Une catastrophe parmi tant d’autres catastrophes

La glorieuse histoire des États-Unis, vue sous l’angle de l’écologie avec pour fil conducteur l’énergie … (5e partie)

Guerre industrielle et industrie de la Guerre
L’invention de la guerre perpétuelle

Pour le 21e siècle, la toute puissante administration américaine a su situer en Afghanistan le lieu très précis du croisement des « axes du bien et du mal ». L’épicentre politique du capitalisme semble se trouver dans ce pays. Cette zone sismique très inhospitalière se trouve précisément située au beau milieu des grandes réserves pétrolières conventionnelles prouvées, entre celles de l’Asie Mineure et celles du Proche Orient.

C’est certainement l’endroit où il faut être quand on est la première puissance économique et le gendarme du monde… En ce lieu encore peuplé de « tribus arriérées » aux « mœurs barbares », la guerre est totale contre « l’Axe du Mal ». Les impératifs géostratégiques absolus censurent encore une fois très efficacement les catastrophes humanitaires et écologiques des bombardements massifs de toute nature. La machinerie industrielle de « la Nation Américaine » s’est massivement concentrée pour anéantir définitivement « l’Axe du Mal »…

Au 19e siècle la ligne de front entre la « civilisation » et la « barbarie » se situait en Amérique et plus précisément, le lieu de croisement des deux « axes » se trouvait sur le territoire même de la future première puissance mondiale, les États-Unis d’Amérique.

Pax, Pax, Pax…

Lorsque l’on prend l’énergie pour fil conducteur de l’histoire on peut identifier trois grandes mondialisations du capitalisme.

L’énergie éolienne et la Caravelle, mondialisation du capitalisme commercial ou mondialisation commerciale du capitalisme, Pax Iberica.

Charbon et machine à vapeur, 1er mondialisation du capitalisme industriel, Pax Britannica.

Pétrole et électricité, maîtrise diverse des énergies et prolifération de multiples types de moteurs thermiques et électriques, 2ème mondialisation du capitalisme industriel, marchandisation et monétarisation totale du monde, Pax Americana.

Dès les Origines du capitalisme, puissance de feu militaire et énergie civile, industrie civile et militaire, commerce et guerre sont intimement mêlés et totalement interdépendants. Le bateau à voile du commerce mondialisé est, à l’origine, aussi un bateau de guerre…

Les Portugais et les Espagnols, puis les Hollandais dans leurs entreprises « civilisatrices » à la recherche de l’Or et des épices, ont mené des guerres tout ce qu’il y a de plus « traditionnelles ». Dans leurs pratiques militaires, la cruauté et la brutalité, encore à « dimension humaine » apparaissaient spontanément au premier plan.

Les Portugais ont ouvert la voie maritime des Indes (orientales), leur immense Empire d’Extrême Orient très rapidement construit par la force brutale et pour le pillage a été aussi, faute de personnel, très éphémère.

Les Hollandais tout aussi cruels envers les peuples indigènes mais mieux organisés dans les affaires ont supplanté les Portugais sur leurs comptoirs. Puis les Anglais sont arrivés…

Lorsque les navigateurs Portugais arrivent aux Indes ils découvrent presque innocemment l’immense puissance militaire de leur invincible armada, leur supériorité est totale. Leur maîtrise avancée pour l’époque des diverses énergies, éolienne et militaire, surpasse largement celle des marchands et marins arabes ou indiens.

C’étaient les débuts des Temps Modernes. La description des « abus » militaires et économiques, permis par les diverses maîtrises des énergies, pour conquérir le marché des épices et en assurer le monopole, ne font pas partie des livres courants de l’Histoire Universelle. Les massacres et exactions incompréhensibles perpétrés sur les populations indigènes ne sont bien connus que des érudits d’histoire ancienne.

La brutalité et la cruauté sans nom des « illustres argonautes » de cette époque Dom Vasco de Gama  et Albuquerque ont durablement embarrassé les historiens. Comment les comprendre ? Comment les expliquer et même comment les justifier ? Puisque ces grands navigateurs étaient aussi l’élite intellectuelle et scientifique de l’époque, maîtrisant la géographie, l’astronomie, l’art et les instruments de la navigation…

Aujourd’hui ces cruautés et ces brutalités inqualifiables aiguillonnées par une cupidité des plus sordides restent les ingrédients toujours nécessaires à la bonne marche des affaires. Cependant elles sont méthodiquement sous-traitées auprès des tyrans et des dictateurs aux couleurs locales.

Les services secrets avec des mercenaires internationaux se chargent des basses besognes, de recruter et d’armer sur place leurs groupes paramilitaires. Dans les politiques étrangères officielles, ce secteur d’activité entre dans le cadre de « l’aide au développement »…

Moins d’un siècle après l’arrivée de Vasco de Gama en Inde (1498) il ne restait plus grand-chose de l’immense Empire portugais des Indes créé en un temps record par la force brutale des armes associée à la maîtrise de l’énergie éolienne de la Caravelle, le bâtiment invincible de la nouvelle marine à voile.

Plus doué dans les guerres de conquête et mauvais gestionnaire, le petit pays de la péninsule ibérique met le cap sur l’Amérique Latine où le Brésil attend ses Conquistadors. L’Eldorado est là-bas et a été généreusement attribué par le Pape en personne à la « Couronne Portugaise »…

De l’autre coté de la Terre, la Compagnie Néerlandaise des Indes Orientales reprenait le flambeau des affaires commerciales et militaires, avec la même cruauté traditionnelle sur les peuples indigènes.

Le raffinement de la guerre et la brutalité des affaires

L’Angleterre a érigé en l’espace d’un siècle l’immense « Empire où le soleil ne se couche jamais ». En Inde et en Extrême Orient, elle a été la seule puissance européenne qui a su pénétrer profondément et aussi durablement dans les terres colonisées…

Au début du 19e siècle, la mondialisation devient industrielle. L’Angleterre domine le monde ou plutôt sa quincaillerie de produits manufacturés l’impose au monde. Avec « La Vapeur » et son industrie textile en particulier, elle s’attaque et s’empare de l’Amérique Latine.

« Surfant » sur les mouvements de libération nationaux, « La  Couronne Britannique » supplante sans difficulté celle économiquement sénescente d’Espagne. Cette passation de pouvoir entre « Couronnes » s’opère pour l’Angleterre, avec un budget strictement militaire, somme toute très dérisoire.

Durant tout le 19e siècle, l’Angleterre semblait dominer le monde par la simple « puissance de feu » offerte par la machine à vapeur utilisée dans ses industries. Ses multiples produits manufacturés inondaient le monde et son armée n’intervenait en filet qu’en cas de rare nécessité, pour rétablir les bonnes pratiques dans le strict respect des règles du « libre échange ».

L’Amérique Latine du 19e siècle, devenue sous-continent Britannique, est tourmentée de multiples conflits extrêmement meurtriers, mais l’Angleterre n’intervient qu’en coulisse avec sa diplomatie discrète mais redoutablement efficace. La cruauté et la brutalité perdaient leurs dimensions humaines pour n’être plus que celle discrète de « La Main Invisible ». Le raffinement dans la domination économique et le flegme typiquement britannique de cette époque sont restés célèbres.

Les États-Unis inventent la Guerre perpétuelle

Les États-Unis d’Amérique de leur coté semblent empêtrés depuis deux siècles dans une guerre perpétuelle et volontaire. Mais la guerre est devenue technique et scientifique, elle a changé de dimension pour s’élever et être industrielle. Depuis leur victoire incontestable dans la Guerre des Indiens, il semble que c’est le raison d’être et le « savoir faire » de toute une nation.

Dans la Grand Histoire Universelle (et officielle), célébrée par le cinéma hollywoodien, les États-Unis d’Amérique ont créé un « Nouveau Monde » dans le « Nouveau Monde ». Courageusement, ils ont été « L’Axe vecteur » de la « civilisation » et l’ont fait triompher sur la « barbarie » ou la « sauvagerie ».

Le résultat souhaité de la « Pax Americana » était « Le Rêve Américain », de « l’American way (of life) », « le mode de vie non négociable » « c’est pour cela qu’on s’est battu ! » Puisqu’il s’est mondialisé et imposé au monde « sans difficulté », on a oublié son origine. Cependant, depuis son triomphe dans la Guerre des Indiens, l’Amérique est inexorablement devenue incapable de « ranger ses armes ».

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Une paupérisation extensive de la population, un « Quart Monde » en croissance permanente sur le territoire même des États-Unis d’Amérique, on peine toujours à prodiguer dans ce pays les soins de santé les plus élémentaires, la misère s’étale au grand jour tous les jours et la précarité grimpe de plus en plus haut dans l’échelle sociale ; une marrée noire ingérable sur son propre territoire… Imperturbable malgré le marasme évident et une infinité de problèmes sans solution, ce pays affiche le budget militaire le plus délirant, le plus hallucinant dans la démesure de tous les temps.

Une nation guerrière à part entière par le fait même de ce budget se trouve toujours prête et volontaire pour en découdre avec « l’Axe du Mal »…

Avec une économie de guerre totale et perpétuelle et son gouffre énergétique inhérent, la catastrophe écologique de la « Pax Americana » (avec ou sans catastrophe technologique) fait partie intégrante de « l’Axe du Bien » dans sa lutte contre « l’Axe du Mal ».

La question reste encore de savoir, si cette catastrophe écologique est volontaire ou si elle est seulement un dégât collatéral regrettable et transitoire !

Exsanguino-transfusion de populations

Dans l’évolution historique du militarisme, le capitalisme industriel représente l’utilisation terminale de l’écosystème ; le stade suprême du militarisme. Plus il se développe et plus le monde en est réduit à n’être plus qu’une mine de « matières premières » dans laquelle, pour lui et son triomphe, travaillent les travailleurs.

Cette cruelle réalité du capitalisme a été justement découverte aux États-Unis dans la guerre totale de la Conquête de l’Ouest.

Si les Indiens et les Bisons d’Amérique avaient pu écrire l’histoire de leurs peuples et espèce, de leurs territoires et prairies, ou même s’ils avaient pu simplement rajouter quelques lignes personnelles à l’Histoire Universelle, les choses auraient pu être soupçonnées depuis longtemps…

Pour l’Époque Contemporaine, la Guerre des Indiens représente un nouvelle étape dans le développement du capitalisme. Elle correspond à un flux européen dirigé dans un guerre totale et terminale contre l’écosystème.

Son bilan global est dramatiquement simple, c’est même sa particularité. Au-delà des multiples péripéties et paroxysmes, cette guerre peut être comparée par son déroulement et son résultat à une procédure médicale exceptionnelle : l’exsanguino-transfusion. Cette technique consiste à soutirer le sang malade par saignée et a le remplacer par du sang sain apporté par transfusion. Ici, le sang malade, « incapable de travailler » n’était autre que celui des Indiens.

A la fin de la Guerre séculaire des Indiens, au recensement de 1896, on ne comptait plus que 250.000 Amérindiens sur l’immense territoire des « États-Unis d’Amérique ». Combien étaient-ils à l’origine ?

L’incertitude la plus grande persiste encore aujourd’hui sur l’effectif total des populations autochtones, à l’arrivée des premiers colons européens. Deux à 10 millions, peut-être plus, avec cette fourchette, on n’a même pas un ordre de grandeur… Mais au-delà des chiffes en ordre de grandeur, les peuplements indiens se caractérisaient aussi par leurs diversités insoupçonnées. Dans la guerre, ils ont disparu dans le même temps que les multiples écosystèmes à pleine explorés.

Une population domestiquée de bovidés et d’humains « sains de corps et d’esprit », disciplinée et homogénéisée par une logique économique unique, s’est substituée à une population de bisons sauvages et à la multiplicité des populations autochtones d’Indiens d’Amérique.

Cette Guerre des Indiens, en plein 19e siècle a durablement structuré les particularités de la grande nation de travailleurs soldats avec son « mode de vie » très spécifique.

Après la « Guerre d’Indépendance » (1775 – 1783) durant cette longue période de conquête territoriale, il faut signaler pour son importance technique et industrielle la Guerre de Sécession (1861-1865), une guerre de forme « traditionnelle » pour une unité nationale dans le Grand Dessein de ce pays en construction.

Là aussi il y a eu homogénéisation d’une population dans son comportement dans le feu de la guerre. Les planteurs du Sud se complaisaient encore dans un passé d’ex-colonie agricole de l’Angleterre devenue industrielle. Les Yankee du Nord tournaient farouchement le dos a l’ex-métropole pour s’investir dans l’avenir.

Les planteurs du Sud regardaient à l’Est les Yankee du Nord à l’Ouest. Pour le « Grand Dessein » de la Nation Américaine en construction, la Guerre de Sécession a brutalement mis un terme à ces divergences de vue.

Cette guerre d’unité nationale et de mise au pas de l’Amérique dans le militarisme est restée célèbre pour son efficacité productive en termes de cadavres.

Mais la véritable guerre historique et fondatrice du nouveau capitalisme industriel a été la Guerre des Indiens. Une guerre asymétrique chronique, non déclarée et toujours victorieuse… Avec la Guerre des Indiens, « l’Amérique » se découvre une « Unité Nationale » dans la conquête perpétuelle et invente la guerre systématique du capitaliste du 20e siècle, généralisée à l’ensemble des peuples indigènes.

C’est ainsi que du 21e siècle, on peut analyser la portée historique de cette « guerre de cent ans » menée pendant tout le 19e siècle aux peuples Amérindiens.

« L’Axe du Bien » infatigable toujours en marche

Dans l’Histoire Officielle des États-Unis d’Amérique, le massacre de Wounded Knee le 29 décembre 1890 dans le Dakota du Sud, marque la fin de la Guerre des Indiens. Mais à ce moment précis de l’histoire mondiale, à la fin du 19e siècle les États-Unis d’Amérique sont déjà potentiellement la 1ère puissance mondiale. « L’Axe du Bien » triomphant dans ce pays ne pouvait pas s’arrêter en si bon chemin. Plein d’énergie cinétique, il va alors avoir l’intelligence de se réorienter avec le tournant du siècle et de bifurquer de 90 degrés pour le siècle suivant.

Initialement orienté Est-Ouest pour la 1ère Guerre des Indiens il va prendre une direction Nord-Sud. C’est la 2e Guerre des Indiens pour les Etats-Unis et leur confirmation internationale dans leur mission universelle « d’Axe du Bien » pour tout le 20e siècle. L’Amérique Latine devient le continent « Sous-Américain » des États-Unis. Au sujet de cette 2e guerre également séculaire et totale, devenue plus scientifique et technique, plus politique et économique, plus secrète et diplomatique, plus cruelle et perverse mais encore très régulièrement militaire, Eduardo Galeano l’auteur des « Veines Ouvertes de l’Amérique Latine » a parlé dans les années 1970 d’un équivalent de « trois Hiroshima silencieux tous les ans ». Pax, Pax, Pax, L’Amérique Latine subit sa troisième pacification militaire et industrielle.

Pax, Pax, Pax, Pax., Vers la fin du 20e siècle, « l’Axe du Bien » a repris une direction plein Est. Après sa célèbre et historique percée très technique en Indochinoise il s’est durablement orienté sur le Proche et Moyen Orient, il reste toujours très conquérant et plein d’énergie. Emporté dans son élan pacificateur par la magie du pétrole son énergie pilote, l’Axe du Bien atteint maintenant « l’Axe du Mal » en Afghanistan.

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Un commentaire sur “Une catastrophe parmi tant d’autres catastrophes

  1. joshuadu34

    Ah, ce bon docteur Folamour !!! Un film qui fait parti de ma cinémathèque idéale !!! Bon, ça n’etonnera pas grand monde, je crois, tout comme n’étonnerons pas non plus mes déclarations d’amour (platonique) pour cette série de billets que je lis avec toujours autant de plaisir !

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