La grande arnaque écologique

Eco-voitures, bio-carburants et arnaques écologiques

En matière d’arnaque écologique, les constructeurs automobiles et les compagnies pétrolières rivalisent d’imagination pour nous faire avaler la pillule de la « voiture propre », des carburants « bio », des « voitures vertes » ou autres « éco-voitures ». En fait, la mode automobile du moment consiste principalement à ajouter les préfixes « bio » ou « eco » à tout ce qui concerne la production d’automobiles ou de carburants, alors même que la massification mondiale de l’automobile est pourtant en train de détruire la planète.

On connaissait déjà les escrolos de la pub ou les tenants des « biocarburants », qui sont tout sauf « bio », mais une revue de détail des principaux constructeurs de voitures nous montre à quel point l’automobiliste est pris pour un gogo, ou plutôt un « écologogo »…

Sans entrer dans une analyse psychanalytique approfondie, il n’est pas difficile de saisir la portée de ce vaste mouvement d’éco-compatibilité. Les constructeurs automobiles savent depuis longtemps que leur activité (et ses conséquences) est l’une des plus polluantes qui soit. Ce qui est nouveau, c’est que les gens commencent petit à petit à en prendre conscience aussi, suite à la médiatisation du protocole de Kyoto, à la conférence de Bali, au Grenelle de l’Environnement, et tout simplement à force de respirer la pollution automobile tous les jours en ville…

On est donc loin d’entrer dans une véritable rupture écologique, d’ailleurs les constructeurs automobiles européens ne parviennent pas à produire les réductions d’émissions de CO2 promises à la Commission européenne en 1998. Le taux d’émissions des nouveaux véhicules a baissé de seulement 0,2% en 2006, le plus mauvais résultat jamais obtenu, malgré l’engagement des constructeurs.

Les nouvelles voitures vendues en Europe en 2006 par les membres de l’Association des Constructeurs Européens d’Automobiles (ACEA) ont émis 160 g de CO2 au kilomètre en moyenne, soit une baisse de moins d’un demi gramme par rapport à l’année précédente. L’ACEA, qui représente 81% des ventes en Europe en 2006, s’était engagée à atteindre 140 g/km d’ici 2008, mais ne parviendra pas à cet objectif.

Greenwashing et Biopouvoir marketing

Comment faire alors, lorsqu’on pollue massivement et qu’on est responsable de quantités énormes de CO2 émises dans l’atmosphère, alors même qu’on ne respecte pas ses propres engagements vis-à-vis des instances politiques européennes?

La solution est publicitaire et marketing : le greenwashing, spécialité marketing qui consiste à déguiser le moindre modèle, la moindre période de promotion, le moindre carburant, la moindre publicité en « produit vert » éco-compatible. Devant la profusion d’allusions écologiques ou bio, il en devient même difficile de se repérer, et on finit par ne plus savoir de quoi on parle. Le biopouvoir marketing est en marche, ou plutôt, en voiture!

Revue de détail de la grande arnaque écologique:

Citroen
Programme airdream (« air de rêve » ou « rêve d’air », on croit rêver…). Airdream consiste à:
– avoir des émissions de CO2 ingérieures ou égales à 130 g/km ou fonctionnant au GNV, mais il y a des exceptions quand même:
• 158 g pour les véhicules diesel équipés de FAP (Filtres à particule) et compatibles aux biocarburants (= à 130 g dans une approche du puits à la roue)
• 200 g pour les véhicules fonctionnant au Superéthanol E85 (= à 120 g dans une approche du puits à la roue)
– être frabriqué dans une usine agrée ISO 14001
– être valorisable (recyclage et valorisation énergétique) à 95% en fin de vie

Fiat
Chez Fiat, on parle des « eco citoyennes », qui sont des « véhicules particuliers neufs Fiat émettant moins de 130 g de CO2/km« . C’est génial, à 125 g de CO2/km, on est un « éco-citoyen »! Question: à 0 g de CO2/km (vélo), on est quoi exactement, un super-citoyen?

Ford:
Chez Ford, on parle carburant avec le ford flexifuel, obtenu principalement « à partir de matières premières végétales telles que les déchets de bois, la betterave à sucre ou les céréales ». En fait, le ford flexifuel est du superéthanol E85, qui est un « biocarburant » composé à 15 % d’essence et à 85 % de « bioéthanol ». Les Ford Flexifuel fonctionnent indifféremment au superéthanol E85, à l’essence sans plomb ou avec un mélange des deux. Avec Ford, on est donc dans la catégorie « biocarburant » quand on se préoccupe d’environnement, quand bien même les « biocarburants » sont pire que le pétrole qu’ils sont censés remplacer durablement.

Lancia
Chez Lancia, on fait très fort côté environnement, avec deux initiatives remarquables et remarquées:
-Les journées portes ouvertes EcoloChic: tout est dans le nom! Ils devaient hésiter avec « EcoloBobo », mais EcoloChic, ça fait quand même plus chic!
-Collection EcoloChic Lancia : versions émettant 130 g ou moins de CO2/km et versions non pénalisées par Malus écologique. C’est donc « écolochic » d’émettre moins de 130 g de CO2/km?

Mazda
Mazda propose quant à lui la « Charte Mazda pour l’environnement global »: ça fait classe et ça en jette un peu. De cette ambition est né « Eco Mark Mazda », pour distinguer les voitures « équipées de technologies environnementales »… là par contre, ça reste bien fumeux, mais bon, si c’est « Eco »…

Mercedes-benz
Mercedes-benz a fait un gros travail sémiologique sur les carburants: sur leur site, on parle de « sundiesel » (le diesel du soleil?), de « biomass-to-liquid » ou BTL, et évidemment de biodiesel (diesel bio?): on attend très vite le diesel équitable?

Mitsubishi
Mitsubishi s’était quant à lui rendu célèbre il y a quelques temps pour une publicité osée: Le 4×4 « conçu au pays du protocole de Kyoto » : ce que ne disait pas la pub pour l’Outlander Mitsubishi, c’est que ce véhicule émet 30% de C02 en plus que ce que recommande le traité de Kyoto…

Opel
Opel propose lui les « primes ecoflex »: il s’agit de remises opel intégrant le bonus écologique du gouvernement… On connaissait le préfixe Eco pour des modèles de voitures ou des journées portes ouvertes, mais Opel innove avec carrément les primes Eco!

Peugeot
Du côté du constructeur français Peugeot, il y a le « programme blue lion » qui nécessite trois caractéristiques:
– avoir des émissions de CO2 ingérieures ou égales à 130 g/km ou fonctionnant au GNV
– être frabriqué dans une usine agrée ISO 14001
– être valorisable (recyclage et valorisation énergétique) à 95% en fin de vie
Signalons aussi que Peugeot a innové dernièrement avec ses « promos propres » et le slogan qui va avec: « la nature s’en souviendra ». C’est sûr, la nature elle commence déjà à s’en souvenir du milliard de voitures en circulation sur Terre…

Lire aussi :  Plaidoyer pour l'Autoroute

Renault
Chez Renault, c’est le programme eco² qui a le vent en poupe. La signature Renault eco² est décernée à des véhicules sensés être…
• écologiques (des résultats sont mesurables sur toutes les étapes du cycle de vie)
• économiques (notamment en terme de consommation de carburant)

Un véhicule est certifié Renault eco² quand il satisfait simultanément trois critères.
* émet moins de 140g de CO2 par km,
* fonctionne à l’éthanol E85,
* ou roule au biodiesel B30.
En gros, c’est un peu le même genre de programme que chez Peugeot (quoique, moins exigeant sur l’aspect CO2), mais on ajoute le « biodiesel » pour le côté bio et le nom « eco² » pour le côté écologique (et économique).

Saab
Attention, chez Saab on fait très fort, avec le « biopower », un carburant « alimenté par la nature » (rien que ça!) et le slogan qui va avec: « appréciez davantage de puissance, la conscience tranquille« . Ce carburant « alimenté par la nature » est en fait du « bioéthanol » E85 (E85 est un « biocarburant » composé à 15 % d’essence et à 85 % de « bioéthanol »). En gros, rien de bien nouveau, mais il faut avouer que « biopower », ça fait classe (le « pouvoir bio »? la « puissance bio »?)

Seat
Seat lance de son côté la gamme « ibiza ecomotive » présentée comme le « flower power » (pouvoir des fleurs). Sans commentaires…

Toyota
Chez Toyota, on est conscient que l’automobile est un problème (en particulier pour leurs profits?) et on sort le slogan qui tue: « Pour que l’automobile continue d’être un moyen de transport durable au 21ème siècle, Toyota estime qu’il est important de prendre des mesures proactives pour réduire son impact sur l’environnement tout au long de son cycle de vie. »
Dans le détail, Toyota nous sort toute la panoplie du parfait écolomobiliste:
-Le « clean power diesel » (le pouvoir du diesel propre?)
-Des conseils « d’eco-conduite » (exemple: fermez vos fenêtres en roulant…): c’est sûr qu’avec cette politique environnementale, Toyota va ralentir le réchauffement de la planète…
-Vers l’éco-voiture ultime… : que dire de plus?
-Technologies vertes : pourquoi pas « vert foncé » non plus?
-Fabrication propre : parce que l’utilisation est sale peut-être?


« Charteco » selon Volkswagen…

Volkswagen
Le constructeur Volkswagen fait quant à lui dans le classique, avec des journées promotionnelles estampillées écolo: les « éco(instants) ».
Chez Volkswagen, on trouve aussi la « Charteco », charte du groupe en matière d’environnement. (concerne aussi les constructeurs Audi et Skoda). Où l’on apprend que Volkswagen AG était co-organisateur du premier sommet de la terre à Rio de Janeiro… rien que ça! Ils vont peut-être nous annoncer bientôt que c’est grâce à eux qu’on a pris conscience du réchauffement de la planète? Dans le détail, le concept Charteco vise à la « protection de l’environnement par la valorisation des déchets« . En gros, pas de quoi révolutionner la planète, tous les cosntructeurs sont astreints réglementairement à valoriser leurs déchets, ce qui est quand même la moindre des choses!
En matière de publicité (pour la Passat TDI), Volkswagen a fait aussi très fort récemment avec un slogan imparable: « La nature vous préoccupe. Et si votre premier geste citoyen était d’acheter une voiture? »

Volvo
En matière environnementale, chez volvo, on apprend « qu’il n’y a pas que les moteurs qui produisent des émissions« , il y a aussi les tableaux de bord et les ceintures de sécurité « qui ne sont pas inoffensifs car ils sont susceptibles de provoquer des allergies« . Quand les constructeurs automobiles se préoccupent de nos allergies… Volvo a-t-il prévu quelque chose contre l’allergie à l’automobile? On attend vivement les conseils de Volvo concernant l’acnée et la cirrhose du foie… Pour ce qui concerne la pollution par les microparticules ou les émissions de CO2 dans l’atmosphère, on verra plus tard…
Côté carburant, Volvo propose également sa gamme flexifuel : utilisation de « bioéthanol » E85 (E85 est un « biocarburant » composé à 15 % d’essence et à 85 % de « bioéthanol »).

Biobusiness et écocide

Ainsi, au-delà de l’aspect amusant d’une telle débauche de qualificatifs bio ou eco pour une industrie qui est sans doute à l’échelle planétaire l’une des plus polluantes qui soit, cette vague pseudo-écolo qui consiste à repeindre en vert une industrie automobile responsable en partie du dérèglement climatique et de la pollution urbaine, paraît particulièrement pitoyable. En la matière, le biobusiness de l’automobile mène avant tout à l’écocide (acte de destruction d’un écosystème, notamment par l’exploitation excessive de celui-ci dans le but de subvenir à d’autres processus ou systèmes).

Le souci premier des constructeurs automobiles n’est en effet pas de produire la voiture la moins polluante et encore moins d’inciter à des choix de mobilité responsables. Il n’y a somme toute là rien d’étonnant ni même de choquant : leur raison d’être est économique et non sociale ; leur objectif est de vendre un maximum de véhicules et de dégager un bénéfice optimal pour leurs actionnaires.

Cette vague verte affectant le secteur automobile a pour unique objectif de faire croire en la bonne volonté du lobby automobile et en sa capacité à prendre seul les dispositions permettant de réduire les émissions liées au trafic routier. Objectif final : échapper aux mesures contraignantes qui placeraient véritablement les constructeurs devant leurs responsabilités et les empêcheraient de poursuivre leur « business as usual ». Ce qui démontre par l’absurde la nécessité pour les pouvoirs publics de définir avec rigueur le cadre dans lequel ce business devra s’exercer pour préserver l’intérêt collectif.

3 commentaires sur “La grande arnaque écologique

  1. Vert de rage

    Et pour que toutes ces nouvelles « eco-voitures » puissent rouler, les bétonneurs et les pollueurs viennent d’inventer les « éco-autoroutes »! Et ce n’est pas une blague:

    ANGERS, 23 avr 2008 (AFP). Cofiroute, filiale autoroutière du géant du BTP Vinci, a ouvert jeudi les 18 kilomètres de l’A11 qui contournent Angers (Maine-et-Loire) par le nord et bouclent l’axe Paris-Nantes, inaugurant le concept d’une “éco-autoroute, conviviale et sûre”.

    Il s’agissait de construire une autoroute “au service de la mobilité durable” qui soit “en phase avec les attentes du Grenelle de l’environnement”, a-t-il résumé.

    M. Coppey a ainsi cité: les courbes du terrassement “harmonisées” avec celles du terrain naturel, les 17 ouvrages hydrauliques qui “recueillent, décantent et déshuilent” toutes les eaux de ruissellement de la chaussée, cinq passages pour les animaux, des haies pour les oiseaux et une mare réaménagée pour les batraciens.

    En outre, 28.000 arbres et arbustes d’essences diverses ont été plantés, soit deux par mètre linéaire et 30.000 m2 de protections acoustiques ont été posés.

    Le PDG de Cofiroute s’est dit fier d’avoir pu restituer “aux riverains 10 hectares de terrain grâce à la couverture du tunnel, mis à la disposition des communes pour la création de nouveaux espaces verts”.

    Il a souhaité que la “haute qualité environnementale incarnée, selon lui, par l’A11 Angers devienne la norme pour l’ensemble de notre réseau”.

    Le trafic attendu est de 65.000 véhicules par jour.

    Remarque: On attend avec impatience les « éco-centrales nucléaires » et les « éco-fusils mitrailleurs »…

  2. bioethanol

    A quand un bio-gouvernement et une bio-publicité qui arrêteraient de polluer nos cerveaux…

    Je vois que l’article date de 2008, 2 ans après ça n’a pas tellement changé et perso je n’en peux plus!

  3. Boutique bio

    Il est vrai que 2 ans après les choses n’ont pas énormément évolué… C’est bien dommage…

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