Borloo abandonne le Grenelle au bord de l’autoroute

C’était une des « révolutions » promises par le Grenelle de l’environnement : la fin des constructions d’autoroutes. Parole de Borloo. Question : que vaut une parole de Borloo ? On le sait aujourd’hui : rien !

Profitant de la panique générale créée par l’affaire Woerth- Bettencourt, il a annoncé sans trop faire de bruit, le 1er juillet, la construction de trois nouvelles autoroutes. D’abord entre Castres et Toulouse, ensuite un doublement de l’A9 du côté de Montpellier, enfin, la mise en concession de la nationale entre Dreux et Orléans. Un sincère bravo pour cette dernière facétie, qui consiste à privatiser une route construite par l’argent public – la nationale – avant d’en confier la gestion à un groupe, qui se gavera grâce au péage. Longtemps. Disons, mille ans.

Pourtant, Borloo ne peut pas être un démagogue, puisqu’il est ministre de monsieur Sarkozy. C’est donc avec perplexité que Charlie s’est penché sur l’histoire du Grenelle de l’environnement qui s’est achevé à Paris en octobre 2007. En deux mots, notre si bon président avait alors annoncé une complète révolution écologique, annonçant un « Grenelle mondial ». Et Jean-Louis d’annoncer de son côté la « fin du paradigme fondé sur la priorité aux infrastructures routières et aéroportuaires ».

Le Monde, titrait alors : « A l’ouverture des débats, M. Borloo a annoncé au journal Le Monde la décision d’arrêter la construction d’autoroutes [sauf les contournements de villes]. » Le journal L’expansion du 24 octobre 2007 ajoutait à l’intention des sceptiques : « En contrepartie, Jean-Louis Borloo promet de développer de grands axes ferroviaires pour les camions. « On lance deux grandes lignes nord sud-est et nord sud-ouest et il faut avoir tout bouclé dans les trois ans. » Trois ans, au fait, c’est maintenant ! Les lignes, finalement, faut pas en abuser…

Surtout ne pas ricaner, car quand la parole d’un ministre d’Etat est engagée, eh bien, elle est engagée. Presque. Un an après, début septembre 2008, Jean-François Roverato, PDG d’Eiffage, le troisième groupe français de BTP derrière Bouygues, et Vinci exulte : « C’est une très bonne nouvelle. Cela lève les interrogations sur trois projets qui étaient d’actualité depuis des années mais avaient été mis en « stand-by » depuis le Grenelle de l’environnement ». Sarkozy et Borloo viennent alors de débloquer 800 millions d’euros pour le contournement de Strasbourg, l’A63 entre Bordeaux et l’Espagne, ainsi que l’A150 entre Rouen et Le Havre. On se moquerait des promesses ? Peut-être bien.

Lire aussi :  Campagne "Une voiture en moins"

Des bacs à fleurs aux péages

Ce qui n’interdit pas l’humour. Le 25 janvier 2010, on apprend la signature d’un accord « historique » – pardi – entre deux sociétés d’autoroutes filiales de Vinci et Sanef, et Borloo. Celles-ci s’engagent à « verdir » leurs 5 947,5 km d’autoroutes à hauteur de 1 milliard d’euros. Texto. « Verdir ». On fera des passages pour les crapauds, on rénovera les aires de repos et l’on remplacera les fosses sceptiques. Tout est rigoureusement vrai. En échange, l’Etat accordera une année de plus de concession aux deux sociétés, sans préciser bien sûr ce qu’elles gagneront au bout du compte. Ca vaut combien, une année de plus ?

Le lancement annoncé le 1er juillet de trois autoroutes supplémentaires a irrité Stéphen Kerckhove (Agir pour l’environnement) et Olivier Louchard (Réseau action Climat), deux associations partenaires du Grenelle. Dans un communiqué commun, ils notent : « S’il fallait une preuve supplémentaire de la mort clinique du grenelle de l’environnement, cette triple décision ministérielle permettrait d’étayer les doutes des acteurs associatifs les plus critiques. » Stéphen Kerckhove s’en prend directement à Borloo : « En la circonstance, trop c’est trop. Le fait est que l’on assiste à la relance du programme autoroutier en France. Une dizaine de projets sont encore dans les tiroirs, prêts à sortir. Et parmi eux, la Route Centre Europe Atlantique (RCEA) qui devrait relier Genève à Bordeaux en passant par Mâcon. » Borloo aurait donc menti depuis le début ? C’est affreux.

Charlie Hebdo – 13 juillet 2010 – Fabrice Nicolino

14 commentaires sur “Borloo abandonne le Grenelle au bord de l’autoroute

  1. LEGEOGRAPHE

    Je pense que l’on pourrait, à l’approche de l’élection 2012, proposer la signature d’un « pacte Hublot » : comprendre par là que les politiciens s’engageraient à regarder les emmerdes écologiques de bien haut, d’un hublot d’avion (ou d’hélico), sans pour autant agir pour éviter les emmerdes écologiques. En gros, un peu d’ironie qui à mon avis serait une bonne piqûre de rappel aux élus (ça, ils vont s’en foutre au début comme ils s’en foutent depuis 5 ans… à commencer par l’exécutif élu, à savoir notre cher Président) et aux électeurs (une fois que la piqûre sera faite aux électeurs, les élus se mordront peut-être les doigts de s’en être foutus).
    Est-ce que Carfree est prêt à lancer un « Pacte Hublot » ?

    Pacte Hublot, parce que « la Terre est noire comme une orange… pourrie » (merci, Paul Eluard) !

  2. CarFree

    L’idée me paraît très bonne! Il faudrait un « texte en x points », peut-être en reprenant le pacte hulot pour mieux le détourner… et aussi une pétition à signer!
    En tout cas, ça me rappelle la première action de Borloo en tant que ministre de l’écologie: prendre un avion pour aller constater le réchauffement climatique au pôle nord : (sans doute depuis son hublot…)

  3. LEGEOGRAPHE

    Oui, tout à fait, c’est l’image du « hublot » que j’avais…
    Une constatation bien au chaud, qui laisse pantois face à tous les désastres, mais qui ne change rien à la « praxis » (« oh, demain, j’aurai oublié quand je devrai amener mes gosses à l’école en voiture pour faire les 500m qui séparent l’école de ma maison).

    Sinon, ce pacte Hulot ne doit pas (à mon sens) être une attaque ciblée contre Nicolas Hulot (même si l’on a pu se demander, ici même sur le site Carfree, si Hulot avait joué au plus hypocrite en se mesurant pourtant face aux grands ténors, à savoir quelques ambitieux viciés depuis le bac à sable). Le texte « Hublot », qui est encore à créer, se doit juste (à mon sens, toujours) de constater l’inefficacité de ce pacte Hulot « EN RAISON » d’une volonté politique faiblarde dans le domaine écologique, un domaine qui fait refleurir toujours plus haut les belles promesses qui s’effacent vite derrière les intérêts économiques court-termistes.

    Et le calembour Hulot-Hublot serait en quelque sorte un rappel facile de tous les engagements pris 5 ans auparavant en demandant la signature du candidat N. Sarkozy pour lui demander qu’il reconnaît être confortablement assis devant son hublot… Et peut-être demander largement aux citoyens français (et même les non-Français sur le territoire, puisque l’écologie les concerne très bien aussi) de signer pour que cesse cette « politique du hublot » (après la politique de l’autruche »).

    Bref, plein de choses auxquelles penser… Je suis prêt à lancer cela.

    Tout compte fait, je me demande même si l’on ne pourrait pas décrocher de l’intéressé (Nicolas Hulot) un aveu d’impuissance dans la suite que le signataire élu (Nicolas Sarkozy) donne à ce Pacte Hulot… Puisque Nicolas Hulot, pour l’écologie, aurait tout intérêt à reconnaître sa

  4. LEGEOGRAPHE

    Oui, tout à fait, c’est l’image du « hublot » que j’avais…
    Une constatation bien au chaud, qui laisse pantois face à tous les désastres, mais qui ne change rien à la « praxis » (« oh, demain, j’aurai oublié quand je devrai amener mes gosses à l’école en voiture pour faire les 500m qui séparent l’école de ma maison).

    Sinon, ce pacte Hulot ne doit pas (à mon sens) être une attaque ciblée contre Nicolas Hulot (même si l’on a pu se demander, ici même sur le site Carfree, si Hulot avait joué au plus hypocrite en se mesurant pourtant face aux grands ténors, à savoir quelques ambitieux viciés depuis le bac à sable). Le texte « Hublot », qui est encore à créer, se doit juste (à mon sens, toujours) de constater l’inefficacité de ce pacte Hulot « EN RAISON » d’une volonté politique faiblarde dans le domaine écologique, un domaine qui fait refleurir toujours plus haut les belles promesses qui s’effacent vite derrière les intérêts économiques court-termistes.

    Et le calembour Hulot-Hublot serait en quelque sorte un rappel facile de tous les engagements pris 5 ans auparavant en demandant la signature du candidat N. Sarkozy pour lui demander qu’il reconnaît être confortablement assis devant son hublot… Et peut-être demander largement aux citoyens français (et même les non-Français sur le territoire, puisque l’écologie les concerne très bien aussi) de signer pour que cesse cette « politique du hublot » (après la politique de l’autruche »).

    Bref, plein de choses auxquelles penser… Je suis prêt à lancer cela.

    Tout compte fait, je me demande même si l’on ne pourrait pas décrocher de l’intéressé (Nicolas Hulot) un aveu d’impuissance dans la suite que le signataire élu (Nicolas Sarkozy) donne à ce Pacte Hulot… Puisque Nicolas Hulot, pour l’écologie, aurait tout intérêt à reconnaître l’échec relatif (et je pense sincèrement que Nicolas Hulot a beaucoup changé depuis 2007, en tout cas il a mieux changé que d’autres…).

  5. Baillecyclist

    Il y a déjà le pacte contre hulot, avec 10000 signatures remis à la fondation Nicolas Hulot, à vélo au départ de Lyon.
    J’espère que les lecteurs de carfree l’ont signé.

  6. LEGEOGRAPHE

    Pour ceux qui chercheraient la page du Pacte, en voici une sur le site officiel.

    http://www.pacte-ecologique.org/agissez/jesigne.php

    En fait, on pourrait tout simplement rajouter des apartés sur les tirets présents sur ce pacte et démontrer par des gestes évidents la fatuité du Président.

    Pour rappel, la fatuité a déjà causé des problèmes de langage à notre Président (il avait alors dit « fatuitude », un mauvais mot qui avait moins fait la une que la « bravitude » de Ségolène Royal) :
    http://www.liberation.fr/politiques/010120041-apres-la-bravitude-de-royal-la-fatitude-de-sarkozy

  7. CarFree

    Dans le genre « politique du hublot », il y a aussi barack obama ou l’art de confier à une entreprise privée responsable d’une pollution majeure la responsabilité de « dépolluer »… C’est une manière très aérienne de gérer les problèmes écologiques…

  8. LEGEOGRAPHE

    Oui, j’ai déjà lu le Pacte contre Hulot et je crois avoir participé à la discussion. Personnellement (mais ce n’est qu’un avis personnel), Nicolas Hulot a des choses à se reprocher et son mérite est de se les reprocher dorénavant !
    Alors, je ne continue pas à le tailler…

  9. joshuadu34

    Ah, la mise en place des « quenelles de l’horriblement » !!! Grand moment, que celui de la dénonciation par l’humour, j’attends ça avec impatience ! Pour en revenir à Hulot, je suis, comme certains, à priori, ici, attentif à ce qu’il retiendra de ses accords gouvernementaux… Retiendra-t’il la leçon, comprendra-t’il que, comme ce fut le cas pour bien d’autres causes sociales, les mesurettes ne sont mises en place que pour museler et que, sans une appropriation de la nécessité, et de vrais combats, rien ne change jamais (souvenez vous, quand même, que la guerre de cessetion américaine fut, soit disant, faite pour « libérer » le peuple noir de l’esclavage mais qu’il aura fallut attendre les années 1970 et les mouvements plus « violents » tel celui des Black Panther pour voir enfin ce peuple libéré de la ségrégation raciale) ?

    L’évolution de certains est quand même rassurante, il n’y a qu’à voir les positions de certains, tel Yves Paccalet qui fut décrié après son « l’humanité disparaitra », taxé négativement alors que ce coup de gueule est suivit, très vite, de vraies propositions dans « sortie de secours », sans doute un des rare bouquin à offrir des perspectives réalistes, même si, mais c’est un avis personnel, ces propositions ne vont pas jusqu’au bout de ce qui avait été entamé avec « l’humanité disparaitra »… Bref, une piste à suivre…

  10. Vincent

    Ces décisions politicienne sont de véritables provocations. Borloo finira le nez dans la poussière, à un point qu’il n’imagine même pas !

  11. joshuadu34

    900 kms de plus d’ici 2016 et, pour faire plus joli, le tout est enrubanné dans une magnifique rosette decernée à Bouygues par le commandeur en chef des farces armées ! Si après ça, il n’est pas clair que le grenelle de l’environnement n’était, une fois de plus, que de l’esbrouffe, que la vaseline d’une carotte qu’il est de plus en plus difficile de ne pas sentir, c’est qu’il faut consulter, en urgence, un neurologue pour soigner les insensibilités anales !!!

    Alors oui, Vincent, Borloo pourrait mordre la poussière, mais pour ça, va falloir la secouer un peu, cette poussière, voir faire trainer les pattes pour faire tomber ces salopards ! Si on attends qu’ils tombent seuls, pas sûr que nous serons encore là le jour où ça arrivera ! En tous cas, l’apathie générale ne laisse rien présager de bon, dans ce sens ! Et l’attentisme a depuis bien trop longtemps prouvé son inefficacité, tout comme la croyance dévote en des promesses qui, comme ils le disent eux même, n’engagent que ceux qui y croient !

    Reste deux solutions : continuer à croire en ces promesses et continuer à nous lamenter sur un monde en perdition jusqu’à sa fin (et, en tous cas, la notre), continuer à croire que la démocratie, c’est le droit, pour quelques uns, de piller, de détruire, de réduire en esclavage et de préparer un avenir désastreux pour nos enfants, où réagir et arrêter de croire que la violence, c’est réclamer la justice, l’égalité et le respect (respect de l’homme, mais aussi et surtout de son environnement), leur montrer que la seule démocratie qui vaille le coup est celle qui rend les hommes égaux devant la vie, et qui respecte la vie dans son ensemble, et accepter de considérer enfin une réalité simple, celle d’une guerre menée chaque instant par ce système contre l’humanité et au nom du profit et de l’égocentrisme, guerre qui, si nous refusons de la mener, si nous leur laissons la victoire, ne peux mener qu’à un seul terme : la destruction de l’homme et d’une grande partie de l’écosystème terrestre…

  12. Alain

    A Tours, l’A10 dans sa partie urbaine pollue au dessus des normes sanitaires. Les verts de Tours, alertésn ne font rien, une association écologiste d’importance ne dit mot, le maire de Tours renvoie gentiment au préfet, la région baisse la tête, le ministère de l’écologie renvoie au préfet, les instances européennes parlent de la réglementation mais renvoie son application à tard, le préfet renvoie à une espèce de commission, l’A10 continue de polluer…

    Quelques semaines plus tard, le préfet annonce que les autoroutes sont trop décriéezs alors qu’elles ont des atouts écologiques et plus d’un centaine de millions d’euros sont annoncés pour partenariat avec Cofiroute qui annonce dans la foulée des gestes verts comme l’éradication de terre-pleins végétalisés pour remplacement par des béton. Oui, oui, tout celà est véridique.
    Pendant ce temps, des milliers d’habitants continuent de respirer des NoX. Une grosse majorité d’entres eux s’en foutent: tant que l’autoroute leur donne la liberté d’aller chez IKEA, Carrefour ou en vacances dans le sud, pourquoi la dénoncer?

Les commentaires sont clos.