Ils ont donné l’espace public à la bagnole électrique

Comme tout le monde le sait, la voiture n’occupe qu’une part infime de l’espace public… Il fallait donc urgemment lui donner encore plus d’espace, pour le bien de la planète, du climat et des petits oiseaux. C’est donc une infamie de plus du gouvernement socialiste, à savoir l’abandon gratuit de l’espace public à la bagnole électrique.

Tout est parti d’une loi votée en catimini l’été dernier, la LOI n° 2014-877 du 4 août 2014 facilitant le déploiement d’un réseau d’infrastructures de recharge de véhicules électriques sur l’espace public. Rarement on a vu une loi mise en place aussi rapidement. La première lecture de la loi a eu lieu le 6 mai 2014 et son adoption a été votée au Parlement, le 23 juillet 2014. Le 4 août, la loi était définitivement adoptée et publiée au journal officiel le 6 août!

Il aura fallu trois mois au total, en plein cœur de l’été, pour que l’Etat et les collectivités locales abandonnent gratuitement l’espace public pour mettre en place un vaste réseau de bornes de recharge pour voitures électriques. Et cette loi ne contient qu’un seul article que l’on peut donc reproduire facilement ici même:

Par dérogation au premier alinéa de l’article L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques, l’Etat ou tout opérateur, y compris un opérateur au sein duquel une personne publique détient, seule ou conjointement, une participation directe ou indirecte, peut créer, entretenir et exploiter sur le domaine public de l’Etat, des collectivités territoriales ou de leurs groupements un réseau d’infrastructures nécessaires à la recharge de véhicules électriques et de véhicules hybrides rechargeables sans être tenu au paiement d’une redevance, lorsque cette opération s’inscrit dans un projet de dimension nationale. La dimension nationale du projet est caractérisée dès lors que celui-ci concerne le territoire d’au moins deux régions et que le nombre et la répartition des bornes à implanter assurent un aménagement équilibré des territoires concernés. Le projet est approuvé par les ministres chargés de l’industrie et de l’écologie au regard de ces critères.
Les modalités d’implantation des infrastructures mentionnées au premier alinéa du présent article font l’objet d’une concertation entre le porteur du projet, les collectivités territoriales et les personnes publiques gestionnaires du domaine public concerné, l’autorité ou les autorités organisatrices du réseau de distribution d’électricité, lorsqu’elles assurent la maîtrise d’ouvrage des travaux de développement des réseaux publics de distribution d’électricité, ainsi que les gestionnaires de réseau de distribution d’électricité compétents au titre de leur zone de desserte exclusive en application de l’article L. 322-8 du code de l’énergie. »

Avec cette loi, l’Etat accorde donc à tout type d’opérateur, en l’occurrence privé, la possibilité d’occuper l’espace public pour mettre en place des bornes de recharge électrique, « sans être tenu au paiement d’une redevance« . Donc, non seulement on affecte encore plus d’espace public à la bagnole, mais en plus on le fait gratuitement.

Pour rappel, l’espace public représente dans les sociétés humaines, en particulier urbaines, l’ensemble des espaces de passage et de rassemblement qui est à l’usage de tous, soit qui n’appartient à personne (en droit par ex.), soit qui relève du domaine public ou, exceptionnellement, du domaine privé. (définition Wikipédia)

Et tout ceci se fait « au nom du climat et de l’environnement », car il s’agit de développer toujours plus la voiture électrique pour « accélérer la transition énergétique ». Transition énergétique vers quoi? Vers toujours plus de pollution, de surconsommation, de pillage des matières premières, de nucléaire?

Que ce soient Arnaud Montebourg, Ségolène Royal ou maintenant Emmanuel Macron, ils ne jurent que par la voiture électrique, alors même que passer à la voiture électrique, c’est comme changer de marque de cigarette. Désormais, ils sont même prêts à donner de vastes parties de l’espace public, notre espace public, à la bagnole électrique.

Lire aussi :  La mort de l’automobile

Et l’offre en question semble plutôt juteuse car les opérateurs n’ont pas traîné pour sauter sur le jackpot. Moins de 4 mois après la promulgation de la loi, le groupe Bolloré propose aujourd’hui de déployer un réseau de 16 000 points de charge publics pour véhicules électriques et hybrides rechargeables sur l’ensemble du territoire national. Pour un coût total de 150 millions d’euros, soit environ 10.000 euros par borne de recharge, Bolloré se propose d’occuper massivement l’espace public pour fournir de l’électricité aux bagnoles.

Et quel est le projet exactement? Le projet de Bolloré consiste à proposer des bornes de recharge « semi-accélérée« , c’est-à-dire permettant la recharge complète d’une batterie vide en une durée de trois à quatre heures. On est assez loin du concept des stations-service où on fait son plein en 5 minutes… En gros, on est en train de développer 16.000 parkings de voitures électriques dans toute la France, car si les voitures doivent rester sur place trois ou quatre heures, c’est surtout du stationnement…

Pour ceux qui seront pressés, l’histoire ne dit pas quel niveau de recharge ils obtiendront en 5 minutes, de quoi aller jusqu’au prochain carrefour?

Et combien coûtera la recharge pour les « atomobilistes »? Chut, c’est top secret pour l’instant, mais mon petit doigt me dit que cela ne sera pas gratuit et que cela risque plutôt de coûter un bras… Pour l’instant, on parle d’un « abonnement annuel et le paiement à la minute des charges d’électricité« . Paiement à la minute? C’est plutôt malin quand la voiture doit charger pendant « trois ou quatre heures »… Les fanatiques de la voiture électrique qui sont persuadés qu’ils feront le plein pour 3 centimes d’euros risquent d’en avoir pour leur argent…

Certains vont dire que 16.000 bornes, c’est bien peu de choses par rapport à la vastitude (terme emprunté à Ségolène Royal) de l’espace public. Qu’ils s’inquiètent! La loi sur la transition énergétique, actuellement en débat au Parlement, prévoit d’atteindre 7 millions de points de charge en 2030, contre 14.000 aujourd’hui.

Oui, vous avez bien lu, 7 millions de bornes de recharge! Avec une moyenne de 10.000 euros par borne, on atteint les 70 milliards d’euros…

Et 7 millions de bornes sur l’espace public, cela occupe quelle place environ? Difficile à dire, mais il n’est pas difficile de prévoir qu’on ne supprimera pas des voies de circulation automobile pour installer des bornes de recharge. Allez, au hasard, et si on construisait les bornes de recharge sur les trottoirs ou sur les pistes cyclables qui ne servent à rien et qui sont déjà squattées la moitié du temps par des voitures garées en vrac? Ou alors sur des places de stationnement automobile… qui ne rapporteront plus d’argent. Donc, non seulement on ne fait pas payer l’usage de l’espace public, mais on s’apprête à se priver des ressources financières liées au stationnement…

Et comme le dit Emmanuel Macron, « nous avons décidé de maintenir à 6.300 euros le bonus à l’achat d’un véhicule électrique, qui pourra être porté à 10.000 euros par le superbonus« . Sur Carfree France, on peut déjà vous livrer un scoop, en 2015, il y a de fortes chances qu’on parle d’un supermegabonus de 15.000 euros… Avant l’hypermegabonus de 20.000 euros en 2017 pour la présidentielle?

23 commentaires sur “Ils ont donné l’espace public à la bagnole électrique

  1. Avatar photoCarfree

    Ah? De l’autopartage électrique sur le trottoir alors? Les poussettes et les personnes à mobilité réduite se débrouilleront vu que c’est pour la bonne cause…

  2. MangeGrain

    Attention : 7 millions de bornes de recharge x 10.000 euros par borne, ça fait 70 milliards, par 7.

  3. paladur

    Ce qui est « drôle », c’est la surface que représenterait ce don d’espace publique si la prévision des 7 millions de bornes en 2030 était effective: 175 km2 soit la surface des Hauts-de-Seine!

  4. Ronuick

    Cette notion d’espace public a bien du mal à passer. Nous sommes tellement habitués à voir ces surfaces bétonnées utilisées par la voiture que l’on ne peut même pas imaginer une autre utilisation.
    Mais effectivement, comme l’article le laisse entendre, même si on devait laisser cet espace dévolu à la voiture, alors au moins que ça rapporte quelque chose au secteur public, à savoir une redevance de stationnement.

  5. ZeHiro

    25 mètre carrés par borne me semble énorme. 9 m carré me semble plus réaliste (2m*4m pour la bagnole + 1m² pour la borne)

    ça nous fait quand même une surface de 63 km²

  6. Pim

    il ne s’agit pas de « c’est pour la bonne cause » ou « pas pour la bonne cause ». D’ailleurs à cet endroit, le trottoir permet de passer en poussette ou fauteuil et la borne est construite sur la place de stationnement.
    J’anticipe deja ta réponse qui me dira qu’il faudrait supprimer toute la ligne de stationnement au profit d’un grand trottoir, voire meme la chaussée au profit des piétons et cyclistes. A cet endroit de toulouse, sache que j’en reverais. mais c’est un autre débat largement traité dans d’autres articles carfree.

    Ceci dit, je pense que ce n’est pas stupide de réserver des places de stationnement en ville à l’autopartage (electrique ou pas). Ca a au moins l’intéret de supprimer des places pour monsieur tout le monde vient avec sa bagnole, et de la rendre utilisable lorsque cela le requiert (car oui ca peut arriver meme aux meilleurs d’avoir ponctuellement besoin de recourir à la voiture).

    La formule autopartage + forte restriction automobile en centre ville inciterait surement bcp de gens à abandonner leur voiture perso au profit de ce service. Malheureusement aujourd’hui, on a que la 1ere moitié de la formule, et l’autopartage est donc peu utilisé ou utilisé en 2nde voiture pour dépanner.

  7. Vincent

    Macron > Nous avons décidé de maintenir à 6.300 euros le bonus à l’achat d’un véhicule électrique, qui pourra être porté à 10.000 euros par le superbonus

    À ce prix, on peut se payer deux super vélo-cargos à assistance électrique.

  8. MangeGrain

    « le bonus à l’achat d’un véhicule électrique […] pourra être porté à 10.000 euros […] À ce prix, on peut se payer deux super vélo-cargos à assistance électrique. »

    Oui, mais Renault et PSA produisent des voitures électriques.

    Donc lobbying facile pour ces industriels qui peuvent jouer sur le patriotisme économique et le soutien à la croissance et au PIB (indicateur très contestable mais souvent le seul pris en compte), faire un peu de chantage à l’emploi, un peu de pêche à la subvention, et beaucoup de greenwashing puisque ces moteurs électriques ne rejettent pas (directement) de CO2.

    Bref, on nous annonce :
    1 – la création d’un nouveau réseau (de bornes de rechargement) concédé par l’état à un (ou des) partenaire(s) privé(s),
    2 – l’utilisation de ce service via un abonnement et une tarification à la durée,
    2 – des subventions substantielles sur l’achat de l’équipement qui permet d’utiliser ce réseau

    Ca ne vous rappelle rien ?

    C’est exactement le même business model que pour la téléphonie mobile. Marché hyper-rentable pendant presque 20 ans, jusqu’à ce que l’arrivée d’un 4ième opérateur fasse enfin baisser des prix maintenus artificiellement élevés gràce à l’entente douteuse entre les 3 opérateurs historiques.

  9. pedibus

    Electrique ou à pétoire le système bagnolistique fait peine à voir en termes schumpetérien : comme si la diligence hippomobile avait brutalement hissé la voile, obligeant ainsi à remonter ponts et arcs de triomphe pour passer dessous…

    Apparemment z’ont en schumpetérien à foutre de l’impact archi négatif de la bagnole sur les sociétés…

  10. Kojah

    utopartage citiz située à toulouse http://goo.gl/maps/ooeOu

    Tournez un peu la vue vers la droite et vous verrez que certains apprennent déjà à utiliser des places de stationnement auxquelles ils n’ont pas droit.

    Il faudra un jour que les auto-écoles apprennent le code de la route pour l’enseigner, non ?

  11. no brakes

    7 millions de beaux câbles bleus avec plein de cuivre dedans, retraite anticipée en vue…..

  12. pedibus

    70 milliards d’euros pour les nucléobousines c’est encore l’équivalent de 70 milliards d’€/ 18 millions = 3888 km d’infrastructure de tram à 18 millions d’€ le km;

    soit 10 lignes radiales de 10 km par agglomération millionnaire en habitants ça fait rien de moins que trente-huit à trente-neuf vrais réseaux de TCSP lourds;

    or avec – à une vache à deux pattes près – :
    – Lille + lyon + Marseille comptant pour 4 millions d’habitants agglomérés;
    -Nice + Toulouse + Bordeaux comptant pour 3 millions d’habitants agglomérés;
    – Nantes + Strasbourg + Grenoble + Douai + Toulon + Rouen comptant pour 3 millions d’habitants agglomérés;
    -si on compte pour 4 millions d’habitants agglomérés le total des agglos d’au moins 200.000 hab non citées;
    il nous reste 38 – 14 = 24 équivalents réseaux complets de TCSP lourds de ville « millionnaire »;

    même si on en arrache 10 pour l’IDF il y a encore de quoi faire la fête : 25.2 milliards d’€ inemployés – et encore… sans tenir compte des croupions de réseaux de TCSP préexistants… – :

    comme quoi c’est pas la phynance qui manque mais bien la volonté politique…

    Quant à l’intérêt général y a longtemps que tout le monde a compris… Tailler une pipe au lobby du tabac, ramoner la cheminée à la langue de bois au secteur économique de la fumisterie et du poêle à bois au prétexte de l’innocuité ou du caractère marginal déclarés de cette source de particules fines ou encore se coucher devant l’inertie édilitaire en matière d’accessibilité piétonne de la ville et donner dix ans de plus pour ce mettre en conformité avec la loi de 2005, autant de preuves qu’il y a erreur sur le casting avec les socialos : qu’on les expédie sur la trajectoire de déclin irréversible de leurs chers Kamarades qu’ils ont eux-mêmes finement calculée à l’époque pas si lointaine…

  13. Jack A

    Espérons que les jeunes-anarchistes-sauvageons-extremistes, par nature insensibles a l’œuvre bienfaitrices des groupes bollores et autres, sauront trouver dans ces bornes un exutoire a la violence qui les habitent..

  14. Laurent

    Des autocollants à placer sur ces bornes pour les rendre inutilisables sans les détériorer sera la réponse que nous pourront apporter face à cette occupation illégitime de l’espace public.

  15. Chocard

    La « voiture électrique » c’est comme les « biocarburants », on devrait plutôt l’appeler la voiture nucléogazocharbonesque, avec un chouillat d’enr.
    en chine c’est plus simple c’est une voibon (il y avait charture mais c’est moins vendeur)
    Alors si en plus de nous enfumés à distance il nous piquent les trottoirs ….
    Il y a quelques temps tout le monde se maquillait en vert pour faire écolo, maintenant il faut être électrique ! a quand la poussette électrique ?

  16. nick06

    Et en plus c’est de l’electricite nucleaire !!! de quoi vous faire enrager, les khmers verts a velo qui sauvez le monde en suant.. voiture + nucleaire , c’est le mal absolu ! Viiite refugions nous dans notre grotte, sans feu SVP ca pollue.

  17. Jean-Marc

    « Viiite refugions nous dans notre grotte, sans feu SVP ca pollue. »

    Je ne comprend pas ton histoire de grotte ni de bougie, elle ne veut strictement rien dire :

    Tchernobyl, Fukhushima, Bhopal (usine chimique de pesticides chimique, qui explosa en inde en 84, c est-à-dire un peu avant tchernobyl), ce n est pas trop écolo, si ?

    Hors, c est Tchernobyl, Fukhushima, Bhopal et leurs descendants qui vont nous renvoyer dans les grottes…
    (voire dans nos tombes)

    Au contraire, le vélo, c est le progrès et l avenir, c est permettre d’utiliser le pétrole longtemps, pour des choses utiles, au lieu de le gaspiller sur qq décennies, de la façon la moins utile qui soit (le brûler pour faire 10km dans un engin de 1.6 tonnes, alors qu’il serait bien plus utile comme matériau, pour construire des choses, faire des habits,…).

    Mais c est tellement bien Mad Max et les grottes… vivre la régression et le retour en arrière qu’ils nous préparent sera magnifique…

    Sans parler de la faim issue de l agriculture industrielle, grâce au lessivage des sols :
    plus il y a d agriculture intensive, moins le sol est épais, durable, résilient, et plus il est fragile, et se retrouve emporté progressivement, pluies après pluies, dans les fleuves et rivières, pour finir par laisser la roche-mère nue, incultivable pour des décennies
    (c.f. les raisins de la colère et la « dust belt » : les terres fertiles devenues de la poussières stérile, à force d exploitation intensive)

  18. pédibus

    De plus grottes et bougies symboliseraient le caractère primitif d’une pensée, d’une méthode ou d’une société. Or c’est bien ce qu’on pourrait reprocher à certains pans de la techno-science actuelle, laquelle ne se prive pas de bousculer la complexité de la réalité biophysique et d’ignorer totalement voire « totalitairement » la richesse sociale des agrosystèmes traditionnels autrement plus efficients, ou encore de l’urbanité sans prix de cités sans bagnoles…

    Idem donc pour certains de modes de vie, associant un couple transport/urbanisme inadapté aux exigences socio environnementales, qui peinent à se frayer un chemin sous la chape idéologique conformiste, miroir aux alouettes constamment lustré par les torrents de dividendes à distribuer aux actionnaires phynanceurs des activités court-termistes de la bande au père Ubu…

  19. Olivier

    « Pour ceux qui seront pressés, l’histoire ne dit pas quel niveau de recharge ils obtiendront en 5 minutes, de quoi aller jusqu’au prochain carrefour? »

    => de quoi aller jusqu’au prochain Carrefour !!

Les commentaires sont clos.