Niquer les bagnoles

Libé nous l’apprend récemment, la situation est redevenue « normale » en banlieue avec environ une centaine de voitures brûlées par nuit… La police arrête désormais de communiquer sur le bilan journalier des voitures brûlées puisque la situation est « normale ». Cette normalité-là représente donc une moyenne de 36.000 véhicules brûlés par an, ce qui correspond aux chiffres que nous donnions ici même il y a quelques temps quant au bilan des violences urbaines.

« Niquer les bagnoles » est donc devenu quelque chose d’apparemment « normal », quelque chose que l’on fait entre amis pour s’amuser, un quotidien en quelque sorte que l’on vient juste bousculer durant les fêtes de fin d’année et lors du 14 juillet, périodes durant lesquelles on brûle un peu plus de voitures. Mais, là aussi c’est « normal », puisque c’est lié à la fête et à des circonstances un peu exceptionnelles…

Ce qui semble moins « normal », du moins pour les autorités, c’est quand on décide de faire les fêtes de noël et le 14 juillet réunis, tous les soirs durant 3 semaines un peu partout en France. Là, il s’agit d’insurrection, d’émeutes, voire de guerre civile.

Mais, pas d’inquiétude, TF1 veille au grain! J’aime bien regarder le journal TV de TF1 le soir, il me paraît nettement plus dégoulinant que celui de France 2, un peu trop fade quand même à mon goût… Or, depuis quelques jours, j’ai constaté une hausse impressionnante du nombre de sujets consacrés à la banlieue: un sujet par-ci sur la réinsertion, un sujet par-là sur l’absence de crèche, un autre sur une expérience pilote en ZEP, et surtout beaucoup de sujets qui parlent du 9-3, des habitants de Seine Saint-Denis, de la banlieue quoi!

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L’impression étrange que TF1 avait tout un stock de reportages jamais diffusés et que, tout à coup, il paraissait plus qu’urgent de parler de choses bizarres et un peu sales quand même, des trucs comme la « précarité », la « discrimination », la « pauvreté », etc.

L’impression étrange qu’on découvre que des millions de gens vivent en France « en-dessous du seuil de pauvreté », qu’un million d’enfants vivent dans des conditions déplorables, que plus d’un million de personnes sont au RMI, que d’honnêtes travailleurs pauvres n’ont même pas de quoi se loger et sont Sans Domicile Fixe, qu’avoir Bac+5 en banlieue est le meilleur passeport pour le chômage, qu’en France on meurt de froid dans la rue, etc. etc.

L’impression étrange qu’on a jamais autant parlé de « ce qui va mal dans notre société », que TF1 allait enfin nous montrer toute cette misère, mais pas l’expliquer quand même, car là, il faudrait poser des questions gênantes quant à la répartition des richesses, quant à la politique fiscale, quant aux subventions aux entreprises, etc.

Si j’étais pauvre, discriminé, précarisé et spectateur de TF1, tous ces évènements m’amèneraient à une conclusion logique: pour que l’on parle enfin dans les médias des vrais problèmes de notre société, la démarche la plus payante consisterait bien à « niquer les bagnoles »…