Lénine et la bicyclette

Où l’on découvre que Vladimir Ilitch Oulianov, dit Lénine, était un véritable passionné de la bicyclette. Une biographie récente de Lénine raconte quelques aventures et autres mésaventures de Lénine à vélo. Extrait.

« Lénine ne cessait pas pour autant d’être la figure dominante de la famille. Passionné de cyclisme depuis des années, il emmenait fréquemment Nadejda Konstantinova [son épouse] et Maria Ilinitchna [sa sœur] faire de la bicyclette en montagne le week-end.

C’était le plus sportif des trois. Lorsque les femmes flanchaient, il revenait près d’elles et l’une après l’autre les encourageait à continuer. Sillonner les Alpes à bicyclette était une activité de plus en plus prisée des touristes anglais, allemands et surtout français.

Dans son guide Baedeker de la Suisse, il avait lu que, face à la perspective d’une ascension pénible, Allemands et Français, loin de renoncer, avaient coutume de louer un cheval, d’attacher les bicyclettes à l’arrière et de grimper doucement la pente en se reposant entièrement sur la puissance de l’équidé. Les Anglais dédaignaient cette méthode, qu’ils associaient à une forme d’indolence, et apparemment Lénine, pourtant plus proche de la mentalité germanique, se rangeait à leur avis.

Pour lui, les vraies vacances rimaient avec effort, et s’il pouvait entraîner les autres, c’était encore mieux, comme le constatèrent avec regret Nadejda Konstantinova et Maria Ilinitchna.

Le soir, à la pension du village, c’était encore lui qui commandait, interdisant à Maria de laisser des restes au motif que, si elle ne mangeait pas tout ce qu’elle avait dans son assiette, l’aubergiste réduirait de moitié les portions du lendemain, sans pour autant diminuer la note.

Lénine détestait être en position d’infériorité, mais avec la bicyclette cela lui arrivait souvent. A l’époque où il vivait à Paris, il se rendait chaque jour à vélo à la Bibliothèque nationale, un endroit qu’il détestait en raison du délai d’attente pour la distribution des livres et surtout parce qu’il fallait payer dix centimes au gardien pour garer sa bicyclette à l’extérieur. Comble d’infortune, on finit par lui dérober son cher engin, son « instrument chirurgical » et lorsqu’il s’en prit au gardien, celui-ci eut l’impudence de lui rétorquer que les dix centimes déboursés lui donnaient le droit de laisser son vélo, mais ne constituaient nullement une garantie contre le vol.

Lire aussi :  Une messe pour la bagnole

Pour une fois, Lénine avait trouvé plus fort que lui et ne récupéra pas son argent. Un autre jour, en décembre 1909, il enfourcha la belle bicyclette qu’il venait d’acheter pour aller voir une démonstration aérienne à Juvisy-sur-Orge, à une vingtaine de kilomètres de Paris. Sur le chemin du retour, il se fit renverser par une voiture. Il était couvert de contusions et la bicyclette gisait sur le bas-côté, en pièces. Cette fois, cependant, l’issue fut plus heureuse: des témoins ayant assisté à la scène, il put aller en justice et exiger des réparations.

Il y mit le même acharnement qu’avec Arefiev, le marchand de Syzran qu’il avait poursuivi en 1892. Sa ferveur marxiste rejaillit également lorsqu’il apprit que l’automobiliste parisien était un vicomte. Bien qu’appartenant lui-même à la noblesse héréditaire, il ne s’embarrassa d’aucun esprit de classe et lui réclama des dommages et intérêts. »

Lénine
Robert Service
Perrin, 2012.

2 commentaires sur “Lénine et la bicyclette

  1. Jean-Marc

    Amusant : l’image montre un vélo assez proche du V.A.E « Pi »

    Comme quoi… le design moderne, quand il se veut novateur, ne fait souvent que ré-interpréter, ré-découvrir les choses.

    (un peu comme apple, en 2005-2010, qui avait des mp3 et mp4 (iPod) ressemblant comme des gouttes d eau aux transistors et rasoirs de Braun des années 60-70)

Les commentaires sont clos.