Il semble que, à l’occasion du Mondial de l’automobile, les médias aient laissé leur sens critique au garage. Pour ce que l’on a vu et entendu, ils se sont transformés en démarcheurs publicitaires, vantant la reprise du marché automobile, l’exploit de l’industrie chinoise et l’arrivée miraculeuse de l’auto électrique.
Les émissions de gaz à effet de serre ? La marée noire du golfe du Mexique ? L’étalement urbain ? La pollution atmosphérique ? La généralisation des embouteillages ? Le pic pétrolier ? Ces phénomènes n’ont apparemment rien à voir avec l’automobile. Quant à l’idée qu’on pourrait faire un bilan écologique de l’auto électrique, elle ne semble pas avoir traversé l’esprit des automobilophiles, ravis de placer l’adjectif « écolo » derrière le vocable « auto ». Personne pour rappeler que l’électricité ne tombe pas du ciel, mais provient du charbon, du gaz ou du nucléaire. Et que le bilan en émissions de gaz à effet de serre de l’auto électrique n’est pas fameux, si l’on tient compte des émissions générées par la fabrication, comme l’indiquait une note de juillet 2009 de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe). On n’a pas non plus entendu raconter comment Renault a manqué le tournant de la voiture hybride, alors qu’elle avait développé en 1995 le prototype d’un tel véhicule, appelé Next. On a aussi omis de rappeler que la même firme Renault a déjà lancé une Kangoo électrique en 2002, et qu’elle coûtait moins cher qu’aujourd’hui, comme nous l’apprend l’excellent site carfree.fr. On n’a pas davantage lu que l’industrie automobile a perdu en France plus de la moitié de ses effectifs, passant de 321 000 travailleurs en 1980 à 149 000 en 2009, selon les chiffres du Comité des constructeurs français d’automobiles (CCFA).
Comme on ne peut pas penser que la publicité puisse avoir un quelconque effet sur le sens critique des médias, il faut croire que ceux-ci sont, comme une bonne partie de la société, « autoxicomanes », drogués à l’auto : et, comme tout toxicomane, ils s’obstinent à ne pas voir les méfaits évidents de leur vice.
Imaginons le monde à la façon des autoxicomanes. Pour eux, notre situation saturée de véhicules à moteur est normale, voire désirable. Dès lors, tous les habitants de la planète posséderont autant de voitures que les Européens, soit environ 600 autos pour 1 000 habitants. Il y aurait alors 3,9 milliards de voitures sur Terre, contre 1,2 milliard aujourd’hui. J’appelle le CCFA et j’expose ce chiffre. « Imaginez-vous les conséquences écologiques que cela aurait ? » « C’est monstrueux ! », me répond la voix. Monstrueux, on ne saurait mieux dire.
Hervé Kempf
Le Monde du 06.10.10
Ah bon! alors comme ça, ce n’est plus la voiture à hydrogène qui est à la dernière mode? quant au sens critique des médias, en particulier ceux du petit-écran, cela fait bien longtemps que je n’y crois plus. Peut-être que bons nombre de journalistes devraient faire de la formation continue en lisant, en se documentant dans le but de maintenir ce sens critique en éveil?
Toujours autant de bonheur, à la lecture d’Hervé, tout comme à celle de ses bouquins, les indispensables « pour sauvez la planête… » et « comment les riches détruisent la planête » qui, loin de l’imbécilité télévisioportée d’un éconologisme productiviste, mettent en corrélation le comportement systémal avec cette destruction programmée qu’on ne peut que constater !
Merci, donc, Hervé, et merci de citer carfree dans « le monde », ce qui, j’en suis sûr (au vu de leurs réactions hallucinantes dès qu’une condamnation de l’auto est menée ici), ne manquera pas d’en enerver quelques uns et, je l’espère, d’en faire réflechir bien d’autres d’une façon bien plus globale que ce nombrilisme qui caractérise notre société…
Bizarre pas un seul commentaire sur LeMonde.fr (ou bien c’est moi qui cherche mal). Un effet sur les stats de visite de carfree.fr ?
Pas évident à mesurer surtout qu’en ce moment on reçoit un paquet de visites en provenance du Moniteur.fr et de Mediapart.fr sur cet autre article:
http://carfree.fr/index.php/2010/09/01/segonzac-premiere-ville-lente-de-france/
En tout cas, merci quand même à Hervé Kempf !
Ses bouquins: accessibles mais en restant justes.
J’m bcp.
« bons nombre de journalistes devraient faire de la formation continue en lisant »
Certes, mais savent-ils lire autre chose que des articles écrits par d’autres journalistes ignares, ou des articles de désinformation écrits par les constructeurs et les pétroliers ?