Face au réchauffement climatique, les propositions les plus farfelues commencent à émerger dans les milieux du techno-capitalisme. Dernière en date, et propulsée par le staff d’Obama lui-même (Yes We Can!), l’idée de « repeindre en blanc » l’ensemble des routes et des bâtiments de la planète « afin de réfléchir les rayons solaires » et limiter le réchauffement climatique…
C’est toute la différence entre l’ancienne équipe Bush qui niait le réchauffement climatique et la nouvelle équipe Obama qui le reconnaît, mais propose des solutions débiles.
Et ces solutions ne sortent pas de nulle part, mais du techno-capitalisme, dérivatif économico-politique de la techno-science. En l’occurrence, il ne s’agit pas de propositions politiquement neutres, elles sous-tendent un modèle de société, à savoir celui qui nous a conduit au… réchauffement climatique.
Repeindre en blanc la planète? Yes We Can!
Steven Chu, Secrétaire à l’énergie du gouvernement Obama et prix Nobel de physique, suggère en effet de peindre les toitures et les routes de la planète en blanc afin de réfléchir les rayons solaires (1). Une telle mesure serait « équivalente à onze années sans voiture » a-t-il expliqué.
Au départ, c’est l’idée de Hashem Akbari (2), un chercheur au Lawrence Berkeley National Laboratory, en Californie, qui s’est inspiré des villes de la Méditerranée et du nord de l’Afrique. Akbari soutient qu’en changeant le noir omniprésent dans les villes en blanc, une plus grande quantité de rayons solaires seraient renvoyés dans l’atmosphère, ralentissant du coup le réchauffement global.
Chaque 10 m2 de surface noire peinte en blanc produirait le même effet sur l’environnement que de réduire les émissions de dioxyde de carbone d’une tonne.
De là, l’idée de blanchir l’ensemble des routes et des toitures, une solution qui paraît simple et qui a surtout l’immense mérite de ne pas remettre en question notre modèle de société et de ne surtout pas changer nos comportements, quand bien même ces comportements sont à l’origine du réchauffement climatique…
Continuez à consommer, nos savants s’occuperont du reste
Or, Aurélien Boutaud nous rappelle que « les scientifiques considèrent que l’impact d’une société sur l’environnement relève de trois facteurs : la démographie, le niveau « moyen » de consommation ou de production par habitant, et les technologies utilisées. Tout projet politique visant à réduire notre empreinte écologique est donc voué à agir sur un ou plusieurs de ces trois leviers d’action : population, consommation-production et technologie ».(3)
Il faut tout de suite constater que la question démographique est quasi systématiquement laissée de côté par les différents courants de pensée de l’écologie politique. C’est donc essentiellement sur les deux autres facteurs de l’équation que les projets s’affrontent. Et il va sans dire que pour les tenants de la « croissance à tout prix », à qui on a appris que « plus » équivalait à « mieux », il faut croître… c’est-à-dire consommer et produire toujours davantage. C’est d’ailleurs cela qu’ils nomment progrès. Pour faire face aux enjeux écologiques, ne reste à leur disposition que le troisième levier d’action : la technologie.
On comprend pourquoi celle-ci exerce une telle fascination sur les décideurs politiques et économiques, mais aussi sur les médias : la croyance en une technoscience capable de résoudre à elle seule tous nos soucis présente le grand avantage de ne pas remettre en cause les bonnes vieilles recettes productivistes. « Continuez à consommer, nos savants s’occuperont du reste. » »
La géo-ingénierie comme science de la manipulation délibérée du climat
Et face au réchauffement climatique, les solutions provenant de la technoscience relèvent de ce que l’on appelle la « géo-ingénierie »: la manipulation délibérée du climat terrestre pour contrecarrer les effets du réchauffement climatique dû à l’émission de gaz à effet de serre (4).
Et le fameux « coup de peinture sur la planète » est un exemple typique de géo-ingénierie. Ce qui paraît presque amusant dans l’histoire, c’est le parallèle fait avec l’usage de l’automobile. L’idée que repeindre les routes et les toits de la planète en blanc reviendrait à éviter onze années de circulation automobile (en termes d’émissions de Gaz à Effet de Serre).
On se dit quand même que l’opération est somme toute assez massive et probablement risquée pour obtenir au bout du compte l’équivalent de seulement 11 années sans voitures…
Car repeindre en blanc l’ensemble de la planète n’est probablement pas un geste anodin… Faisons un petit calcul pour la France qui possède un réseau routier d’environ 1 million de kilomètres (5), soit pour une largeur moyenne de 7 mètres (2×3,5 mètres), environ 7 millions de km². Et on ne compte pas les autoroutes ou autres 2×2 voies…
Avec un rendement moyen de la peinture de 10m² par litre (estimation optimiste), l’opération nécessiterait pour le seul réseau routier français au moins 700 millions de litres de peinture, mais plus probablement un bon milliard de litres (pour une seule couche!).
On ne fera pas le calcul pour l’ensemble des toitures françaises par manque de données fiables sur le sujet, mais on constate déjà l’ampleur du chantier!
En outre, ces dizaines ou centaines de milliards de litres de peinture pour repeindre la planète nécessitent probablement des proces technologiques importants, des usines pour les produire, de l’énergie et… des émissions de CO2! Sans parler même du transport de tous les pots de peinture… Vous reprendrez bien un petit camion pour la route?
L’histoire ne dit pas si toutes ces émissions grises de CO2 ont été prises en compte dans l’impact global du projet. Et d’ailleurs, est-ce vraiment le problème?
Capitalisme et solutions miracles contre le réchauffement climatique
En tout cas, il s’agit d’une perspective inquiétante selon Pat Mooney (6), président de l’ONG ETC group, qui estime « qu’un travail de peinture planétaire peut paraître anodin, mais ces toitures blanches pourraient constituer un dangereux précédent : l’utilisation d’une technologie en apparence inoffensive qui ouvre la porte à des initiatives plus risquées en géoingénierie ».
Le lobby de la géoingénierie (dans les secteurs des entreprises et de la science) s’est renforcé au cours de la période récente, porté par le sentiment d’urgence croissant et légitime face à l’inefficacité de la réponse multilatérale apportée à la crise des changements climatiques. Malheureusement, le processus de prise de décisions démocratique et multilatéral risque de se voir détourné par ceux qui cherchent à tirer profit de solutions technologiques miracles qui relèvent de la spéculation.
Et les solutions miracles contre le réchauffement climatique ont le vent en poupe, depuis les programmes consistant à ensemencer les océans avec des particules de fer pour décupler la production de plancton végétal et capturer du CO2 jusqu’à la pulvérisation dans la stratosphère de particules de souffre pour renvoyer les rayons solaires (7), on voit que le techno-capitalisme ne manque pas d’imagination quand il s’agit d’éviter de poser les questions qui fâchent, comme par exemple la nature essentiellement destructrice du capitalisme…
Notes
(1) Steve Connor, Obama’s climate guru: Paint your roof white!, The Independent, 27 mai 2009.
(2) David Adam, Paint it white!, The Guardian, 16 janvier 2009.
(3) Aurélien Boutaud, La croissance verte plait aux capitalistes, pas à la planète, Libération, 26 novembre 2009.
(4) http://fr.wikipedia.org/wiki/G%C3%A9o-ing%C3%A9nierie
(5) http://fr.wikipedia.org/wiki/Densit%C3%A9_du_r%C3%A9seau_routier_par_pays
(6) Pat Mooney, Toitures blanches, poussière noire et pentes glissantes : Les ingénieurs climatiques prônent des solutions technologiques dans la foulée des négociations mondiales, ETC Group, juin 2009.
(7) François Rebufat, Géoingénierie, Y’a-t-il un pilote dans l’avion ?, Vivagora, février 2010.
Crédit image: Earth egg par azrainman
On en revient toujours au même problème, on se trouve dans un système capitaliste excessif. C’est cela qui pose problème.
Et on en revient toujours à la même solution, il faut faire changer les mentalités au plus vite (mais ça a commencé).
Plutôt que de repeindre les routes en blanc, il serait plus judicieux de planter des arbres sur les bords de route.
=> des arbres en plus, c’est bien.
=> des routes moins chaudes, ça évite de mettre la clim’ ou de mourir de chaud en vélo (c’est du vécu : passer subitement d’une route bordée d’arbres à une route en plein cagnard, c’est carrément horrible…)
Autre idée : demander à Monsanto de faire du mais blanc, ainsi les champs de mais renverraient aussi les rayons du soleil dans l’espace !
Dear GARI,
Planting shade trees saves air conditioning energy use.
Also tree sequester CO2 from atmosphere.
However, a reflective roof and road directly reflects suns short wave energy and cools the globe.
The solution is not one vs. the other. The solution is to implement all feasible global cooling options.
@Hashem :
But change road and roof to reflective road and roof is realy a feasible option?
Ils me font de plus en plus peur avec leurs idées saugrenues.
L’avenir est sombre d’autant que j’ai cru comprendre qu’un certain C. Allègre pourrait reprendre du service (?).
On est mal, mais mal !!!!
Repeindre en blanc..
Tout ceux qui etaient dans l’hemisphere nord cette hivers auront senti que la grosse difficulté etait de garder la chaleur (dans la maison, dans nos vetements … )
Repeindre en blanc c’est betement se priver d’energie, de chaleur.. Mais bon cela aura un effet peanut sur le rechauffement.
Mais si cela marchait, de repeindre en blanc cela signifie que le rechauffment ressenti est d’abord du aux ilots de chaleur urbain (donc pas du au Co2)
La seule chose a laquelle le rechauffement va nous conduire, ce n’est pas a la poele a frire mais a la gouvernance mondiale. Hmmm les collectivistes vont aimer, enfin un super grand chef supreme pour leur dicter leurs conduites
demander à Monsanto de faire du mais blanc, ca serait super: on pourrait tout de suite détecter par la couleur les champs d’OGM.
@Hashem :
I admit it, I did not propose this solution to cool the globe. I proposed this solution to make the roads nice to bike and to make air-conditioning unnecessary.
Painting the roads in white is, at best, a stupid « green capitalistic » solution. « Let’s do stupid things rather than changing our habits ! »
@Alain : chuuuuuuut fallait pas le dire ! 🙂
Ca ne fera jamais qu’une norme de plus: on avait le bitume anti bruit, le bitume anti-pollution, on aura le BFIA: le bitume à fort indice d’albédo. On aura aussi les tuiles à fort albédo.
Les entreprises se saisiront de ce nouveau critère pour vendre leur produit: c’est la loi du marché exactement comme les éleveurs de poulets vendent mieux leurs poulets quand ils sont élevés en plein-air ou les vignerons quand leur vin est bio.
Je comprends mal l’allergie de carfree.fr pour la techno-science ou le techno-capitalisme. L’écologie, c’est le capitalisme corrigé par la science.
C’est sur qu’avec ce genre de propositions on va aller loin … ^^
Répondre
« L’écologie, c’est le capitalisme corrigé par la science. »
On dirait un slogan publicitaire…
😎 La science est l’arbitre suprême des conflits idéologiques. Il faut voir la science d’un point de vue sociologique ou marxiste, c’est-à-dire que la classe ouvrière est en voie de disparition et le nouveau conflit de classe oppose la classe des scientifiques à celle des « vulgaires » (les non-scientifiques) et son critère de démarquation est la « scientificité ».
carfree.fr est un site de vulgarisation scientifique: Carfree, j’espère que tu as conscience de la valeur de désamorçage des violence sociales de ton site.
Évidemment, je ne suis pas d’accord, la science n’a pas à être un « arbitre suprême »… La véritable question n’est pas dans la recherche scientifique, mais dans le projet de société: quelle civilisation voulons-nous? Quel mode de vie? Pour faire quoi? La recherche scientifique est un moyen qui peut améliorer les choses pour l’homme ou la planète, mais qui peut aussi les détériorer…
D’après wikipédia, l’étymologie de « science » vient du latin, « scientia » (« connaissance »), lui-même du verbe « scire » (« savoir ») qui désigne à l’origine la faculté mentale propre à la connaissance. Cette acception se retrouve par exemple dans l’expression de François Rabelais : «Science sans conscience n’est que ruine de l’âme»….
Si tu parles de la science, comme un « ensemble de connaissances intangibles » (i.e qui s’imposent aux choix humains), comme par exemple, dans le domaine écologique, le fait que la Terre est limitée (monde fini), alors oui, on peut dire effectivement qu’elle arbitre les choix humains, mais alors dans le cas présent, comme une sérieuse limite à l’essence même du capitalisme (et à ce moment-là tu te contredis avec ta défense récurrente du capitalisme..)
Sinon, je ne pense pas du tout que la classe ouvrière est en voie de disparition, je pense qu’elle mute: les OS d’aujourd’hui sont moins dans les usines que dans les bureaux, face à leur ordinateur, mais il s’agit aussi d’une « classe ouvrière », le « prolétariat informationnel »…
Enfin, le site carfree n’est pas site de vulgarisation scientifique, tu confonds avec « Ça m’intéresse » ou « Science & Vie »… 🙂
c’est plutôt un site militant, avec un projet « politique »… la vie sans voiture(s)…
Merci Carfree, il était temps de mettre les choses au point.
Certain on tendance à rentrer en Science comme en religion … Cela devient du fanatisme parfois.
Rabelais a toujours raison et même plus que jamais. Les sciences (et non la science) ont acquis depuis le XIXème siècle un rôle prépondérant dans l’évolution de la société humaine. L’accélération de l’évolution technologique est liée à l’investissement des nations dans la recherche scientifique. Mais au lieu d’être sages dans l’applications des découvertes, nous avons mis ces connaissance au services des empires, empires politiques ou financier. Les sciences ce sont mis au service des dominants, les scientifiques cherchant dans bien des cas à s’accaparer une partie du pouvoir qu’ils servent.
Rechercher, découvrir et connaître sont certes un gage d’intelligence, mais ne sont en rien un gage de sagesse et d’humanisme. Une bonne partie du travail des scientifiques n’est-elle pas faite par des machines ?
On tombe trop facilement en extase devant les progrès technologiques, mais sont-ils des progrès pour les humains ?
Il est plus que temps d’introduire l’humain au coeur de nos préoccupation. Pour moi « la vie sans voiture » que recherche Carfree n’a pas d’autre but (je me trompe ?).
Avoir pour objectif d’abandonner l’automobile c’est avant tout une révolution des consciences. C’est quelque part, renoncer à son égocentrisme et à son confort personnel en prenant en compte les autres nos contemporains mais aussi ceux qui voudront vivre après nous. C’est aussi réfléchir au rôle de la technologie (la bagnole en est un symbole fort) et à ses conséquence sur nos vies.
J’ai trouvé l’article intéressant, mais le débat qui lui fait suite (dans les discussions) m’intéresse bien plus.
Pourquoi ne pas se replonger dans ce large débat épistémologique plus en profondeur ?
Je ne vais pas avoir le temps ce soir, j’ai des partiels demain et je déménage dimanche (je vous raconte ma vie, vous vous en foutez certainement, mais c’est juste pour dire que je n’ai pas résisté à la « facilité » d’acheter un véhicule à 4 roues assisté par un moteur, pour aller me paumer durant 6 mois dans la cambrousse). Je rédigerai une chronique quand j’en aurai le temps.
Espérant ne pas devenir un connard de première, je vous dis à bientôt dans ma chronique (qui posera les questions et verra l’automobile d’un oeil amusé).
Bienvenue Helder sur carfree, avec ou sans voiture 8-)…
@Cleripage: c’est vrai que j’ai tendance à écrire Science avec un S majuscule comme d’autres écrivent Dieu avec un D majuscule 😎
Quand je dis que la « Science » est l’arbitre suprême des conflits idéologiques, j’énonce un constat et non-pas une croyance. C’est un constat sociologique. L’arbitrage dont il est question n’a pas beaucoup de valeur (même si c’est le meilleur) parce que le consensus scientifique et changeant. C’est un des arguments du scientifique Claude Allègre qui, pour une fois, a raison quand il dit que le consensus n’est pas le critère valable pour définir le réchauffement climatique.
@carfree: quand tu relaye un article sur l’albédo, tu fais de la vulgarisation scientifique. Sinon on est assez d’accord: le « prolétariat informationnel » c’est la classe prolétarienne d’aujourd’hui.
Il est question de Paul Ariès, ce matin, sur France-Inter: je monte le son.
Pardon, j’ai quelques problèmes d’ouverture de compte (je n’arrive pas à changer mon mot de passe), mais le commentaire laissé sous le nom de « Helder », c’est de moi, le pseudo « Legeographe ».
Donc, non seulement je lis attentivement le site de Carfree, mais j’ai aussi écrit quelques articles (5), sans pour autant qu’ils soient axés du point de vue automobile (ils évoquaient plus les aménités cyclistes). Cette fois-ci je serai du côté de la bagnole : je vais pouvoir la dénigrer en connaissance de cause.
Je ne manquerai pas de faire ma chronique dès que j’aurai du temps et un peu plus d’expérience automobile.
Et si quelqu’un sait comment changer le mot de passe d’un compte, je veux bien le savoir. Merci
Drole de questionnement, pourquoi ne se l’est-on pas posé lorsqu’on a proposé de changer toutes les ampoules par d’autres?
Et ce n’est qu’un exemple. Vaut-il mieux attendre encore et voir si ces prédictions catastrophiques seront vraies un jour ou bien chercher et mettre en place des solutions?
En quoi c’est plus loufoque ou moins réalisable de peindre les routes en blanc que de changer toutes les ampoules du monde?
Luigi, déjà la question des ampoules est à mon avis le mauvais exemple car le bilan global de cette affaire est très discuté, tout particulièrement sur l’aspect santé publique…
Ensuite, ta seconde interrogation est carrément à côté de la plaque: il ne s’agit pas d’opposer ceux qui veulent « attendre » face à ceux qui proposent des « solutions »… il s’agit d’être critique face à ce qui est présenté comme des « solutions » et qui n’en est peut-être pas. Inversement, pour réduire les GES, nous proposons de véritables solutions, par exemple vivre sans voiture!
Plus généralement, c’est la question de notre modèle de société qui est posé, à savoir un modèle productiviste responsable du réchauffement climatique et qui veut mettre en place des solutions productivistes pour résoudre le problème! Une croissance infinie dans un monde fini nous mène droit dans le mur…