La honte de prendre la voiture

En Suède, la honte de prendre l’avion en raison de son impact sur le climat est devenu un phénomène bien réel, le « flygskam », qui gagne de plus en plus la population. Désormais, les Suédois sont nombreux à préférer le train pour leurs déplacements. Quand va-t-on avoir honte de prendre la voiture?

Un article du magazine Géo traite d’un phénomène nouveau, la « honte de prendre l’avion ». En cause, les émissions de CO2 du secteur aérien qui participent fortement au réchauffement climatique.

C’est entendu, l’avion est véritablement un mode de déplacement nuisible au point où il serait même sans doute souhaitable d’interdire purement et simplement l’aviation civile. L’aviation connaît en effet la même évolution que l’automobile individuelle. Au début réservée à une élite de riches, elle s’est démocratisée, en particulier à cause des lignes à bas coût et du kérosène détaxé. Aujourd’hui, l’ensemble de la classe moyenne occidentale peut aller passer une semaine en avion à l’autre bout du Monde. Tout ceci provoque une hausse sans précédent des émissions de CO2 (+61% pour la Suède depuis 1990).

A ce titre, il faut rappeler ici le combat mené il y a quelques années par Pierre-Emmanuel Neurohr, qui a quand même passé deux mois en prison pour avoir simplement empêcher des avions de décoller sur l’aéroport Charles-de-Gaulle.

Alors oui, il faut effectivement avoir honte de prendre l’avion. Et au passage, tous les « people » qui nous donnent des leçons en matière de lutte pour le climat devraient peut-être commencer par arrêter de prendre l’avion. On pense ici à Juliette Binoche et son « défilé pour la climatisation » ou Arielle Dombasle qui nous explique qu’il faut sauver le climat depuis un avion et une voiture

Au-delà de la « honte de prendre l’avion », il faut aussi s’interroger sur le fait de prendre la voiture. Car, dans le domaine des émissions de Gaz à Effet de Serre (GES), ce qui compte, c’est la quantité totale de GES qui est émise. Or, dans ce domaine, la voiture et le transport routier en général arrivent bien devant le transport aérien.

Ainsi, pour la France, en 2015, c’est le secteur des transports qui arrive en tête pour les émissions de GES, avec 136,3 millions de tonnes, soit 29,4% de l’ensemble des émissions de GES. Au sein du secteur des transports, le trafic routier, en 2015, est largement majoritaire, puisqu’il représente près de 95% des émissions de cette catégorie. Si on parle des seules voitures particulières, c’est-à-dire sans les camions et les véhicules utilitaires, cela représente 53,2% des émissions de GES du secteur des transports. A titre de comparaison, le transport aérien est responsable quant à lui d’environ 3,5% des émissions de GES du secteur des transport. Dit autrement, les seules voitures particulières en France provoquent 15 fois plus d’émissions de GES que le transport aérien.

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Par ailleurs, on parle ici d’émissions de Gaz à Effet de Serre liées uniquement au fonctionnement des voitures et des avions. Vous savez, ce que les constructeurs de voitures appellent le taux d’émissions de CO2 par kilomètre. Tout ceci ne tient pas compte des émissions de GES liées à la fabrication des avions ou des voitures, à la fabrication du carburant ou à la réalisation et l’entretien des routes ou autres pistes des aéroports. Car tout ceci entre dans une autre catégorie que le transport, en l’occurrence l’industrie manufacturière ou l’industrie de l’énergie, si et seulement si ces voitures, avions ou carburants sont produits en France. Pour des voitures produites entièrement à l’étranger par exemple, ce qui est de plus en plus fréquent avec la mondialisation et les délocalisations, les émissions de GES ne sont même pas comptées comme des émissions françaises. Cocorico, sauf que pour le climat de la planète, cela ne change pas grande chose que les émissions proviennent de France ou de Chine.

En matière de production, si on produit et vend sans doute plusieurs centaines d’avions par an, il se vend en France en moyenne deux millions de voitures neuves chaque année… Chaque voiture pèse au moins une tonne et nécessite environ 30 tonnes de matières premières pour être produite. Matières premières diverses et variées qui elles-mêmes nécessitent des émissions de GES importantes pour être extraites, transformées et transportées.

Tout ceci pour dire que les émissions de GES du secteur des transports sont beaucoup plus importantes que ce que les chiffres officiels disent, car pour être exhaustif il faudrait prendre en compte la production des avions ou voitures, la production du carburant ou la réalisation des routes. Si on prenait en compte tous ces éléments, la part de la voiture particulière serait donc encore plus importante alors qu’elle est déjà officiellement 15 fois plus importante que la part du transport aérien.

Pour finir, on ne parle ici que des émissions de Gaz à Effet de Serre. On pourrait aussi faire le compte des multiples polluants de l’air dont la plus grande partie en milieu urbain provient des voitures: oxydes d’azote (NOx), monoxyde de carbone, particules (des suies aux nanoparticules), benzène, dioxyde de soufre SO2, hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), etc.

Alors oui, les Suédois ont sans doute raison de lancer un mouvement concernant « la honte de prendre l’avion ». Mais, si on est un tant soit peu honnête avec soi-même, il faut surtout avoir honte de prendre la voiture.

Dessin: Mix & Remix

7 commentaires sur “La honte de prendre la voiture

  1. Letard

    Bonjour à tous,

    Plutôt que de parler de honte, je préfère parler de bêtise, de stupidité, de conne … surtout quand il s’agit de s’approcher du ou des pots d’échappements du véhicule motorisé qui est devant et qui émet ou émettent des gaz viciés, ce qui génère la conséquence de la sottise suprême, la formation d’embouteillages d’automobiles.

    Est-ce parce qu’ils ou elles n’ont pas les pieds sur terre en conduisant assis à leur volant que des automobilistes ont ce comportement idiot?

    Pour moi, il est même préférable de ne jamais passer un permis de conduire un véhicule à moteur à essence ou diesel, car cela équivaut à un droit d’empoisonner et de s’empoisonner ainsi que de parfois tuer ou blesser gravement. Mais peu me semblent s’en rendre vraiment compte.

    De même qu’un fumeur, pour moi, paie des taxes pour s’empoisonner et, éventuellement, empoisonner d’autres, l’automobiliste paie des taxes aussi pour s’empoisonner à son volant ou empoisonner des proches sur des voies publiques ou même à l’intérieur de l’habitacle.

    A votre service.

  2. Prolo

    Je ne crois pas que puisse apparaître une « honte de la voiture » dans des sociétés où la plupart des gens ont une voiture. La « honte » est le résultat d’un jugement moral exercé par la société, envers des individus dont le comportement est jugé déviant. Si une « honte de l’avion » commence à apparaître, c’est parce qu’il y a suffisamment de gens qui ont les moyens de prendre l’avion, et ne le font pas, et exercent une pression sociale sur leurs pairs pour qu’ils y renoncent eux aussi.

    Il ne faut pas espérer qu’un tel sentiment de honte émerge chez les politiques, les artistes célèbres et autres personnes publiques riches : ces gens sont « nés avant la honte ». Entre le ministre du numérique qui a pleurniché pour avoir une grosse Citroën DS7 au lieu d’une grosse Renault Talisman, la ministre de l’écologie qui a fait un excès de 40km/h pendant une période de pollution (son excuse : elle ne savait pas. Sic.), l’ancien ministre de l’écologie qui part à l’autre bout du monde faire de la pub pour du shampooing et avait 7 voitures… cette sorte de gens vit dans un entre-soi total. Il n’y a aucune chance qu’ils se fassent reprocher leur usage de l’avion par quelqu’un qu’ils respectent. Le seul moment où un tel reproche pourrait leur être fait, c’est par quelqu’un qu’ils ne considèrent pas comme un égal, et donc qui ne peut leur faire honte : Un méchant journaliste qui fait son travail, un sale pauvre de gilet jaune..

    À l’inverse, c’est tout à fait possible que des gens des classes moyennes en connaissent d’autres qui leurs reprochent leur usage de l’avion, voire fréquentent et respectent des gens plus pauvres qu’eux qui ne peuvent pas prendre l’avion. D’où la possibilité d’une « honte de l’avion ».

    Dans une société du « tout voiture », il peut exister une forme de honte de la voiture, mais par rapport à des critères précis :

    – les tentatives de faire honte aux pauvres en désignant les vieilles voitures comme responsables de la pollution,

    – le fait d’ « afficher » les conducteurs dangereux et agressifs, en utilisant des caméras embarquées sur d’autres véhicules (camions, voitures, vélos..) et en publiant (parfois : avec la plaque d’immatriculation et les visages visibles) les moments où quelqu’un fait vraiment n’importe quoi.

    – je me souviens d’une affiche de propagande du gouvernement des USA pendant la 2WW, qui critiquait l’autosolisme et incitait au covoiturage, parce que le carburant était une ressource critique en temps de guerre. Peut-être qu’on va voir ré-apparaître cette « honte de l’autosolisme » ?

  3. pedibus

    mais que fout-donc le Où-est-le-bec… ?

    qu’est-ce qu’il attend pour nous torcher de suite un roman anti-bagnolard et clouer le baigneur aux fils-de-pub et autres ciné-suintants idolâtres de Ste-Gnognole…?

    foutre la honte et miner le caisson en dé-zizi-déologisant la chose c’est faire appel à toutes les techniques, plus ou moins pine-de-mouche question procédés chiadés :

    ô zarts citoyens… !

     

    boaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa

  4. Gilet Jaune

    La voiture, c’est le symbole de ma réussite et de mon « pouvoir d’achat ».

    Si je met un Gilet Jaune, ce n’est pas pour renoncer à mon « pouvoir d’achat », non mais !

    Dehors les écolos !

  5. jol25

    Je ne sais pas comment comprendre le commentaire de Gi(troll)let Jaune. Je n’imagine même pas le 1er degré possible ?! Si ? Ce serait dur… Pour le bien de l’humanité, je préfère le prendre en mode ironique. Restons optimistes.

  6. Ikook

    Le gilet jaune qui nous dit dehors les écolos sait-il que certains cyclistes sont gilets jaunes?

    J’ai parlé avec une dame cette semaine (qui fait tout en vélo). Elle me dit « j’ai horreur de ces gilets jaunes quand je fais du vélo ». Je lui réponds « ah bon, vous n’aimez pas mettre de gilet jaune? même le samedi? » et elle m’a répondu « le samedi, c’est différent » avec un petit sourire.

    donc, ce n’est pas « dehors les écolos' » mais plutôt « que la voiture peut rendre con ». D’ailleurs, associer sa voiture avec son pouvoir d’achat… Donc, si tu as une voiture, c’est que tu as une vie super, que tu manges bien, que tu peux écouter de la musique, lire, aller au cinema, aller voir un concert.. et si tu n’as pas de voiture, c’est que tu manges mal, que tu as une vie de merde, que tu ne peux jamais aller au cinéma, ni à un concert, pas t’acheter de livres, pas avoir de machine à laver, ne pas mettre de confitures sur sa tartine le matin?

    Réfléchis un peu, monsieur le gilet jaune… N’as tu pas vu que tous les jours et principalement le samedi, des masses de gens mettant un gilet jaune n’associent pas leur pouvoir d’achat à la possession d’une voiture?

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