Les États-Unis premier producteur de pétrole au monde

Incendie en Californie, Supernova au Dakota

Deux catastrophes parmi tant d’autres catastrophes, rien de bien nouveau sous le soleil des États-Unis, car aujourd’hui comme hier il y a bientôt un siècle: « ce qui est bon pour Big Oil reste bon pour l’Amérique »…

Puisque c’est véridique et officiel, il faut l’accepter… Ce sont les barils qui parlent. Pour rompre avec la routine et remonter le moral des « drilling-babies » c’est donc à juste titre qu’est célébré urbi et orbi, à Houston comme au monde, la nouvelle sensationnelle de ce début de siècle, les États-Unis d’Amérique sont redevenus le premier producteur de pétrole en 2014 et le restent en 2015. L’exploit a pu se réaliser avec la mise en exploitation intensive des hydrocarbures de roche mère. En 2011 déjà, grâce aux gaz de schiste, le pays s’était hissé à la première place devant la Russie pour la production de gaz naturel. Et avec la ruée vers l’or noir dans le Dakota du Nord, la performance s’est donc étendue aux hydrocarbures liquides. « America is back ». Mais est-ce réellement un événement ? Et comment l’interpréter dans son contexte ?

« Drill baby drill ! »

L’annonce solennelle retransmise et amplifiée dans les médias a certainement produit son effet sensationnel. Mais pour assurer cela, il ne faut pas qu’on sache que, par cet exploit aussi exceptionnel que criminel, ce pays est devenu de fait le premier consommateur de pétrole pour produire du pétrole. Ou, si ce n’est pas encore le cas, il partage dans cette performance peu reluisante la première place avec l’Alberta au Canada et ses sables bitumineux… Un baril de pétrole est nécessaire pour en extraire trois ou quatre, cinq à tout casser par la fracturation hydraulique de la roche mère alors que pour le bon vieux pétrole conventionnel le rapport était de un pour trente aux États-Unis dans les années 1970 au moment fatidique où le pays passait son Peak Oil et de un pour 100 avant la Seconde Guerre mondiale… Ce rapport ERoEI (Energy Return on Energy Invested), énergie récupérée sur énergie investie, doit être gardé en mémoire car il donne l’exacte mesure de l’exploit. Avec ce « 1 pour 5 » comparé à celui d’avant guerre, il est lamentable… alors « drill baby drill ! »

Incendie en Californie

Pendant ces temps de célébration nationale de l’America great again, la Californie n’est pas à la fête, elle est à sec et par endroit en proie aux flammes. « Central Valley meurt de soif ». Essuyant pour la cinquième année consécutive un déficit pluviométrique exceptionnel, la guerre de l’eau est déclarée dans ces contrées de rêve de la Côte Ouest. « New dust blow », nouvelle tempête de poussière, comme au temps des « Raisins de la Colère » qui menèrent les cultivateurs ruinés de l’Oklahoma, les Okies, en Californie, « pray for rain » peut-on lire sur des écriteaux (1).

Comme partout aux États-Unis, la Californie ne manque pas de pétrole pour affronter avec efficacité un incendie. Rappelons que cet État qui fut celui de la Grande Ruée vers l’or, avait judicieusement, comme celui de New York, décrété un moratoire sur l’exploitation des gaz de schiste. Elle transpire le pétrole par tous ses pores et pour comble de malchance en cette situation de stress hydrique historique, une marée noire par rupture d’oléoduc ravage son rivage maritime du côté de Santa Barbara.

Mais si aujourd’hui la Californie croupit sous une situation de sécheresse exceptionnelle, « la pire de son histoire », l’état de pénurie hydrique concerne l’ensemble des États-Unis…

Le « mode de vie (et d’industrie) non négociable » lié au pétrole en est la principale cause. Répétons-le et précisons, aux États-Unis la pénurie d’eau n’est pas absolue, loin s’en faut, elle est quasi-totalement artificielle, liée au « mode de vie » créée de toute pièce par l’oligarchie pétrolière qui contrôle le pays depuis le début du 20e siècle, dont les origines remonte au monopole de la Standard Oil… Le pétrole a généralisé le mésusage de l’eau et des espaces et pas seulement en s’emparant de l’agriculture… Mais comme le dit un mot d’ordre patriotique célèbre de l’oligarchie industrielle, « Ce qui est bon pour General Motors [ou la Standard Oil ou Houston] est bon pour l’Amérique ». Big Oil et General Motors sont-ils concernés par le stress hydrique du pays ?

Lire aussi :  Construction d’autoroutes et crise pétrolière

La performance claironnée ne précise pas non plus que l’exploit pétrolier avec la fracturation hydraulique de roche mère fait aussi des États-Unis le premier consommateur d’eau pour produire du pétrole. C’est justement ce qui fait que dans ce pays en stress hydrique chronique la performance exceptionnelle est de fait tout aussi criminelle que dans l’Alberta. Le cartel pétrolier est encore à la manœuvre dans ce nouveau mésusage de l’eau. Inutile d’insister sur les risques sanitaires et environnementaux par pollution chimique des cours d’eau et des aquifères…

Supernova dans le ciel du Dakota

Une image satellite des États-Unis de nuit produite par la NASA, a révélé l’apparition récente d’une large tache brillante dans le Dakota du nord. Pourtant, dans cet État rural point de nouvelle grande ville construite… la lueur est suspecte, mais les experts n’ont pas eu de difficulté à élucider l’origine de la Supernova apparue dans le ciel nocturne de ces contrées peu urbanisées: le « torchage du gaz » de tous les puits de forage est devenu visible de l’espace…

Inutile d’insister sur le bilan carbone de l’exploit… Vue des satellites, l’exploitation des hydrocarbures de schiste par la densité surfacique des puits se présente au choix comme un immense incendie ou la gabegie d’énergie d’une mégalopole… Dans les deux cas, on est plutôt dans le désastre environnemental que dans la performance énergétique…

Avec l’exploit de la supernova, les États-Unis ont ainsi rejoint le groupe des « big five » de la gabegie d’énergie au puits, les États les plus « torcheurs » de la planète avec la Russie, le Nigeria, l’Iran et l’Irak (2). Répétons-le et précisons, pour accomplir son exploit, la première puissance mondiale avec sa haute technologie pétrolière en est réduite aux pratiques archaïques et sordides du siècle passé. Elle se hisse au rang d’un pays sous-développé soumis à la tyrannie des transnationales pétrolières… du Shell au Nigeria dès l’après guerre… et bientôt en Alaska… pour torcher…

Rose pour Big Oil…

Sensationnelle nouvelle certes… mais remis dans son contexte environnemental et industriel, l’événement pétrolier claironné urbi et orbi par les agences de propagande institutionnelles AIE et EIA étasuniennes (3) est en définitive une nouvelle catastrophe parmi tant d’autres catastrophes (4), soit, pour ce pays, un non-événement, la routine séculaire sous la houlette de Big Oil. Les non-dits de la nouvelle en disent long sur le niveau de désinformation… Pour ce titre officiel, les États-Unis en décrochent trois autres… Premier consommateur mondial de pétrole pour produire du pétrole, premier ex aequo avec l’Alberta pour la consommation d’eau dans la production de pétrole et fort probablement déjà premier « torcheur » du monde selon les données imagées de la NASA… Les mésusages de l’un et l’autre (pétrole et eau) s’intensifient pour être aujourd’hui visibles de l’espace. Un non-événement, donc, puisqu’il ne fait que confirmer le vieux statu quo du pouvoir pétrolier sur le pays par l’exacerbation de sa tyrannie. Avec ce triple titre, la décennie Obama s’inscrit en continuité de celle de Bush, probablement l’une des plus roses pour « Big Oil » dans l’Histoire récente des États-Unis et certainement l’une des plus noires pour le climat…

Juin 2015 – JMS

(1) Le Monde | 16.07.2014 | Claudine Mulard (Terra Bella, Californie, envoyée spéciale) « En Californie, Central Valley meurt de soif »
(2) Le Monde.fr | 29.01.2013 | Angela Bolis « Le gaspillage de gaz brûlé par les compagnies pétrolières vu du ciel »
(3) AIE: Agence Internationale de l’Énergie; EIA : Energy Information Administration Official Energy Statistics from the U.S.
Government.
(4) Voir la série sur le site Carfree « Une catastrophe parmi tant d’autres catastrophes« 

5 commentaires sur “Les États-Unis premier producteur de pétrole au monde

  1. pedibus

    Encore une fois on peut constater le pouvoir pédagogique des cartes et de l’imagerie satellitaire…

  2. Vincent

    Remplacer systématiquement « production/producteur » par « extraction/extracteur », vu que c’est la nature qui a produit ce pétrole et qu’on est incapable de faire la même chose avec les mêmes caractéristiques.

    À quand la fin des subventions aux agrocarburants?

  3. françoise

    C’est vraiment abominable ! On tombe vraiment dans l’ horreur ! Mais merci quand même pour l’information…

  4. Loule

    Et dire que ce pays prédateur construit sur l’élimination des amérindiens et l’esclavage (remplacé par le salariat et la prison ) se prétend une démocratie et qu’ils sont encore nombreux à faire comme si ils  y croyaient. Et bien sur leur président fantoche viendra en boeing 747 à Paris nous faire la leçon de l’écologie.

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