Explosif : Le développement pernicieux des agrocarburants et le cas symptomatique de Fanaye au Sénégal

Bonjour à vous les amis internautes! Le pétrole! Vous connaissez? L’essence! Vous connaissez? Les produits de substitutions de l’essence! Vous connaissez aussi? (On les appelle les Agrocarburants et ils sont produits à partir des cultures végétales comme le maïs, le colza, le tournesol, etc.)… Ces végétaux d’origines agricoles, une fois alcoolisés sont appelés bioéthanol.

On notera au passage que ce mot n’a rien à voir avec les produits bios (recommandés pour une alimentation saine !), car, contrairement à ce que sont nom indique… le bioéthanol n’a rien de bio! D’où les fâcheuses confusions auprès du grand public (et de mes élèves du fond de la classe!)

Le Sénégal! Vous connaissez? C’est un petit pays d’Afrique…

Les paysans! Vous connaissez! (Pas sûr, car il n’en reste plus beaucoup en Europe, mais on en trouve encore ailleurs sur la planète!)

La pauvreté! Vous connaissez? (C’est de plus en plus répandu, même en Europe!)

Le développement! Vous connaissez? (Un mot fourre-tout qui cache la devanture des prédateurs de tous poils dont font parties les multinationales et les états du nord!)

Bien! Je constate chers amis, que vous connaissez donc beaucoup de choses en fait!

Ceci étant dit, maintenant, vous mélangez le tout, vous agitez et vous avez là un mélange explosif!

Si ! si !

Un exemple :

Rien que dans une région du Sénégal, ils ont essayé et cela a fait deux morts et plus de vingt et un blessés graves… Et une surchauffe qui est remontée jusqu’au château présidentiel de Dakar!

Résultat :

Si vous ne voulez pas d’ennuis, évitez de jouer les petits chimistes apprentis sorciers du développement! Car les populations n’apprécient pas trop les charlatans…

J’explique  :

(Bouh! C’est fatiguant à la longue de devoir à chaque fois réexpliquer pour les endormis du fond de la classe!)

Le Sénégal, joli pays ensoleillé aux peuples variés et sympas, accueillant et tout et tout, (aussi pour le tourisme!), mais néanmoins assez démunis (je parle des peuples, pas des nantis qui sont assis dessus!) cherche depuis des décennies à mettre en œuvre les recommandations de l’ONU en matière d’Objectif du Millénaire du Développement et essaye avec plus ou moins d’efficacité d’y parvenir pour réduire la pauvreté ambiante…

C’est pourquoi ce pays est ouvert aux initiatives orientées vers la recherche de l’autonomie alimentaire afin d’éviter les retours des révoltes de la faim comme ces dernières années.

Mais… Car il y a un mais!

Ce pays n’a semble-t-il pas pris en compte les études de l’époque qui faisaient un constat accablant de l’usage disproportionné des cultures destinées aux agrocarburants au détriment des cultures vivrières locales.

De plus, toutes les initiatives qui portent la mention « développement » sont à priori les bienvenues.

C’est pourquoi, on trouve de tout dans ces projets… Des projets parfois farfelus, d’autres ambitieux et d’autres encore carrément inutiles… Il y en même qui cumulent tous ces aspects, mais ce n’est pas bien grave pour leurs concepteurs, car ils sont destinés avant tout à enrichir ceux qui les conçoivent… et non les populations concernées… Le tout arrosé d’une bonne couche de corruption à tous les étages pour que les projets puissent glisser plus vite dans les divers bureaux administratifs concernés… On n’a pas de temps à perdre et le temps c’est de l’argent paraît-il! Et vous avez là une petite réalité du développement bien compris dans les pays… en développement! Et le plus beau encore c’est que ces projets ont parfois des financements des instances internationales comme la Banque mondiale ou le FMI!

Bref! Je vous passe le sordide habituel car c’est monnaie courante et à cela d’autres pays sont bien plus corrompus comme le Nigeria ou l’Inde pour ne citer que ceux-là…

Le Sénégal, ce n’est que du menu fretin à côté et ce ne sont pas les rumeurs d’enrichissement personnel pour la construction de l’aéroport international de Dakar ou de la statue de l’indépendance d’une certaine mégalomanie ou encore d’autres bricoles qui ne rivaliseront pas avec la corruption des pros de chez très pro… au point que même les experts anti corruptions de la planète peinent à en découvrir les racines… (Revoir à ce propos le documentaire « Le club des incorruptibles » sur le réseau des magistrats anticorruption de cette planète, expliqué par Eva Joly la candidate à la présidentielle française pour 2012…)

Et parmi ces projets que l’on appelle des « projets de développement » destinés à enrayer la pauvreté, on en trouve un qui a fait tout récemment l’actualité par la catastrophe humaine qu’elle a engendrée :

Le projet de développement de 20.000 ha pour la production de biocarburant à Fanaye (dans la région de Podor) par une société sénégalo-italienne (Tampieri Financial Group).

Lire aussi :  La force du nombre (2)

C’est, selon les experts, le plus grand projet agricole africain qui se dessinait à Fandaye. Il est quatre fois plus important en volume et en superficie que l’exploitation de la Compagnie sucrière sénégalaise. C’est aussi le plus grand projet de production de tournesol au monde qui devait générer mensuellement 25.000 tonnes, nécessitant un bateau de semences par mois pendant 15 ans.

On retiendra déjà plusieurs anomalies dans ce projet :

1 – Le projet agricole pour cultiver 20 000 ha de tournesol destiné à faire du bioéthanol, n’a que peu de rapport avec le développement du monde rural, puisqu’il est destiné à faire un complément de l’essence pour les voitures et pas à subvenir à l’autosubsistance alimentaire dans cette région et ce pays!

C’est un peu gênant quand l’on constate que ce pays a un déficit alimentaire et doit importer d’énormes quantités de riz annuellement pour ne parler que du riz!

C’est pourquoi le président de ce pays avait demandé après les émeutes de la faim de 2008 à ce que son pays s’occupe en priorité de l’autosuffisance alimentaire! On est donc très loin ici de cet objectif, puisqu’il est ici question de tournesol pour faire du bioéthanol pour les voitures…

2 – Tout récemment, l’association des Amis de la Terre s’inquiétait de la dépendance de l’Union européenne en matière de terres des autres, en faisant remarquer que cela pourrait être contrariant dans les années à venir avec les conflits que cela va générer. C’est bien ce cas de figure avec le tournesol cultivé au Sénégal pour un usage en Europe sous forme de produit transformé (bioéthanol).

3 – Pire encore, une récente étude de la Commission européenne confirme les impacts très négatifs de la culture des agrocarburants (encensé il y a dix ans! même par les écologistes!) et recommande une révision de la politique européenne dans ce domaine. Les dégâts environnementaux causés par l’agrocarburant étant une catastrophe pour le climat! (lire ici!)

4 – Et puis, dans un tel projet, le moins que l’on aurait pu attendre de la part de ses concepteurs, c’est le consentement de la population locale concernée. Le projet devait avoir l’accord des élus locaux pour être accepté. Mais comme la population des 47 villages concernés ne voulait pas de ce projet de développement où ils auraient du accepter des expulsions de terrain pour l’attribution à la seule société Senethanol. Les élus locaux (Conseil rural) ont donc voulu faire passer en force ce projet contre l’avis des populations qui se sont révoltées et ont manifesté leur colère lors d’affrontements le 26 octobre 2011: Bilan 2 morts et plus de 21 blessés graves!).

Lequel bilan ayant été peut-être jugé un peu lourd à gérer, le premier ministre a stoppé (temporairement!) le projet.

4 – Reste que si c’est un arrêt provisoire, cela est plus dangereux encore, car les organisations rurales locales ne veulent pas de ce projet.

5 – Pire encore: Est-ce à dire que si ce projet « agricole » n’est pas accepté, le gouvernement le délocalisera comme il l’a déclaré? En le « refourguant » dans une autre région du Sénégal pour que d’autres paysans subissent les mêmes désavantages? Ce qui pour le coup serait assez cynique…

6 – En conclusion, puisque le président de ce pays a demandé à ses ministres un rapport circonstancié sur cette affaire, serait-il possible que ses conseillers se rappellent ses déclarations de 2008 sur l’impérative et urgente nécessité d’une indépendance alimentaire du pays et qu’au lieu de favoriser la mise en place des projets de développement dignes des plus grands prédateurs internationaux, ils puissent proposer des micros projets agricoles favorisant les cultures vivrières locales et intégrant les villageois comme d’authentiques partenaires du développement avec les micros crédits par exemple et non de potentiels individus que l’on chercherait à nouveau à esclavagiser en les rendant corvéables à merci au service des intérêts extérieurs de ces multinationales sans scrupules. C’est, j’en conviens, un véritable changement qu’il conviendrait de faire si l’on veut participer de façon responsable au développement des peuples pour le meilleur de leur devenir et épanouissement…

Votre serviteur et éminence grise de service !

Pierre Sarramagnan-Souchier, le 2.11.2011.