Comment les Hollandais ont obtenu leur infrastructure cyclable

C’est connu, la Hollande est peut-être le pays le plus cyclable au monde, que ce soit en termes de pratique vélo ou d’aménagements cyclables. Comment expliquer un tel succès et surtout comment les Néerlandais ont-ils obtenu une infrastructure cyclable qui fait pâlir d’envie l’ensemble des cyclistes de la planète?

Cette question est particulièrement pertinente pour tous ceux qui voudraient avoir ce que les Hollandais ont, c’est-à-dire des pistes cyclables de qualité, des réseaux cyclables structurés, des autoroutes cyclables et surtout, l’idée que chaque aménagement de l’espace public intègre d’une manière ou d’une autre, le vélo.

En 2009, les Néerlandais effectuaient en moyenne 27% de tous leurs déplacements à bicyclette, ce qui constitue un record européen et sans doute aussi un record mondial. Dans certaines villes hollandaises, la part du vélo dans les déplacements montait même à 38% (Groningue), 37% (Zwolle), 33% (Utrecht) et même près de 40% pour Amsterdam. Les principales villes du pays enregistrent des scores compris entre 35% et 40%. Certaines villes comme Enschede (160.000 habitants) dépassent même les 40%. Les plus mauvaises villes des Pays-Bas en matière de pratique vélo ont une part modale du vélo comprise entre 15 et 20%, soit bien mieux que la meilleure ville française, à savoir Strasbourg, aux alentours de 10%… Tous ces chiffres proviennent du rapport « Le vélo aux Pays-Bas en 2009« .

Dans un article précédent, nous essayions d’expliquer pourquoi le vélo connaît un tel succès aux Pays-Bas en envisageant le lien entre « Ethique protestante et esprit du vélo« .

A vrai dire, il semble que de nombreux facteurs peuvent expliquer cette situation. Mais il semble en fait que la façon dont les rues et les routes néerlandaises sont construites aujourd’hui en Hollande soit en grande partie le résultat de décisions politiques délibérées dans les années 1970 pour se détourner des politiques centrées sur la voiture issues des 30 glorieuses. Les idées ont alors changé sur la mobilité, les Hollandais ont souhaité des villes plus sûres et plus agréables à vivre, tout en respectant l’environnement et en limitant la dépendance pétrolière du pays.

Qui mieux qu’un Hollandais pourrait expliquer ce qui s’est passé exactement au tournant des années 1970 en Hollande? C’est ce qu’a fait le site Bicycle Dutch, en réalisant une vidéo de 6 minutes qui résume de manière extraordinairement claire plus de 40 ans de politique cyclable aux Pays-Bas.

Le mieux, c’est de voir la vidéo, d’autant plus qu’elle est sous-titrée en français. C’est à mon sens un document exceptionnel sur l’Histoire de l’infrastructure cyclable hollandaise.

Lire aussi :  Vivre sans voiture avec des enfants: le guide pratique

Ce qui est particulièrement fascinant, c’est qu’au départ l’Histoire semble exactement la même en France et en Hollande. Avant les années 1950 et l’arrivée de l’automobile, presque tout le monde se déplace à vélo. Avec les 30 glorieuses, la richesse du pays s’accroit très vite, le pouvoir d’achat augmente, en France comme en Hollande, et les gens se mettent à acheter de plus en plus de voitures.

Au début des années 1970, la voiture est partout, en France et en Hollande, ce qui génère de plus en plus de problèmes. On commence à détruire des bâtiments pour pouvoir écouler le trafic motorisé de plus en plus important. La dépendance au pétrole devient massive. Les accidents de la route deviennent un phénomène de société.

On apprend ainsi qu’au tournant des années 1970, la Hollande connaît 3.000 morts par an sur la route, ce qui représente un record pour ce petit pays. Et ce qui choque profondément le pays, c’est qu’une année, 400 enfants de moins de 14 ans meurent sur la route. Les gens commencent à protester, à s’indigner d’un tel massacre et organisent des manifestations.

C’est là que l’Histoire diverge radicalement entre la France et la Hollande. Car, à cette époque, l’hécatombe routière est au moins aussi forte en France. De mémoire, au début des années 1970, la France connaît environ 16.000 morts par an dans les accidents de la route. Combien d’enfants? Et pourtant, je n’ai pas en mémoire des manifestations populaires pour lutter contre les tueries routières…

Mais revenons à la Hollande. En 1973, se produit le 1er choc pétrolier avec une explosion du prix du pétrole et donc du prix de l’essence. Les Hollandais prennent conscience de leur dépendance au pétrole. Le gouvernement Hollandais de l’époque organise alors une sorte de consultation populaire afin de gérer toutes ces questions (mortalité routière, choc pétrolier, pollution, etc.).

Et l’idée prend forme qu’il faut changer radicalement les choses. Cela va mettre une décennie à se mettre en place, mais le pays va se doter d’une véritable infrastructure cyclable de qualité. En plaçant le vélo au cœur de la mobilité, les Hollandais font le choix d’une meilleure qualité de vie, d’un respect de l’environnement et d’une moindre dépendance aux monarchies pétrolières.

Source: http://bicycledutch.wordpress.com/2011/10/20/how-the-dutch-got-their-cycling-infrastructure/

11 commentaires sur “Comment les Hollandais ont obtenu leur infrastructure cyclable

  1. noxyvelo

    Les Pays-Bas sont une référence indéniable.
    Ils ont construit une infrastructure cyclable extraordinaire, très souvent séparée des voitures.
    Mais comme on peut le voir à Amsterdam, les limites sont atteintes (http://www.lepoint.fr/monde/quand-le-velo-n-est-plus-la-solution-mais-le-probleme-09-11-2012-1527008_24.php), et pour aller encore plus loin c’est encore plus de place qu’il faut prendre à la voiture.

    En France la solution pour les villes n’est peut être pas dans la copie de ce qui à été fait aux Pays-Bas, pistes séparées à tout prix, mais plutôt dans la baisse générale de la vitesse, et le partage de la voirie par des bandes cyclables / rues mixtes.
    http://www.fubicy.org/spip.php?article64
    http://www.fubicy.org/spip.php?article59

    … sans oublier bien sur de supprimer des places de stationnement, et de rende uniquement piétons/cyclables plus d’espaces en ville comme cela est bien montré dans la vidéo.

  2. Struddel

    Vidéo très intéressante : de 400 à 14 enfants tués sur les routes, ça parle quand même …

  3. Ronuick

    Détail : ne confondons pas la Hollande (une province du royaume) et les Pays-Bas (partie européenne du royaume des Pays-Bas qui comprend également les Antilles Neerlandaises).
    Mais baste, revenons à l’essentiel : la sécurité routière. En 1972, la Prévention Routière organise une manifestation choc à Mazamet dans le Gard : elle demande aux 16000 habitants de mimer leur mort, pour interpeler l’opinion sur la tuerie de la route. Effectivement, cette année là, 16000 personnes meurent sur la route.

    Le problème, c’est qu’en France le problème est géré « par le haut » : l’automobiliste voit là-dedans des contraintes (« comment ? il faut respecter des règles ? Et la liberté ? C’est du racket ! ») ou fait entièrement confiance aux constructeurs et à leurs innovations techniques. Aucune prise de conscience au niveau des comportements. On le voit encore : les radars sont immanquablement considérés comme des « pompes à fric » alors que c’est la première taxe à frapper la bêtise ou l’inconscience. Car se faire flasher, c’est soit être bête (il faut juste respecter les limites….) ou distrait ou inconscient : or, conduire une voiture nécessite une attention de tous les instants, ce que beaucoup feignent d’ignorer.

    Bref, c’est surtout une histoire de comportements, à la fois individuels et sociaux : c’est à la base que les Néerlandais ont agi, alors que les Français sont passifs et ne font que râler. Je schématise !

  4. JluK

    Il faut comparer ce qui est comparable.
    D’une part, les Hollandais sont depuis longtemps adeptes du vélo ;
    D’autre part, la densité de plus de quatre fois celle de la France change totalement les données.

  5. Marcel Robert Auteur

    @Noxyvélo
    Attention, cet article du Point est assez largement de la désinformation. Il est issu d’une dépêche AFP dont nous avions parlé ici même:
    http://carfree.fr/index.php/2012/11/26/lethique-protestante-et-lesprit-du-velo/
    Cette dépêche AFP se fonde en fait sur des citations provenant de l’union des cyclistes néerlandais (Fietsersbond). Et ce que dit cette association, c’est que la pratique du vélo a explosé ces dernières années en Hollande et que les infrastructures (pistes, bandes, stationnement, etc.) n’ont pas suivi le rythme. En gros, la Hollande est sans doute un pays qui investit le plus pour le vélo, mais ce n’est pas assez au regard de l’explosion de la pratique!

    Donc, les expressions « cauchemar cycliste » ou ‘ »maison de fou » sont largement exagérées et le titre de l’article est quant à lui complétement trompeur: « Pays-Bas : quand le vélo n’est plus la solution, mais le problème »

    Ce n’est pas du tout ce que dit le Fietsersbond! Le vélo est bien la solution, mais la pratique vélo est un tel succès qu’il faut encore plus de places pour les vélos… C’est ce que j’appelle une dynamique vertueuse: plus vous laissez de place aux vélos, plus ils en prennent et plus ils ont besoin de place…

    @Ronuick
    C’est vrai qu’il y a eu Mazamet en France, mais comme tu le dis très bien, il s’agit d’une démarche verticale, venant d’en-haut (la prévention routière) et non pas de la base. C’est d’ailleurs assez étonnant car la France est réputée pour être un pays de râleurs qui sort dans la rue pour manifester pour un oui ou pour un non… Mais, bizarrement, quand il y avait 16.000 morts par an sur les routes, les gens n’avaient pas envie de manifester…

    Pour le reste, tu dis que « c’est une histoire de comportements, à la fois individuels et sociaux »; je partage ton point de vue, c’est ce que j’expliquais dans cet autre article:
    http://carfree.fr/index.php/2012/11/26/lethique-protestante-et-lesprit-du-velo/

    @JLUK
    Les Hollandais ne sont pas fondamentalement plus adeptes du vélo que les Français, c’est ce que montre justement la vidéo: dans les années 70, la voiture était omniprésente dans les deux pays.
    Pour la densité, c’est effectivement une donnée importante qui ne permettrait sans doute pas de décalquer le modèle hollandais tel quel, mais cela n’empêche pas de tendre vers ce modèle, en densifiant l’urbanisation, en favorisant le couple TC+vélo, en développant le vélo électrique, etc.

  6. Sam_Nantes

    Formidable vidéo, qui sera bien utile pour sensibiliser les élus…qui répondent souvent « ce n’est pas possible chez nous ».

    Je rejoins les commentaires précédents : pas de simple copié/collé mais une inspiration pour modifier rapidement nos règles d’aménagement…à moins que la « compétitivité » ne soit préférable à notre santé.

    Vite une « prime de conversion » aux modes doux, aux parkings relais et au covoiturage!

  7. Struddel

    En France on n’a pas manifesté car les morts ne manifestent pas et qu’on y manifeste avant tout pour ses droits individuels et non pour ceux des autres.

  8. Marcel Robert Auteur

    JLUK,
    prudence quand même, car la comparaison porte sur seulement 9 villes, dont 4 hollandaises! Mais c’est vrai que les Hollandais partaient apparemment de plus haut que les autres villes européennes. Il aurait été intéressant d’avoir ces données pour des villes françaises.

  9. Cinepete

    Autre différence entre les deux pays qui explique surement en grande partie l’évolution contraire : Renault et PSA, que l’Etat soutient à bout de bras (et à coup de milliards) depuis bien trop longtemps…
    D’un côté un pays qui voit sa facture énergétique et cherche fort logiquement à la faire diminuer, de l’autre, un pays qui voit sa courbe de chômage et cherche à la faire diminuer (sans réfléchir à un autre moyen qui prolonger la tendance existante…).

  10. kw

    @cinepete je crois que tu as trouvé la clé… Heureusement, si on peut dire, la clé est entrain de casser toute seule !

Les commentaires sont clos.