destruction de biens et même vol d’un képi militaire. «Je ne sais d’ailleurs plus où il est, ce képi. Je l’avais piqué à un gendarme puis je l’ai donné à un chien.»

Il a été condamné aussi pour avoir rayé une voiture de la gendarmerie. Coiffé de sa plume, il s’était rué dessus au cri de «mort aux visages pâles».

Il finira malgré tout par être gracié par le président Mitterrand en juin 1993. «Mon premier séjour derrière les barreaux, c’était pour avoir découpé un grillage.» Il y est retourné pour un jet de lacrymogène dans le nez d’un ouvrier de la route qui se faisait méchant avec la manifestation. Puis pour avoir transporté jusqu’au col l’essence et l’incendiaire qui allait mettre le feu aux engins du chantier: «Je suis passé à trois heures du matin pour ne pas me faire voir mais les douaniers m’ont reconnu.» D’ailleurs, tout le monde reconnaît l’Indien de la vallée d’Aspe et son cheveu frisé.

Il devient alors une cible et un wagon aménagé de la « Goutte d’eau », le QG de la lutte anti-tunnel situé dans l’ancienne gare de Cette-Eygun, est incendié par des inconnus en 1992. 23 aspois sont mis en examen dans cette affaire mais une seconde expédition punitive a lieu en 1993. L’enquête de gendarmerie montrera que les coupables étaient en fait des notables locaux pro-tunnel. Parmi eux, il y avait un adjoint de la municipalité de Cette et un conseiller général de la vallée d’Ossau. Parmi les incendiaires de juin 92 figurait aussi l’artisan menuisier Pierre Moulia qui présidait alors le comité d’expansion de la vallée d’Aspe.

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En mai 1994, Eric Petetin prend la tête de la plus grande manifestation de l’histoire de la vallée d’Aspe avec 8000 manifestants. Le cortège s’achèvera par des échauffourées avec les forces de l’ordre.

Tout semblait réuni pour faire de l’opposition à la construction du tunnel du Somport et à l’aménagement de la vallée d’Aspe une bataille écologique exemplaire : protection de la nature, refus de la logique du tout-camion et du tout-voiture et affirmation d’une alternative de  » développement durable « .

«Il y a trop de voitures dans le monde»

Avec d’autres militants, il fait alors une grève de la faim, du 15 mars au 13 avril 2000. Et en mai 2000, c’est le « pétage de plombs ».

A Bedous (Pyrénées-Atlantiques), Eric Petetin prend le volant de la voiture d’une automobiliste qui avait refusé de lui donner de l’argent, puis percute quatre voitures. Pris en charge par la police, il défonce les grilles d’un jardin public à Oloron-Sainte-Marie (Pyrénées-Atlantiques), en ressort en traversant une haie et percute deux autres véhicules avant d’être interpellé. Il aurait alors déclaré aux policiers qu’«il y a trop de voitures dans le monde». «Ça a été Taxi 2», déclarait l’un d’entre eux après le rodéo.

A la suite de cet incident, Eric Petetin a été placé d’office en hôpital psychiatrique par arrêté préfectoral. Pour ses camarades de la Goutte d’eau, collectif de lutte contre le tunnel qu’il présidait, Eric Petetin «ne s’est pas remis de sa grève de la faim».

Après cette difficile grève de la faim et deux séjours en hôpital psychiatrique, Eric Petetin se retrouve brisé et quitte la vallée en 2003, au moment de l’ouverture du tunnel à la circulation. « C’est la première victime du tunnel« , dit son médecin, le docteur Jean-Pierre Verges.

« La lutte est une source de joie »

Il traverse ensuite durant les années 2000 une longue période de galère. Il fréquente les foyers SDF à Bordeaux avant d’être employé jusqu’en décembre dernier par la mairie de Bègles, près de Bordeaux, en qualité de jardinier municipal: « Il fallait que j’en passe par-là. Mais ça fait du bien quand ça s’arrête. Pour moi la lutte est une source de joie ». (La République des Pyrénées)

Et la lutte ne semble pas prête de finir. Début octobre 2010, «l’Indien» Petetin sort les peintures de guerre et tague sur le muret en béton matérialisant la fin de la déviation de Bedous: « Aspe 6-7-8 juillet 2012. No pasaran ! » ainsi que des slogans affichant le primat du rail sur la route: « E7 Non, Canfranc Oui ! » Eric Petetin s’est vu à cette occasion confisquer son matériel et va faire l’objet une nouvelle fois de poursuites pour détérioration de biens publics.

Début décembre 2010, Eric Petetin tente d’installer devant la préfecture des Pyrénées-Atlantiques des pancartes comportant plusieurs inscriptions peu flatteuses pour le président Nicolas Sarkozy et le préfet des Pyrénées-Atlantiques. A la même période,  il était aux côtés des opposants à l’A65, l’autoroute Pau-Langon. Petetin, le retour?

Nouvelle procédure d’expulsion

En fin d’année 2010, il réapparaît ainsi dans le paysage de la Vallée d’Aspe, en particulier en réoccupant le bâtiment désaffecté de la Goutte d’eau. Il a trouvé les lieux « rendus volontairement inhabitables », sans fenêtres, sans eau ni électricité. Il s’emploie depuis sa réinstallation à des travaux de remise en état, en compagnie de trois amis venus le rejoindre.

A 57 ans, Eric Petetin s’est-il « calmé »? Le 6 septembre dernier, il expliquait à la République des Pyrénées ses projets actuels: « Je suis un militant tout aussi déterminé qu’avant. La situation empire, tout le monde le sait. La déforestation continue, la pollution s’étend. Il faut sauver ce joyau qu’est la vallée d’Aspe. C’est une merveille qui pourrait nourrir des milliers de personnes. J’aimerais contribuer au repeuplement de nos vallées. Je rêve que des Africains ou des Américains latins viennent s’installer dans la vallée. Les pentes ne feront pas peur aux paysans des Andes ! »

Début février 2011, un huissier de justice est venu constater la présence d’Eric Petetin et de ses camarades. « L’huissier du tribunal de Pau, mandaté par Réseau ferré de France (RFF), qui est propriétaire de la gare, ne nous a pas caché qu’il s’agit du début d’une procédure d’expulsion« , a-t-il dit.

Eric Petetin a exprimé sa résolution à rester dans les lieux qu’il avait lui-même baptisé « La Goutte d’eau ». Un nouveau combat commence pour Eric Petetin.

Si vous voulez le soutenir dans sa démarche ou vous tenir au courant de ses péripéties, on peut trouver sur cette page son adresse email et son numéro de téléphone: http://www.forbidden-places.net/exploration-urbaine-la-goutte-d-eau

Eric Petetin avait raison dans les années 90, il a toujours raison aujourd’hui.

6 commentaires sur “Soutenons Eric Petetin !

  1. tyty

    slt a toute est tous je suis tyty un residen de la goutte d’eau g un message urgent a transmètre on vas ce faire expulsés dans minimum 15 jours il vons tons muré .
    je fais apelle a tous et toute les personne pour une mobilisation contre la fermeture et pour la protection de la vallée d’aspe l’axe E7 et la loi lopsi

  2. frédo

    Ce matin , un huissier est venu à la Goutte avec une nouvelle pas très réjouissante ……trois membres de la  » Goutte  » dont Eric sont convoqués ce jeudi au tribunal d’ Oloron à 9h30 pour répondre à l’ occupation de lieu abandonné depuis 5 ans …
    ça va être chaud…..

    Frédo

  3. annette meynard

    moi annette je suis à tes côtés pour sauver ce qu’il reste de la planète.
    Dis moi si tu as besoin de nous pour un don ce qui permettrait de pouvoir
    l’aider dans tes projets. Comme tu le sais je ne suis pas bien riche,
    mais les petites sommes ajoutées cà compte. Si tu dois être
    convoqué au tribunal n’en fais pas trop pour ne pas te trouver derrière
    les barreaux. Je sais que c’est dur de comprendre maintenant que c’est
    toi qui avait raison mais les gens réfléchissent une fois « qu’ils ont fait
    au froque » J’espère de tout coeur que tu sortiras vainqueur de cette
    ignoble mascarade. J’espère que le chien n’a pas »avalé le képi » sinon
    ses jours sont comptés….A plus Annette et Francis

  4. frédo

    Bonsoir à tous

    date reporté de la date initiale, à environ quinze jours pour la convocation au tribunal d’ Oloron .
    Soirée Festive le 19 mars .Venez Nombreux
    Frédo

    Merci Anette et Francis pour ces quelques mots

    Gardarem la Goutte

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