Les Bisounours de la pollution automobile

Les acteurs du monde automobile vivent assez largement dans le monde des Bisounours. Que ce soient les constructeurs, les instances européennes et même les automobilistes, tout le monde fait « comme si » les voitures neuves de dernière génération polluaient de moins en moins. Évidemment, il n’en est rien.

C’est un argument plus ou moins récurrent de la filière automobile et des institutions européennes: les nouvelles normes de plus en plus strictes en matière d’émissions de polluants rendraient les voitures neuves d’aujourd’hui quasiment propres…

Voire même, selon certains, les voitures neuves « nettoieraient l’air ambiant », air ambiant pollué au passage par on ne sait qui… Ainsi, Guillaume Faury, directeur recherche et développement de Peugeot PSA, déclarait au journal Le Parisien le 17 septembre 2012: « L’air qui sort du pot d’échappement [d’un diesel Peugeot] est plus propre que l’air qu’il absorbe. »

Les acteurs de la filière ont une propension certaine à nous faire prendre des vessies pour des lanternes. Et le pire, c’est que ça marche! N’importe quel automobiliste qui prétend s’y connaître un peu en matière de pollution vous certifiera que les toutes dernières voitures neuves lavent plus blanc que blanc. En cause, les normes d’émissions européennes dites Euro (Euro 6 pour la dernière) qui contraindraient les constructeurs à construire des voitures toujours plus propres.

Des émissions de NOx 7 fois supérieures aux valeurs imposées par les normes

Eh bien non. Il paraît nécessaire de l’affirmer bien haut une bonne fois pour toutes: ce sont des conneries. On savait déjà que la consommation de carburant des voitures neuves était sous-estimée de 20 à 60% (et donc les émissions de CO2 qui vont avec). Ce sont désormais les émissions de polluants de type NOx (oxydes d’azote) qui sont en cause. Une étude de l’ICCT (International Council on Clean Transportation) portant sur 15 modèles diesel très récents respectant la dernière norme Euro6 ou son équivalent américain met en évidence des émissions d’oxydes d’azote (NOx) en situation de conduite réelle en moyenne sept fois supérieures à celles théoriquement imposées par la norme.

Or, les oxydes d’azote (NOx) ont des effets néfastes pour la santé. En particulier, le dioxyde d’azote est le principal précurseur de l’ozone au niveau du sol, ce qui provoque des problèmes respiratoires importants qui peuvent conduire à une mort prématurée. Les concentrations d’oxydes d’azote dans l’air ambiant en Europe dépassent régulièrement les normes actuelles de l’Union Européenne sur la qualité de l’air, en particulier dans les zones urbaines. Et le secteur des transports en Europe est le plus grand contributeur (environ 40%) en matière d’émissions de NOx.

Les normes européennes régissant les émissions de NOx des voitures neuves sont devenues plus strictes au fil du temps: la limite autorisée pour les émissions d’oxydes d’azote des véhicules diesel a baissé de 500 milligrammes par kilomètre (mg/km) sous Euro 3 (en vigueur en janvier 2000) à 80 mg/km sous Euro 6 (en vigueur depuis septembre 2014).

Les voitures neuves sont certifiées comme répondant aux normes sur la base des résultats d’essais obtenus dans des conditions de laboratoire. Mais les études montrent qu’il y a une énorme différence entre réalité et conditions de laboratoire.

L’étude de l’ICCT a analysé la performance de quinze voitures récentes à moteur diesel, douze certifiées à la norme Euro 6 et trois à l’équivalent américain (Tier 2 Bin 5), à l’aide de systèmes portables de mesure des émissions (PEMS), qui fournissent un flux continu de données sur les véhicules en circulation, y compris les taux d’émission, la vitesse, l’accélération, la pente de la route et la température des gaz d’échappement.

Les émissions ont été mesurées sur 97 voyages, totalisant plus de 140 heures de fonctionnement et 6400 km parcourus. Ceci est la première analyse systématique de la performance réelle des voitures modernes à moteur diesel, et le profil le plus complet disponible du comportement routier de la dernière génération de voitures à moteur diesel.

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Selon ICCT, l’écart entre les émissions officielles d’oxydes d’azote et celles mesurées en situation de conduite réelle n’a cessé d’augmenter ces 15 dernières années. (Source: Le Point)

Quand les constructeurs trichent…

En moyenne, dans le monde réel, les émissions de NOx des véhicules testés étaient environ sept fois plus élevées que les limites fixées par la norme Euro 6. Dans la plupart des cas, les dépassements trouvés ne pouvaient être attribués à une conduite «extrême» ou «atypique». Au lieu de cela, ils sont dus à des augmentations transitoires de la charge du moteur typiques de la conduite de tous les jours, comme par exemple monter une légère pente…

Autrement dit, les constructeurs trichent. Pour que leurs voitures neuves passent la barre des normes Euro 6, ils les testent dans des conditions de laboratoire très éloignées de la réalité de la conduite automobile en condition réelle.

La santé ou le climat, il faut choisir…

Et le pire, c’est qu’apparemment la technologie existe pour réduire réellement les émissions de NOx. Le problème, c’est que ça coûte cher et surtout, ça augmente la consommation de carburant des voitures… et donc les émissions de CO2.

Donc, si vous voulez que votre voiture émette moins de NOx, vous devrez consommer plus de carburant et émettre plus de CO2 dans l’atmosphère. La santé ou le climat, il faut choisir…

Mais rassurez-vous, avec l’augmentation continue du nombre total de voitures à l’échelle mondiale, on aura à la fois les problèmes de santé et le dérèglement climatique.

Les particules fines de la voiture électrique…

C’est pourquoi, dans le monde des Bisounours de l’automobile, on nous dit qu’il faut passer à la voiture électrique. Déjà, voiture électrique ne veut pas dire qu’il n’y aura plus d’émissions de CO2, celles-ci seront justes délocalisées à la sortie de la centrale électrique. Or, le climat se fiche complétement de savoir si les émissions de CO2 sortent du pot d’échappement ou d’une centrale électrique…

Mais le plus drôle (ou triste, c’est selon), c’est que les voitures électriques émettent apparemment autant de particules fines que les voitures à essence! Comment est-ce possible? On nous aurait donc menti?

Une étude indépendante menée par Transport & Mobility, une spin-off de l’Université catholique de Louvain (KU Leuven), révèle ainsi que la voiture électrique produit à peine moins de particules fines qu’une nouvelle voiture à essence. Cela s’explique partiellement par une usure plus rapide des freins et des pneus sur la route!

Cela s’explique notamment par le fait que les voitures électriques pèsent davantage que les voitures à essence, en raison de leurs lourdes batteries. En milieu urbain, où il est nécessaire de freiner souvent, cela engendre une pollution accrue.

« Si la voiture électrique remplaçait toutes les voitures au diesel, cela améliorerait certainement la qualité de l’environnement« , indique le chercheur Bruno Van Zeebroeck au quotidien De Standaard. « Mais remplacez les voitures au diesel par des voitures à essence et le gain pour l’environnement est pratiquement aussi important. Si l’on se concentre uniquement sur la production de particules fines, cela a peu de sens d’investir beaucoup d’argent dans la réalisation d’une voiture électrique« .

Le problème, c’est qu’en France, on investit énormément d’argent dans la voiture électrique, autant en termes de subventions publiques aux constructeurs de voitures qu’en matière de construction de bornes de recharge ou de bonus automobile mirobolants pour les acheteurs de voitures électriques. Tout ceci avec de l’argent public bien sûr, de l’argent qui ne va pas aux transports publics ou au vélo…

6 commentaires sur “Les Bisounours de la pollution automobile

  1. paladur

    Le bluff des constructeurs automobiles me fait « rire ».

    1er étape: On déplore la pollution des véhicules qui circulent en centre-ville.

    2e étape: Les constructeurs automobiles accusent les anciens véhicules et proposent à l’Etat de subventionner la mise à la casse de ces véhicules pour vendre à la place des voitures plus « propres ».

    3e étape: Ils gagnent sur les 2 tableaux en asséchant le marché de l’occasion qui leur échappe et augmentant ainsi leur vente.

    Sachant comme le démontre cet article que ces voitures plus « propre » de 2014 (Euro 3) ne respectent même pas les critères anti-pollutions de l’année 2000 (Euro 6)

    Est-ce que l’Etat va encore succomber à ce chantage? Je parie que oui, sans aucun doute.

  2. damien

    les voitures électriques seront écologiques quand on passera au tout nucléaire après avoir fermé les centrales a charbon et a gaz

  3. Avatar photoMarcel Robert Auteur

    Je pense que tu vis dans le monde des Bisounours Damien…
    Au-delà du choix moral concernant le tout-nucléaire et ses déchets, la voiture électrique nucléaire reste une vue de l’esprit. En effet, dans le cas d’une généralisation de la voiture électrique, il y aurait inévitablement des pics de consommation électrique, pics qui ne peuvent être gérés que par des centrales thermiques…

    Selon une étude de l’ADEME, « si seulement 50.000 véhicules électriques venaient à solliciter simultanément une recharge rapide (40 kW de puissance), c’est l’équivalent de 2 GW qui seraient sollicités avec une réactivité à laquelle uniquement des moyens thermiques à flamme permettraient de répondre (ou des centrales hydrauliques mais dont les capacités sont aujourd’hui déjà mobilisées) ».
    http://carfree.fr/index.php/2012/06/07/le-crash-de-la-voiture-electrique/

    Les partisans de la voiture électrique nous expliquent qu’on rechargera sa voiture la nuit à la maison « pendant les heures creuses »… Sauf que, pourquoi alors lancer un vaste plan de mise en place de bornes de recharge rapide sur l’espace public? Ces bornes seront en grande partie utilisées pendant les pics de consommation…

    Pour le reste, tu n’as pas du lire l’article car je dis justement qu’au-delà de la question du CO2, les voitures électriques émettent des particules fines! (qu’elles fonctionnent au nucléaire ou à l’éolien…).

    Par ailleurs, avant de parler de « voitures électriques écologiques », il faudrait peut-être s’interroger sur le contenu hautement polluant des batteries, sur les métaux lourds qu’elles contiennent, sur les problèmes de non-durabilité de certaines matières premières comme le lithium par exemple, etc.

    Cela fait quand même quelques objections majeures au mythe entretenu par les médias et les constructeurs d’une « voiture électrique écologique »….

  4. Jean-Marc

    « au tout nucléaire »

    renseignes-toi avant :

    le nucléaire a une production relativement stable sur la journée, avec peu de modifications, adaptations possibles.

    Au contraire, la consommation des ménages varie ÉNORMÉMENT au cours d’une journée,

    et, le pire, entre une journée d hiver (avec du chauffage la nuit) ou d été (avec un peu de clim la journée),
    les schémas de consommations, et les pics de consommations, ne sont pas exactement les mêmes)

    => le TOUT nucléaire est impossible… à moins de produire, en moyenne, 5-6 fois plus d élec que nécessaire, pour couvrir les pics de consommation…

    [ce qui serait un gâchis stupide.. même si c est, actu, deja ce que la france fait (d’où la tarification « heure creuse », mais toute la production des heures creuses n est pas consommée, n est pas utilisées) les centrales hydro, ou au fioul font la finition, l appoint final, et le fioul-charbon font le gros appoint => pour utiliser moins de charbon+fioul en france, il faut moins consommer d élec entre 7h30 et 8h30 et entre 18h30 et 22h]

    Par contre, comme la moyenne des distances parcourues par un français est de 25.2km/jour,
    il existe, pour une large majorité des francais(es), d autres modes de déplacements que la voiture, parfaitement adaptés à une majorité des trajets réels des français.


    référence pour les 25,2km de distance journalière des français :

    http://www.planetoscope.com/automobile/114-nombre-de-kilometres-parcourus-les-francais.html

  5. pedibus

    Une étude qui devrait logiquement rendre perplexe tout technophile, et tout europhile à la sauce institutionnelle actuelle avec son lobbying très efficace. Même les normes euro ne nous dispenseraient donc pas de l’aggravation de la pollution de l’air. Quant aux effets calamiteux en termes d’étalement urbain, de perte d’urbanité de l’espace public et de ponction de ressources économiques pour le seul besoin de se déplacer on est toujours au même point, automobile nucléaire comprise…

  6. Avatar photoCarfree

    Concernant les émissions de particules fines liées aux plaquettes de frein et à l’usure des pneus, cela ne concerne évidemment pas seulement les voitures électriques.

    Le sujet commence à prendre de l’ampleur avec un article du Figaro à ce sujet. Extrait:

    « L’Institut national des sciences appliquées de Lyon estime que l’abrasion des plaquettes de freins produit, à elle seule, 20.000 tonnes de poussières par an en France. Pour un véhicule type Renault Scénic, l’usure des plaquettes de freins engendre une production d’environ 30 mg de particules par kilomètre parcouru. À titre de comparaison, la norme Euro 6b, qui s’appliquera à tous les véhicules neufs à compter du 1er septembre 2015, limitera à 5 mg/km la masse de particules émises par les diesels et 4,5 mg/km celle des moteurs essence. »

    Source: http://www.lefigaro.fr/automobile/2014/12/16/30002-20141216ARTFIG00027-particules-d-origine-automobile-le-moteur-n-est-pas-le-seul-responsable.php

    C’est proprement (ou salement) hallucinant: les seules émissions de particules liées à l’usure des plaquettes de frein sont six fois plus importantes que les émissions permises par la future norme Euro6b…

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