Désastre, dévastation, désolation, misère, catastrophes en série ; tel est, au terme du demi siècle passé, le bilan de la « Révolution Verte », du « développement » et de l’industrialisation agricole. Catastrophe écologique, catastrophe humanitaire, catastrophe sanitaire, le bilan est d’autant plus lourd qu’aucun des objectifs humains affichés n’a été atteint. L’industrialisation de l’agriculture a certainement satisfait des « objectifs économiques », mais c’est en laissant sur son chemin une humanité plus que jamais déshéritée.
Les objectifs affichés sans cesse ressassés et martelés de la « lutte contre la faim et la malnutrition », pour « l’autonomie ou la sécurité alimentaire », n’ont jamais et nulle part été atteints, même dans les pays « développés » : les affamés et les « mal nourris » ont augmenté en proportion de la croissance démographique générale. Les moyens mis en œuvre dans cette « aventure » se chiffrent pourtant en des quantités colossales, surhumaines et vertigineuses. Peu importe les unités choisies pour quantifier « l’œuvre de bienfaisances » affirmée, les bailleurs de fonds internationaux ont vraiment « mis le paquet » pour « nourrir la planète ».
Le bilan du « Développement » agricole, après 50 ans, s’assombrit encore plus, car, à cet échec manifeste de « la lutte contre la faim et la malnutrition » s’ajoutent le désastre écologique et les catastrophes sanitaires en série : épuisement des sols, désertification, pollutions de tous les milieux, multiplication des épidémies et pandémies toujours plus menaçantes…
Devant cette avalanche de catastrophes et devant la médiocrité des résultats obtenus contre la faim après un demi siècle de « développement » agricole acharné, on peut se poser la question de la validité et de l’honnêteté des objectifs affichés. La « Révolution Verte », le « développement » agricole, l’industrialisation de l’agriculture avaient-ils vraiment pour buts « l’autosuffisance alimentaire » ou la « lutte contre la faim » ?
Le virage récent et brutal de l’agriculture vers la production de biocarburants avec ses conséquences écologiques et humanitaires connues d’avance, permet dès maintenant de répondre par la négative à cette question. Quels étaient donc les objectifs secrets de ce déploiement colossal de moyens ?
Voici « Les Tableaux d’une Exposition » du « Développement ». Ils présentent quelques uns des aspects, historiques et politiques, pour une interprétation de celui-ci. (Chaque tableau (paragraphe) donne un éclairage du « développement » agricole et économique en général et peut être lu séparément.)
La Métamorphose du Paysan : du producteur primaire au super consommateur.
S’il existe encore une agriculture en Europe ce n’est plus parce qu’elle produit mais parce qu’elle consomme. Avec la mondialisation, tout ce qu’elle produit peut très bien l’être partout ailleurs sur la terre puis importé à plus bas prix. Par contre ce que l’agriculture est obligée de consommer pour « produire » est essentiel à la bonne « santé économique » du monde des affaires, de l’industrie et de la finance. La métamorphose du monde agricole, au lendemain de la deuxième guerre mondiale, correspond à la création d’un nouveau marché adapté aux nouvelles puissances de production du monde industriel. Marché créé, marché captif, marché régulé et expansif, la nouvelle agriculture, libère les velléités productives de l’industrie, en servant de débouché pour toutes ses « innovations » technologiques, pour tous ses produits manufacturés.
Désormais intégrée au vaste et puissant complexe agro-industriel l’agriculture consomme !
Sa consommation est immense en quantité et en diversité. Hydrocarbures et pesticides consommation massive! Azote, compléments azotés, de l’engrais pour les plantes à la nourriture pour les animaux tout est passé sous la dépendance de secteurs industriels et le contrôle administratif. Machines agricoles toujours plus nombreuses et « gourmandes », matériel de bureau, ordinateur papier, imprimante, journaux spécialisés… Le « Jeune Agriculteur » consomme, c’est sa nouvelle fonction économique…
Le paysan a été chassé des champs, un être nouveau, consommateur conducteur d’engins, de machines agricoles l’a remplacé.
Le sauvage autarcique du bocage, producteur primaire, a cédé sa place à un « Jeune Agriculteur », lilliputien asservi aux lois du marché, consommateur d’hydrocarbures et pulvérisateur de pesticides (1). Jeune et dynamique il est devenu par obligation puis par conviction dévoué à la Cause du Progrès (industriel). Par nécessité économique, il consomme !
Simple rouage intercalé entre l’agrochimie et l’agroalimentaire, le « Jeune Agriculteur consommateur » voit sa captivité économique, sa dépendance à la grande industrie et à la finance, s’accroître d’année en année. Tout ses faits et gestes sont maintenant surveillés, « monitorés » chiffrés et réglementés.
L’agriculture désormais pilotée et planifiée à distance par un état major « hors-sol », se préoccupe, avant tout, d’alimenter les « affaires » et les « marchés » plus que d’alimenter les populations. L’état major surveillant l’évolution des « marchés » organise les travaux des champs et les productions en fonction des paramètres industriels et financiers internationaux. Le conducteur d’engins (agricoles), « Jeune Agriculteur » apparemment seul maître sur son terrain, devient un manœuvre en réponse aux ordres de la hiérarchie financière invisible.
La « machine de guerre » de la « Révolution Verte ».
Les catastrophes en série, au niveau humain et du monde vivant, qui caractérisent le bilan d’ensemble de la « Révolution Verte » et de l’industrialisation de l’agriculture, ne sont pas à comptabiliser comme des échecs des opérations de « développement » agricoles. Il ne s’agit pas d’erreur, d’accident, d’incompétence, de mauvaise évaluation de la tâche, de corruption ou détournement de sa « mission » ; mais tout simplement une « nécessité économique ». L’histoire commence avec la guerre de « 39-45 ». La puissance industrielle révélée et développée pour les nécessités militaires de la deuxième guerre mondiale crée un nouveau paradigme économique qui doit pouvoir se perpétuer et se concrétiser en temps de paix. Fille de la 2ème Guerre Mondiale, la « Révolution Verte » n’a été rien d’autre que sa continuation. Comme toutes les guerres, de tout temps et par définition, la « Révolution Verte » n’a été dans son résultat, qu’une entreprise d’élimination et de déportation de paysans, pour le contrôle (économique) des terres (2). Rien d’étonnant à ce que son bilan soit celui d’une guerre. « Paysans sans terre », «travailleurs sans toit » ou « Sans Logis » de l’abbé Pierre sont les manifestations « humanitaires » des différentes opérations du « développement » agricole. En Europe, après la « Libération », presque en urgence, les puissants états majors technico-militaires, se métamorphosent en états majors technico-économiques. Les opérations militaires de contrôle des terres se continuent par de grandes manœuvres appelées « Développement Économique ».Les chars de combat se transforment en engins de chantier. Le bocage est pris d’assaut et détruit par une armée de bulldozers. Une esthétique « cubiste » et « minimaliste » s’impose partout dans les campagnes. Les contours des espaces agricoles se simplifient. Ils deviennent « plus épurés » ; L’esthétique romantique des paysages disparaît à tout jamais remplacée par un art abstrait contemporain. Avec les paysages, disparaissent aussi les hommes, le monde rural est anéanti. Le nombre des victimes du « développement » agricole, le nombre des déportés de la PAC et du remembrement, le nombre des paysans disparus dans les opérations dépasse largement celui de la Grande Guerre. La « Révolution Verte » venait compléter l’oeuvre de la « boucherie de 14-18 ».
« Il y a 50 ans un paysan nourrissait 5 personnes, il en nourrit 50 aujourd’hui ! »
Quelle belle démagogie de technocrate pour abrutis ! Le « développement » agricole, mené tambour battant, dans les pays industrialisés comme dans le « Tiers Monde », imposait l’organisation d’un puissant appareil d’éducation et de propagande pour son acceptation…
Seul sur son tracteur, au milieu de son champ le « Jeune Agriculteur » n’est plus vraiment seul. L’accompagne de toute part une foule de fantômes invisibles : les disparus du remembrement, les ouvriers de l’agrochimie des pesticides et des engrais, les ouvriers du machinisme agricole, les ouvriers du pétrole et de l’agroalimentaire…En cinquante ans le processus de production de biens alimentaires s’est notablement complexifié. en s’industrialisant. Les producteurs de biens alimentaires ne sont plus vraiment dans les champs. Ils n’appartiennent plus au « monde rural ». Aujourd’hui invisibles, ils sont en immense majorité enfermés dans les usines et enchaînés à leur poste de travail sur leurs chaînes de productions …
A bien y regarder, en considérant toute la complexité de la filière de production, le conducteur d’engins, « Jeune Agriculteur », ne nourrit plus personne. Cette activité est devenue l’affaire de plus en plus exclusive de l’industrie agroalimentaire. Le « conducteur d’engin pulvérisateur de pesticides », ne fait plus que fournir une matière première à cette nouvelle industrie. « Il y a 50 ans » du centre de n’importe quelle ville, en moins d’une heure de marche, on pouvait s’approvisionner directement à la ferme en produits alimentaires qui étaient tout aussi directement consommables. « Il a 50 ans » un paysan nourrissait effectivement 5 personnes réelles et vivantes. Aujourd’hui le « conducteur pulvérisateur » moderne produit un équivalant thermodynamique qui correspond aux rations caloriques estimées de 50 personnes théoriques. Les millions de paysans disparus aujourd’hui métamorphosés en salariés, s’activant sur les chaînes de fabrication de l’agrochimie, du machinisme agricole et de l’agroalimentaire, sont tout aussi impliqués que le « conducteur pulvérisateur » dans la « production (dite) agricole ». Les biens alimentaires ne sont plus des produits agricoles. Et c’est même le but premier du « développement agricole », qu’ils ne le soient plus du tout. En devenant des produits industriels standardisés, estampillés, empaquetés, sécurisés et impérissables ; les « biens alimentaires » acquièrent leur autonomie économique et peuvent faire leur tour du monde réglementaire, attendre ici où là, dans un port où un entrepôt, une pénurie et des cours favorables pour réapparaître au bon endroit au moment le plus économiquement profitable (3).
Une interprétation de la PAC.
Vue des champs, la Politique Agricole Commune (PAC) est difficilement compréhensible. Comme une girouette dans la tempête, les orientations politiques de l’Europe agricole semblent varier d’un instant à l’autre sans jamais vouloir se stabiliser. Les revirements d’orientation se font avec une extrême violence et de manière imprévisible dans l’incompréhension la plus totale des pauvres laboureurs. Les virages politiques se font à grande vitesse pour repartir aussi vite dans la direction totalement opposée. A peine accoutumée à la nouvelle orientation politique, les agriculteurs découvrent soudain qu’il faut changer de cap de toute urgence pour la direction contraire.
Destruction massive du bocage, mesure agro-environnementale, reconstitution du bocage ; prime à la surproduction, quota de production, sanction à la surproduction ; suppression des jachères, prime aux jachères, jachères industrielles, nouvelle suppression des jachères ; vaches de compétition pour la production laitière, quota laitiers, « solution finale » pour les vaches de compétition ; agriculture pour « l’autonomie alimentaire » de l’Europe, agriculture « plus réactive aux exigences du marché » ; agriculture alimentaire pour les hommes, agriculture pour les « marchés à l’exportation » ; et pour finir, avec les biocarburants, vers une agriculture totalement non alimentaire.
En un demi siècle, l’état major « hors sol » de l’Europe agricole semble n’avoir jamais eu la possibilité ou la capacité de maintenir une direction claire à la PAC.
Mais de l’extérieur, avec un peu de recul dans le temps et dans l’espace, pour avoir une vue d’ensemble de cette politique agricole menée tambour battant, on peut tenter une interprétation à partir du bilan humain des opérations. La PAC n’a été rien d’autre qu’une « chasse à l’homme » pour le contrôle et la concentration des terres. Une « chasse à l’homme » pour la transformation économique des activités agricoles et leur intégration dans le complexe agro-industriel.
Contrairement aux « pays pauvres » où la « chasse à l’homme » du « développement agricole » apparaît dans toute sa brutalité, dans l’Europe des « pays industrialisés », les « subventions » et « mesures compensatoires » confiées et gérées par la puissante fédération syndicale agricole ont quelque peu brouillé les cartes et obscurci la lisibilité des opérations. « Purge massive » des populations rurales et « réquisition » des terres, mise en fuite des paysans et concentration des exploitations, transformation économique et adaptation aux marchés des activités agricoles…
A chaque étape, à chaque orientation, les objectifs fixés paraissaient accessibles pour un nombre suffisant d’agriculteurs, sans l’être bien sûr pour l’ensemble. Un certain pourcentage de pertes était « inévitable ». Le « développement » considéré « vital » pour l’espèce humaine faisait, à chaque étape, accepter les sacrifices. En « surfant » sur le narcissisme des gagnants et en confiant la baguette de chef d’orchestre à la puissante fédération syndicale, l’état major « hors sol » de la PAC organisait un impitoyable jeu des « chaises musicales » pour la purge des campagnes. A chaque étape les perdants disparaissaient du monde agricole et n’avaient plus droit de cité. Entre gagnants le challenge devenait de plus en plus grisant. Le puissant syndicat agricole renforçait, à chaque étape, son autorité sur ses adhérents. Les modes de pensée, dans le monde agricole, devenaient plus homogènes. Les lois de l’économie s’imposaient, dans les esprits, avec toujours plus d’acuité. Performance, optimisation, efficacité, productivité, investissement, financement, cours mondiaux, « réactivité des marchés », crédit, rendement, quintal à l’hectare, « frilosité des marchés » ; le vocabulaire du « Jeune Agriculteur » s’intellectualisait au rythme de sa précarisation économique.
Au fils des années, le jeu des « chaises musicales » renouvelait sans cesse ses épreuves éliminatoires.
Voici le « dernier carré » du Waterloo agricole ou plutôt la « garde prétorienne » complètement acquis à la pensée économique : les « Jeunes Agriculteurs ».
En un demi siècle la population agricole en France est passée de plus de 20% à moins de 2% et la « chasse à l’homme » continue. Partageant les mêmes préoccupations idéologiques que les multinationales, les « Jeunes Agriculteurs » se rendront à l’évidence : « l’exploitation familiale n’est plus viable (économiquement) … ». Les plus faibles économiquement finiront, à leur tour, comme employés salariés sur « leurs terres » du complexe agro-industriel, nouveau propriétaire.
Le gouffre énergétique de la « Révolution verte ».
On sait depuis longtemps que cette production agricole industrialisée, n’a vraiment rien de miraculeux. Le bilan thermodynamique, énergie consommée pour énergie produite, est exemplairement désastreux. La loi du rendement décroissant opère impitoyablement. Produire une calorie alimentaire en Europe ou au Etats-Unis consomme 10 fois plus d’énergie qu’en Afrique. La « Révolution Verte » n’est pas seulement une catastrophe écologique par ses déprédations sur le monde vivant ; elle l’est aussi en tant que « gouffre » énergétique sans fond (4). Car en plus, ces calories alimentaires primaires, une fois produites, sont en l’état, encore totalement inutilisables. Il faut encore brûler du pétrole pour les acheminer vers les usines, encore et toujours brûler de l’énergie pour les rendre comestibles, encore et toujours brûler des énergies pour les conditionner, encore et toujours brûler du pétrole pour les acheminer aux supermarchés et encore brûler du pétrole pour se les procurer. Mais le gouffre énergétique, évident sur le plan thermodynamique, répond encore une fois, à une nécessité économique du capitalisme. Plus la distance entre la production et la consommation est grande, plus il y aura de la place pour y engouffrer des industries de toute nature, transport de « gros », transformations, conditionnement, emballage, transport de « détail », distribution. Et bien sûr, toute cette marmaille commerciale, industrielle et financière, rivalise d’ingéniosité économique pour accroître la dimension du « Trou Noir » et s’assurer une « place au soleil »…
Biocarburants pour perpétuer la production d’une « énergie renouvelable »
Au terme de sa vie, soudain, une étoile se met à briller intensément. Son éclat dans le ciel devient visible même en plein jour. C’est une supernova. Elle vient d’épuiser l’essentiel de son « carburant ». Son évolution ultérieure, par effondrement gravitationnel se fait vers des corps célestes aux propriétés physiques inimaginables : étoile à neutron, ou parfois même vers une « singularité mathématique de l’espace temps » encore plus impensable : un « trou noir ». L’éclat de l’étoile disparaît à tout jamais du firmament.
Il se pourrait bien, qu’une évolution de ce type, concerne aussi l’agriculture industrielle. Fondée sur une consommation massive et inconsidérée d’énergie, arrivée aujourd’hui au sommet de sa gloire, brillant de toute sa puissance elle éclipse et anéantit tout ce qui l’entoure. Peut-être bien que cette agriculture vient aussi d’atteindre le terme de sa vie.
Mais les lois de l’économie sont de nature indéniablement supérieure aux lois de la physique des corps célestes. Avec une énergie insoupçonnée, les penseurs du commerce international réussissent à réactiver le corps agricole. Avec les biocarburants, ils relancent la combustion interne du système, réactivent brillamment les moteurs à explosion et évitent l’effondrement du complexe agro-industriel. Réanimé in extremis par la clairvoyance des économistes l’industrie agricole peut continuer à briller au firmament du « Développement ».
Si les choses sont claires et limpides pour les surdoués de l’économie, le commun des mortels et même quelques scientifiques sous doués en cette matière essayent de comprendre…
Brûler des pétro-calories pour produire des calories alimentaires reste encore compréhensible à l’humble laboureur. Brûler de l’énergie sous une forme pour en produire sous une autre forme plus facilement utilisable, brûler des hydrocarbures pour produire de l’électricité reste encore accessible à l’entendement des personnes avec un niveau d’instruction élémentaire. La « valeur d’usage » de la nouvelle énergie produite justifie le coût de l’opération. Mais brûler un carburant pour produire le même carburant, comment poser l’équation chimique ? Dans quel sens diriger la flèche de la réaction ? Comment faire le bilan thermodynamique de l’opération ? Les lois de l’économie semblent encore plus impénétrables que les voies du seigneur !
Mais peu importe les analyses scientifico-technique et technico-économique (5), la finalité de ce virage aux « biocarburants » est politique. Elle est encore plus obscure et noire que la physique des corps célestes. Le développement des biocarburants représente une nouvelle étape majeure dans l’industrialisation de l’agriculture. Les terres, toutes les terres deviennent soudain à vocation industrielle. Au niveau planétaire les prémices d’une nouvelle « chasse à l’homme » pour leur contrôle sont déjà bien avancées. C’est par ce biais que les « biocarburants » se positionnent pour devenir producteur d’une quantité immense « d’énergie renouvelable », avec en plus une « valeur d’usage » particulièrement intéressante sur le plan économique : le « travailleur esclave ». Le virage récent de l’agriculture aux biocarburants vise à amplifier par la famine, ce statut économique, en améliorant sa productivité. De « l’Or Noir Originel », les esclaves extraits en masse de l’Afrique, aux origines du « Développement », pour les monocultures intensives de l’agriculture du « Nouveau Monde », au « travailleur esclave » produit aujourd’hui par le simple jeu des lois de l’économie, de l’industrialisation de l’agriculture et des pénuries alimentaires artificielles; la « Science Économique » affirme sa toute puissance et sa maîtrise en matière de transferts et de transformation d’énergie…
Les dieux ont toujours soif, n’en ont jamais assez…
Les biocarburants viennent clore l’épopée tragique de la « Guerre du Feu » entre les hommes et les dieux. Les premiers épisodes de cette longue histoire peuvent se lire dans le Prométhée Enchaîné d’Eschyle. Prenant en pitié l’humanité, Prométhée commet un acte sacrilège. Au profit des « éphémères » (6) il vole, le « feu flamboyant » (6), apanage exclusif des dieux. Avec le feu, les mortels apprendront « des arts sans nombre » (6). Le crime, aux yeux des dieux, ne lui sera pas pardonné : « pour avoir pris les mortels en pitié, je me suis vu refuser la pitié » (6)…
Les siècles ont passé, de nouvelles divinités ont pris le contrôle des cieux, un nouveau Panthéon préside aux destinées du Monde. Sur terre, les « races d’hommes » se sont aussi succédées toujours plus disciplinées obéissantes et travailleuses. Avec le temps le contentieux semblait avoir été oublié. Mais, avec les « biocarburants » le conflit resurgit brutalement. Le « feu » de la vengeance couvait encore, transmis de génération en génération, jusque dans le nouveau Panthéon.
Avec l’agriculture les hommes produisaient leur blé et avec le feu ils cuisaient leur pain. Pendant des siècles les humbles « éphémères » se sont contentés de cette connaissance sommaire. Mais le développement des « sciences de la vie » est venu trahir l’humanité, en révélant la présence d’énergie au sein même de la graine de blé. En possession de cette nouvelle connaissance les dieux tenaient l’instrument de leur vengeance. Elle sera terrible et cruelle.
Terrible ! Les hommes par leur labeur produiront leur malheur. Ils continueront à cultiver du blé, mais ce ne sera plus pour leur « pain quotidien » mais pour le brûler, alimenter l’insatiable désir de puissance des dieux.
Cruelle ! Car l’élu des dieux pour mener la croisade contre le genre humain, n’est autre que le « démocratiquement élu des travailleurs » Luiz Inácio Lula da Silva. Après des siècles et des siècles de despotisme esclavagiste au service de l’Europe, puis d’une succession de juntes militaires ininterrompues, toutes plus sanguinaires les unes que les autres, au service des Etats-Unis, la « lueur d’espoir » de son accession au pouvoir, se métamorphose brutalement pour perpétuer l’asservissement du sous-continent brésilien aux lois du Commerce International (7).
Élimination des espèces nuisibles au « développement », L’Amérique du Nord
Le « développement » agricole et économique des États-Unis est l’une des pages les plus sombres de l’histoire humaine des temps modernes et l’une des plus abominables de l’écologie de tous les temps. L’arrivée et l’installation des européens sur le « Nouveau » continent constituent, au vu de la brutalité de ses déprédations, un véritable cataclysme écologique, déforestation massive de la façade atlantique, épuisement et érosion accélérée des terres exploitées dans les plantations esclavagistes. Voici l’année 1865, la « Raison Humaniste » du « Siècle des Lumières » semble enfin « éclairer » le « Nouveau » continent : fin de la « Guerre de Sécession » « abolition de l’esclavage » et unification des États-Unis en une grande « Nation Civilisatrice ». Les « Droits de l’Homme » triomphent enfin de la « barbarie esclavagiste ». Malheureusement il ne s’agit là que d’un aspect éthéré de la réalité, le désastre écologique et humanitaire ne faisait que commencer. Un autre affrontement plus sournois, une « guerre larvée d’éradication », débutée sans date précise au siècle précédent, continue et s’intensifie sur les territoires plus à l’ouest de l’Amérique. Entre les Appalaches et les Montagnes Rocheuses, une vaste zone de plaines à perte de vue, c’était le territoire incontesté depuis des millénaires du bison d’Amérique (Bison bison). Sans véritable prédateur naturel, sauf quelques tribus éparses d’indiens, cette espèce migratrice évoluait en d’immenses troupeaux et en toute liberté entre le Canada et le Mexique. « Un des spectacles les plus impressionnants du monde vivant » : les effectifs de ce ruminant étaient estimés aux environs de 70 millions.
La « Conquête de l’Ouest » va bouleverser radicalement l’équilibre de tout l’écosystème de l’Amérique du nord. C’est le commencement de l’élimination des espèces « nuisibles au développement ». Pour occuper les vastes plaines il faut mettre en fuite les tribus d’indiens. Pour implanter l’agriculture nourricière sur ces terres fertiles il faut affamer les indiens. L’un des épisodes les plus abominables de cette « Conquête de l’Ouest » est associé au nom de Buffalo Bill. Le massacre planifié de 70 millions de bisons a constitué l’une des pièces maîtresses de la stratégie de guerre contre les indiens. Mis en fuite par le feu et décimés par la famine, le sort des indiens d’Amérique est scellé rapidement malgré l’éclairage des « Lumières » et le triomphe des « Droits de l’Homme ». L’histoire de ce cataclysme écologique associé à l’installation des européens en Amérique peut se lire dans « Avant que Nature Meure » (8).
Mais le « développement » (agricole et économique) des États-Unis ne s’arrête pas à l’élimination des « espèces nuisibles ». Il continue encore sur sa lancée avec la même brutalité.
Une conjonction d’éléments économiques et écologiques va permettre au « Développement » de prendre un nouvel élan. C’est l’élimination des « petits cultivateurs » qui avaient pris la place des indiens et des bisons. La récession économique de la fin des années 1920 et l’érosion accélérée des terres, le « Dust Bowl » va donner l’occasion d’un nouveau « développement », l’expulsion et la déportation massive des « petits cultivateurs » pour une concentration plus marquée du contrôle des terres. L’histoire de ce nouvel épisode du « développement » (agricole et économique) peut se lire dans « Les Raisins de la Colère » (9)…
Et le « développement » continue sur sa lancée, par inertie des lois économiques. Les déportations et la concentration de la propriété de la terre s’intensifient. « De 1940 à 1960, 22 millions de personnes [aux États-Unis] on quitté la campagne pour la ville. Une des migrations les plus importantes des Temps Modernes. » (10)
Et le « développement » avance toujours en passant par des phases d’accélération, de spoliation et de concentration des richesses. « … la spéculation foncière continue à être ce qu’elle était au temps de Georges Washington [1732-1799] : l’une des escroqueries les plus avantageuses aux États-Unis… » « On a volé à nos citoyens américains leur terre, tout aussi abominablement que dans n’importe quelle république bananière. On leur a volé à leur propre frais et ils payent le prix de cette spoliation tous les jours et de mille manières : en achetant leur nourriture, en payant leur loyer, en acquérant une maison, en payant leur impôt… » (11)
Le dernier épisode de cette « chasse à l’homme » permanente du « développement » est connu de tous. C’est l’affaire des « subprimes » où les victimes ont eu à peine le temps de s’installer dans « leurs maison » qu’ils en étaient déjà expulsés…
Aux origines du « Développement », l’Amérique du Sud
Sur la route des épices, l’Or et l’Argent ont jailli miraculeusement. La découverte du « Nouveau Continent », regorgeant de métaux précieux, a immédiatement été perçue par les conquérants, comme une véritable offrande du « Seigneur Tout Puissant ». Dans son « immense bonté » le Dieu omniscient de la chrétienté avait su disposer en un même lieu, les richesses tant convoitées et la « main d’œuvre » pour les exploiter. L’arrivée massive et inespérée de ces cargaisons de métaux précieux libère l’Europe de l’ornière du Moyen Age dans lequel elle croupissait depuis quelques siècles. C’est le temps de la « Renaissance », l’Europe quitte l’obscurantisme et la scolastique, les bûchers et les gibets. Les sciences du ciel et de la terre se fondent sur de nouveaux paradigmes. L’Europe change d’époque, elle entre dans la « Modernité ». Détachée de tous ses liens de féodalité, elle atteint sa « vitesse de libération » et se propulse au firmament du « Développement ».
Les civilisations extra-européennes « s’étiolent » et deviennent « précolombiennes ». Elles relèveront quelques siècles plus tard, du « développement » des sciences humaines : anthropologie, ethnologie, archéologie…
Le véritable prix de cet afflux miraculeux de métaux précieux, le véritable coût de cette propulsion de l’Europe dans le « Développement » n’apparaît dans aucun livre de comptabilité de l’époque. Ils se chiffrent en millions de morts et en milliards d’années-vie de souffrance inimaginable. Un massacre, une hécatombe, une « extermination par le travail » (12).
L’Amérique du sud devient « Amérique Latine » et se consacre à l’extraction de ses richesses jusqu’à épuisement des mines et décimation des populations.
Très vite à la suite de cette pénurie de main d’œuvre, l’Afrique se consacrera à l’extraction et à l’exportation de son « Or Noir Renouvelable ». Sa production sera à l’origine de l’effondrement des populations amérindiennes. Puis, le développement des monocultures intensives de la canne à sucre et autres « matières premières » agricoles en Amérique, lui conservera cette fonction économique d’extraction, production d’esclaves jusqu’à la fin du 19e siècle. Sans faiblir, elle renouvellera, la main d’œuvre nécessaire au « Développement économique » et à « La Richesse des Nations ».
Sur plusieurs siècles, l’Europe des « Nations Civilisatrices » a planifié à son profit les différents flux de marchandises et « d’Or Noir Renouvelable » sur ce « Marché Triangulaire » de l’Atlantique.
L’Histoire de ce « nouveau commerce mondialisé », de ce nouvel « ordre économique » peut se lire dans « Les veines ouvertes de l’Amérique Latine » (13)
Si les atrocités et les cruautés imposées aux peuples d’Afrique et d’Amérique sont inimaginables, le sort des populations d’Europe n’en est pas plus enviable. L’époque que l’on appelle « Renaissance » est celle de la naissance du capitalisme. La Terre entière est mise à feu et à sang. En langage économique, elle est « mise au travail ». L’afflux massif des métaux précieux ne profite pas aux « pauvres laboureurs ». Il ne sera bénéfique qu’au « Développement » (économique), à la concentration des terres et des richesses. Et, il permettra, par étapes successives l’extirpation des paysans de leur espace de vie et leur « déportation massive » vers leurs nouveaux camps de travail…
Les Biocarburants révèlent en temps réel la vraie nature du « Développement ».
La « Révolution Verte » avait promis de « nourrir la Planète » et, en son temps, il était difficile de savoir que tel n’était pas son but réel. Les « biocarburants » prétendent « thermostater la Planète », mais cette fois-ci, tout le monde sait d’emblée que cela n’est pas vrai…
Inutile d’avoir une intelligence claire et critique du concept de « Développement » pour comprendre qu’avec cette nouvelle orientation de l’agriculture en faveur des biocarburants, « il y a quelque chose qui cloche »…
De respectables personnalités de renommée internationale, d’honnêtes journalistes, des naturalistes et des écologistes, ainsi que des ONG-NM (ONG Non liées aux Multinationales) ont immédiatement perçu les risques humanitaire, sanitaire et écologique de cette orientation économique (14, 15, 16). Et même des scientifiques, d’habitude si optimistes pour les grandes aventures technologiques, s’interrogent sur l’intérêt écologique des biocarburants (17)…
Justification économique et technique de l’abandon des jachères, îlots résiduels de biodiversité en Europe, justification économique de la déforestation, justification technique de l’utilisation massive des pesticides, source connue d’effondrement de la biodiversité, justification des pénuries alimentaires, de la famine et du détournement de la ressource en eau, remise en selle des biotechnologies et des OGM ; sont quelques-uns des « aspects » du « Développement » des biocarburants (18)…
Mais, sur le plan du « Développement » économique, avec les biocarburants l’agriculture rattrape « brillamment » et de manière « inespérée » son retard, en devenant à plein temps une activité nuisible à 100%. Cette nuisance à la fois humaine et sur l’ensemble du monde vivant apparaît bel et bien, comme une nécessité économique liée au « Développement » industriel. Tout comme l’a été en son temps la « Révolution Verte ». En détournant les ressources alimentaires et en eau pour la production de carburants, elle accroît les contraintes sur les communautés humaines. Et, ce faisant, elle perpétue, perfectionne et généralise la productivité du statut de « travailleur-esclave ».
Avec les biocarburants, l’agriculture rattrape et peut-être même, dépasse, en termes de nuisance, des secteurs industriels comme l’automobile et le BTP pour venir se positionner en « première division » aux côtés des hautes technologies et des industries de l’armement.
Quel chemin parcouru en si peu de temps ! Secteur traditionnellement considéré « à la traîne », l’agriculture, par sa nouvelle orientation économique, se propulse à « l’avant-garde » du monde industriel. Mais, par ses conséquences humaines et écologiques, d’emblée évidentes, pénuries alimentaires et menaces accrues sur la biodiversité, elle révèle la véritable nature du « Développement » :
– perfectionnement de la « Chasse à l’homme » pour le contrôle des terres,
– perfectionnement de la « Chasse à l’homme » pour la concentration des richesses,
– perfectionnement de la « Chasse à l’homme » pour la « massification des peuples » et la généralisation du « statut économique » de « travailleur esclave ».
Tours, Février 2008 – Jean-Marc Sérékian
Notes
(1) Il est intéressant de noter qu’au «Grenelle de l’environnement », l’une des préoccupations majeures du « syndicat agricole majoritaire », la FNSEA, a été de sauver l’utilisation (massive) des pesticides. Le « Jeune Agriculteur » n’est plus en mesure de se concevoir autrement que comme un « conducteur d’engin pulvérisateur de pesticides » ; c’est son métier…
(2) Giono est un romancier bien connu des français par certains de ses romans sur sa Provence natale… C’était aussi un pacifiste qui a pris, courageusement et à contre courant, position contre la 2ème guerre mondiale, car la « mobilisation » pouvait paraître « juste » du point de vue de l’état français, agressé par le nazisme. Dans ses écrits pacifistes : Refus d’Obéissance, Lettre aux Paysans sur la Pauvreté et la Paix, Précisions ; il développe sa conception du monde et détaille les forces en présence ainsi que les motifs véritables de la guerre. Quels qu’en soient ses motifs affichés et les forces en présence, la guerre est toujours une guerre contre les paysans. Le paysan est toujours le grand perdant et le capitalisme toujours le grand gagnant de la guerre. « Le capitalisme a besoin de la guerre pour vivre ». « L’homme est un paysan… L’ouvrier des villes est un paysan qui a tout perdu… Et le capitaliste n’est pas un homme ». Giono développe aussi sa conception de l’agriculture et prédit le désastre humanitaire de son passage sous le contrôle de l’économie, « sa domination par l’argent » et les marchés …
(3) Il est intéressant de noter que les préoccupations ancestrales de mise en réserve et de conservation des aliments, pour assurer le continuité de l’approvisionnement alimentaire peuvent être totalement transformées en leur contraire : rétention des réserves, organisation de famines artificielles pour la spéculation commerciale. Le développement des sciences et techniques de la conservation des aliments intéresse donc au plus haut point les industriels et les spéculateurs…
(4) De nombreux auteurs d’horizons et de parcours différents se sont exprimés sur le caractère scandaleux de la consommation d’énergie de l’agriculture industrielle.
Joël de Rosnay « Le Macroscope » Ed. Seuil 1975 « … un des résultats les plus inquiétants est que l’on arrive peu à peu aux limites du rendement agricole théorique, ce qui constitue une excellente illustration de la loi du rendement décroissant. […] Une telle évolution doit être comparée avec celle des pays pauvres des cultures dites « primitives », dans lesquels pour une calorie investie ont obtient 5 à 6 calories alimentaires. Alors que dans nos pays développés, il faut 5 à 10 calories de combustible fossile pour obtenir une calorie de nourriture ».
Théodore Roszack « L’Homme-Planète » Ed. Stock 1980 … Là où la « grande agriculture » s’empare de la terre, on se trouve en présence de la façon la plus coûteuse de la cultiver, la plus ruineuse du point de vue écologique […] On a calculé que pour produire une calorie de nourriture les américains dépensent 10 à 12 pétrocalories. En Chine (année 1970 – 1980) où survivent des méthodes plus traditionnelles l’investissement correspondant est de 2 pétrocalories.
René Dumont résume en s’écriant dans « L’Afrique Noire est mal partie » Ed. Seuil 1962, « Partout l’utilisation du tracteur s’est avéré anti-économique »… « Il permit de produire l’arachide beaucoup plus cher qu’avec la daba (houe) mue à bras »
(5) Les « promesses écologiques » des biocarburants de 1ère génération comme les « promesses de campagnes » des hommes politiques ne seront pas tenues. Alors d’emblée, pour imposer la filière « biocarburants », on parle de l’avenir, des nouvelles élections ou nouvelles promotions, celle des biocarburants de 2ème et 3ème générations qui elles, sont encore plus « prometteuses ». Mais, bien sûr pour cela il faut « aller dans le bon sens » et les biocarburants de 1ère génération, déjà démasqués comme une « arnaque » (voir note 14 et 18), sont présentés comme « un premier pas dans le bon sens »… En fait la stratégie est d’occuper tous les terrains, occuper les terres agricoles, occuper le terrain politique, saturer l’espace marketing et labourer sans cesse les consciences avec la « Bonne Nouvelle » des « biocarburants »… Mais dans tous les cas 1ère, 2ème, 3ème etc. quelques soient les performances techniques, c’est vers un véritable holocauste de l’ensemble du monde vivant que l’on s’oriente…
(6) Ces mots et groupes de mots entre guillemets sont tirés de : Prométhée Enchaîné, Eschyle tome I Traduction Paul Mazon « Les Belles Lettres » 1941. Ce paragraphe vise en particulier à signaler la place de la Science dans les sociétés humaines. La Science est connaissance et appropriation du monde c’est-à-dire aussi et d’emblée expropriation, extirpation des communautés humaines de leur espace de vie. Les « Sciences de la Vie » ne sont d’aucune utilité pour l’immense majorité de l’humanité qui a survécu sans elles pendant des millénaires. Aujourd’hui elles deviennent, en plus, « Sciences de la Mort » pour la biosphère, en organisant son appropriation et sa commercialisation extensive…
(7) Avec les biocarburants le Brésil reste fidèle à sa « tradition » historique de monocultures intensives, essentiellement destinées à l’exportation. Cette agriculture qui a fait la richesse de l’Europe et de l’Angleterre puis des États-Unis a été aussi extrêmement meurtrière pour des générations d’indiens, d’esclaves et de paysans, ainsi que dévastatrice sur les écosystèmes…
(8) Jean Dorst « Avant que Nature meure » Ed. Delachaux Niestlé 1978 « Le continent Nord Américain se trouvait dans un état presque primitif quand les Européens s’y établirent en nombre au début du 17e siècle. Une population autochtone très clairsemée y vivait en harmonie avec son habitat ». J. Dorst décrit toutes les déprédations sur les écosystèmes et dresse une liste (non exhaustive) des espèces à jamais disparues. Il conclut ainsi ce paragraphe : «L’Amérique du Nord offre sans aucun doute un des exemples les plus tragiques de la destruction du complexe naturel sous l’influence brutale de l’homme dit « civilisé » ».
Le cinéma Américain donne une toute autre version de la « Conquête de l’Ouest ». Les studios Hollywoodiens ont assuré à posteriori, comme pour toute entreprise génocidaire (volontaire ou non), une véritable propagande « négationniste »; en construisant par les films de cow-boys et d’indiens une « Épopée de la Nation Américaine »…
(9) John Steinbeck « Les Raisins de la Colère ». Ce livre est d’une importance historique majeur car il décrit dans le détail la naissance de la « Méga-Machine » aux États-Unis…
(10) Théodore Roszack « L’Homme-Planète » Ed. Stock 1980 « le résultat est que les 2/3 de la propriété campagnarde privée sont maintenant entre les mains de 5% de la population ». « Au États-Unis 70% de la population, aujourd’hui [années 1980] vit sur 2% du sol »
(11) Théodore Roszack « L’Homme-Planète » Ed. Stock 1980 : tout le paragraphe “Qui possède la terre” du chapitre 9 est très instructif. Voici encore une citation sur l’agriculture : « Dans leur grande majorité, les citadins, y compris les plus instruits, on avalé comme du pain bénit la propagande vantant l’efficacité de l’agro-industrie et sont de même prêts à croire que si la population agricole a décliné, c’est parce que ces gens ont tous passionnément désiré jouir de l’excitation et des joies culturelles de la ville… »
(12) Sous-titre du 2ème tome de « L’Archipel du Goulag » de Soljenitsyne. Ouvrage long, mais très intéressant à lire. Où, pour le sujet du « développement » agricole et économique, on y découvre en détail la « Renaissance » et la « naissance du capitalisme » industriel dans la Russie des temps modernes : extraction brutale de la Russie du Moyen Age (Renaissance), changement radical du paradigme économique et politique, mise « à feu et à sang » du monde rural, anéantissement de la paysannerie par le processus dit de « dékoulakisation » pour l’industrialisation et la « collectivisation » forcée des terres. Le même processus de spoliation des terres qui, en Europe, s’était opéré sur une période de plusieurs siècles, apparaît en Russie dans toute sa brutalité, en s’opérant à marche forcée et planifiée, en moins d’un demi-siècle. Le propos de Soljenitsyne n’est bien sûr pas d’interpréter ni de mettre en perspective historique la fonction économique et historique de « l’industrie pénitentiaire ». Il témoigne et fait acte de mémoire collective pour les « générations futures ». Le drame est que l’ordre industriel et économique créé pendant cette période perdure après l’effondrement du « bloc de l’est ». La réalité est que l’Europe entière d’est en ouest et devenue un « camp de travail », les frontières douanières et idéologiques n’ont plus de raison d’être. Le mot d’ordre «anti-bourgeois» du parti bolchevik : « Qui ne travaille pas ne mange pas », qui n’est pas forcément anticapitaliste, peut donc être repris, remis au « goût du jour » et martelé par les représentants politiques du capitalisme : « Travailler plus pour manger (gagner, consommer) plus ». Et, avec ce nouveau mot d’ordre, les travailleuses polonaises enfin « libres » du « bloc de l’est » peuvent aller en Espagne concurrencer pour une « demie-bouchée de pain » les « travailleurs esclaves » marocains qui « rechignent » à ramasser des poivrons pour une « bouchée de pain ». Dans la mondialisation, la terre entière fonctionne comme un vaste « camp de travail » où l’on assiste véritablement, comme le dit A. Soljenitsyne, à « une extermination (de l’ensemble monde vivant) par le travail ».
(13) Eduardo Galeano « Les veines ouvertes de l’Amérique Latine », collection « Terre Humaine » Ed. Plon 1981. Ce livre est une mine d’informations concrètes et précises montrant quel a été le prix humain et écologique du « développement ». Comment l’Europe, l’Angleterre au XIXème siècle puis les États-Unis au XXème siècle ont pu disposer et s’approprier avec des investissements somme toute dérisoires de toutes les « richesses naturelles » de Amérique du sud. Les titres des deux parties du livre sont évocateurs des désastres humains ayant caractérisé le « Développement » dans cette région du monde : « La richesse de la terre engendre la pauvreté de l’homme », « Le développement est un voyage qui compte plus de naufragés que de navigateurs ».
(14) Courrier International n° 864 du 24-30 mai 2007 titre en couverture son dossier sur ce sujet : « Biocarburants, l’arnaque », « pourquoi l’éthanol n’est pas écolo ». Les titres des articles sont sans ambiguïté : « Une menace pour la sécurité alimentaire ». « Premières victimes : les coupeurs de cannes ». « Un calcul écologique très illusoire ». « La palme de l’horreur » (pour l’Indonésie). Le dernier est par contre très ambigu : « L’éthanol cellulosique, prix de l’espoir » ; espoir pour qui ? Certainement pas pour le monde vivant…
(15) La Vie n° 3243 du 5 octobre 2007 donne la parole à Jean Ziegler (rapporteur des Nations Unies pour le droit à l’alimentation) « les biocarburants mènent à la famine »…
(16) La LPO dans l’Oiseau Magazine n° 89 commence à se « mordre les doigts » et s’aperçoit, mais trop tard, que les associations naturalistes se sont fait « rouler dans la farine » en participant au « Grenelle de l’environnement ». L’abandon des jachères, imposé par « l’état major » de l’Europe* au profit des biocarburants, en supprimant les derniers îlots de reproduction pour certaines espèces menacées d’extinction, représente l’un des coups les plus durs portés à la « biodiversité » depuis l’utilisation massive des pesticides.
(*) Le Monde 23 janvier 2008 « Malgré la polémique, l’objectif de 10% d’agrocarburants est maintenu » (par la commission européenne).
(17) Le Monde samedi 2 février 2008, Hervé Kempf « Les scientifiques s’interrogent sur l’intérêt écologique des agrocarburants ». Enfin des scientifiques qui acceptent de sortir de leur obscurantisme professionnel pour dire ce que tout le monde sait déjà depuis longtemps !
(18) Le Monde Diplomatique Juin 2007 « Les cinq mythes de la transition vers les agrocarburants ».
Dans cet article, Eric Holtz-Giménez « démonte » point par point tout l’argumentaire « écolo » des chevaliers de l’industrie des biocarburants. Avec les biocarburants et l’ensemble des énergies (dites) renouvelables le capitalisme est entré dans une stratégie de survie et doit faire croire qu’il s’agit de la survie de l’humanité. «… Les financements privés inondent les institutions publiques de recherche, comme l’atteste le demi-milliard de dollars de subventions accordé par BP (ex-British Petroleum) à l’université de Californie. Les grands groupes pétroliers, céréaliers, automobiles et d’ingénierie génétique passent de puissants accords de partenariat : Archer Daniels Midland Company (ADM) et Monsanto, Chevron et Volkswagen, BP, DuPont et Toyota. Ces multinationales cherchent à concentrer leurs activités de recherche, de production, de transformation et de distribution relatives à nos systèmes alimentaires et d’approvisionnement en carburants… »
mon article sur les agrocarburants est bien aussi, en plus il est moins long !
Mon article est long parce qu’il ne traite pas seulement des biocarburants. C’est avant tout un article critique sur le « développement » économique, il concerne un période historique de cinq siècles l’ensemble des « Temps Modernes ». C’est celle de développement du capitalismes. Les biocarburants en révèlent la signification politique, fondamentalement militariste : perfectionnement de la chasse à l’homme…
Je prépare un autre article sur le sujet du « développement » et des biocaburants. Le titre est énigmatique « Les biocarburants de énième génération », il reprend et développe l’idée de Ivan Illich » la course à l’énergie mène à l’holocauste » années 1970…
Pour ce qui est de traiter strictement et de démystifier le sujet des biocarburant l’article du Monde Diplomatique (note 18 de l’article) est bien aussi.
jms
excusez la méprise, je le trouve très bien, je l’ai partagé.
Toute la « Course au Productivisme » est une catastrophe pour la Planète! Pourquoi produit-on + ?Pour gagner + ,bien évidemment!Pourquoi vouloir imposer la nourriture livrée aux « pays émergents » par la FAO?Pour donner aux nations occidentales bonne conscience!Hélas!Nos producteurs travail lent à perte…!Décidément,rien ne va plus,et c’est tant mieux:il faudra en re venir à des concepts moins triomphants,voilà tout!Pour nourrir les humains de toute la Planète,les paysans doivent renaître et produire en parfaite inte lligence avec la NATURE;pour et exclusivement pour les autochtones,en autosuffisance,autant qu’à faire…!Il faut sauver l’Eau,les Forêts et les Abeil les!Savez-vous que les producteurs d’oranges californiens « importent » les abeilles des régions Nord des E-U?Qui veut crier au fou?