La ville-monstre

La ville-monstre. La ville-pieuvre. Tentaculaire dans ses artères. Elles deviennent monstrueuses avec l’âge. Et alors elles sont le Grand Londres, le Grand Paris, le Grand Moscou. Des blobs qui ne cessent d’englober. Bientôt la ville-monde ?

Déjà un continent est urbanisé à 75%, l’Océanie dans ses trois quarts, n’est que ville.

La cité immense avance par ses périphéries, ses banlieues de misère et de pauvreté, des misérables espérant atteindre le centre, le coeur, celui du confort, du luxe, historique. La ceinture de la ville, ce sont les taudis, les squats, les slums, les favelas, les colonias proletarias, les kampongs, etc.

Le cœur bat au rythme de sa bourse connectée aux cours et aux fluctuations. Le centre est celui des sièges sociaux des plus grandes firmes. Celui des costumes-cravates-attachés-case des avocats, publicitaires, comptables, experts en comm’, traders, etc. Protégés dans leur centre bourgeois par une spéculation foncière, une gentrification des élus pour une vitrine de la ville prestige et bobo…

Carte des plus grandes villes du monde

Les villes-monstres se répètent, se dupliquent, se copient. Mexico, Djakarta, Buenos Aires, Dacca, Los Angeles, Mumbai, etc. La ville monstrueuse est celle des eceteras.

Royaume de la voiture dans ses freeways, ses périph’, ses rings, ses anneaux de routes à 2 voies, 3 voies, 4 voies, etc. Dans les villes étasuniennes, le piéton est un marginal, un louche. La bagnole est le meilleur outil, le meilleur agent pour que le royaume urbain se répande face à son opposé, son négatif : le rural. La voiture attaque aux ordres de la ville tentaculaire. Pan ! Equipement routier ! Pof ! Pollution atmosphérique et sonore ! Vlan ! Lotissement et buildings ! La ruralité est KO. Koyaanisqatsi…

L’art de se répandre sans en avoir l’air grâce aux citadins dans les pays riches. L’urbanisation diffuse avec les meilleures intentions. Le citadin veut maintenant un habitat campagnard, vivre au contact de la nature, il veut de l’authentique comme dans les belles émissions de vacances de Monsieur Nicolas Hulot

C’est tendance autant en Europe, aux USA, au Japon. On veut la nature, ô oui, mais la nature paysage. Après tout, le citadin n’est pas paysan. Vivre à la campagne, le panard, sauf que ceux qui font la campagne, les campagnards ne sont pratiquement plus là…

Du coup, le « rurbain » détruit la nature en la désirant comme décor. Il prend la voiture systématiquement dans des distances bien plus grandes. Ou alors, top tendance, la « e-urbanisation », tout commander sur la toile quand dans la ville, tout était au coin de la rue, le « e-urbain » attend sa livraison motorisée en voiture, camionnette, poids-lourds, etc.

Lire aussi :  Gaz de Schiste, l'imposture médiatique aussi (2)

Le rurbain est bien plus polluant, malgré lui, que l’urbain de la ville compacte. Le rurbain ne travaille pas la terre, il agrandit le garage, creuse une piscine. Son empreinte écologique est catastrophique. L’empreinte écologique ? C’est l’étendue nécessaire au renouvellement, par la nature, des ressources que nous détruisons. En même temps, l’empreinte écologique de l’humanité dépasse aujourd’hui d’un tiers la biocapacité de la planète Terre.

Les villes vues de l’espace

La ville-monstre convoite aussi l’espace au-dessus. Un étalement urbain qui gratte le ciel. Chaque cité gigantesque veut son building, sa tour comme dans un grand concours mondial de « qui aura la plus grande », une compétition phallocratique.

Le Corbusier, le précurseur qui devait vraiment complexer sur la taille, exigeait en 1936 pour Paris une tour de 2 000 mètres. Moscou a la sienne de 448 mètres, Paris attend sa tour sur la Défense pointant à 300 mètres en 2012. Dubaï a battu le monde avec sa récente tour phallique de plus de 800 mètres de hauteur.

Le Japon prépare déjà la vision du Corbu avec un pyramide de 2 000 mètres en préparation pour loger 700 000 résidents. La ville compacte empile les âmes. C’est le mythe de la rue verticale sans espace public à part un ascenseur où tout le monde regarde ses pieds, une impasse verticale où la rencontre ne se fait plus. La tour est bouffeuse d’énergie, elle qui est souvent tour de verre, exigeant air conditionné, entretien délirant et difficile, avalant l’ensoleillement tout autour, multipliant la force des vents et pire que tout destructrice de tout esthétisme…

La ville-monstre avale toujours plus les étendues vertes et excrémente des étrons architecturaux en son coeur. Penser la ville autrement est-il possible.

Pistes à suivre dans le prochain billet sur http://chatardland.blogspot.com/

13 commentaires sur “La ville-monstre

  1. eunix

    « Déjà un continent est urbanisé à 75%, l’Océanie dans ses trois quarts, n’est que ville. »

    => euh… c’est une blague ???

    3/4 de l’Océanie serait urbanisée ? Je suis perplexe !

  2. CarFree

    Je ne pense pas que ce soit une blague, l’océanie est un continent avec une très faible densité. Je n’ai pas le taux d’urbanisation du continent, mais pour les deux pays les plus importants, c’est éloquent:
    australie: 92,6%
    nouvelle-zélande : 75%

  3. joshuadu34

    Eunix, tu confonds, en fait, l’urbanisation et le bétonage. En fait, l’urbanisation consiste à comptabiliser le nombre d’habitants des grandes villes par rapport à la population totale… Voilà…

    Pour l’emprunte écologique, rendons à César (…), et citons donc, pour ceux qui, curieux de savoir le poid des atteintes à l’environnement qu’ils commettent, aiment les chiffres, les auteurs de cet excellent bouquin… Donc, « l’emprunte écologique », c’est de Aurélien Boutaud et Natacha Gondran, et vous le trouverez dans les bonnes librairies aux éditions « la découverte » (si mes souvenirs sont bons, ça doit tourner à 5 où 6 euros en neuf, et beaucoup moins en occaz)

  4. eunix

    Désolé d’être un peu tatillon, mais si vous voulez rester un site sérieux, il ne faut pas dire « l’Océanie dans ses trois quarts, n’est que ville. » (ce qui n’est pas du tout la même chose que « le taux d’urbanisation est de 75 % » !)

    Y’a peut-être un paquet de désert en Océanie non ?

  5. CarFree

    « Désolé d’être un peu tatillon », mais la phrase en question ne pose pas problème à partir du moment où on sait ce qu’est le taux d’urbanisation…

  6. MOA

    Eunix, la phrase complète et dans l’ordre est « Déjà un continent est urbanisé à 75%, l’Océanie dans ses trois quarts, n’est que ville. »

    Donc aucun problème de compréhension pour ma part.

  7. eunix

    Quand je lis « l’Océanie dans ses trois quarts, n’est que ville », je comprends que 75 % de la surface de l’Océanie est considérée comme étant de la ville, ce qui est évidemment faux !

    Alors peut-être que tu le comprends pas comme ça, mais si un mec lambda arrive sur ce site, sans grande connaissance sur le sujet, il va se dire : mais c’est qui ces guignols ? Je dis ça pour la crédibilité du site, que j’adore par ailleurs et que je consulte quasiment tous les jours…

    PS : Merci, mais je pense savoir ce qu’est un taux d’urbanisation… Et c’est bien pour ça que je trouve que les 2 parties de la phrase incriminée ne vont pas ensemble ! ça coûte quoi d’en préciser un peu le sens ?

  8. eunix

    OK, apparemment je suis le seul à trouver qu’il y a confusion possible…

    Je m’incline !

  9. joshuadu34

    je sais pas s’il y a contentieux ou quoi… m’enfin, à priori, là dessus, Eunix ne remet pas en cause l’article mais soulève un point qui peut porter à confusion…

    À mon avis, si ça peut être compris ainsi, alors, effectivement, autant gommer toute possibilité de confusion, ce qui est fait en com’… on dit match nul, 1-1, et on se serre la main ? (;

    Pour ce qui est du texte dans son ensemble, pour ma part, j’avoue qu’il me plait assez, sinon…

  10. Cyril

    Merci pour ce texte criant de vérité, qui souligne que le graal du citadin de la classe moyenne supérieure, à savoir quitter la ville sans la quitter, est écologiquement bien pire que rester entassé avec ses congénères, et même en ignorant le surcroit de transports…

    Sinon +1 pour Eunix, ce genre de phrase volontairement borderline risque de faire fuir beaucoup d’égarés du web…

  11. Goodmusik

    Au final, il vaut peut être mieux que ces projets pharaoniques s’accumulent. Parce que pendant que les promoteurs s’amusent à construire des tours pour savoir qui aura la plus grosses, ils ne bétonnent pas (ou moins) en campagne. Le pire que nous pourrions faire (et qui est en train d’arriver, depuis 30 ans en fait) c’est que un jour il n’y aura plus le moindre mètre carré de nature autre que des parcs bien rangés, des jardins privés ou des constructions bétonnées.

  12. apanivore

    Si l’étalement urbain encourage le bétonnage, le maintien d’une population rurale et dispersée est à mon sens bien pire.

    http://www.statistiques.equipement.gouv.fr/rubrique.php3?id_rubrique=46
    D’après le 1er tableau sur les transports routiers j’ai calculé la longueur de voirie (autoroutes + nationales + départementales + communales) par habitant pour quelques départements :

    Paris (très urbain) : 1,6m/hab
    Rhône (urbain) : 6,5m/hab
    Seine-et-Marne (grande banlieue assez rurale) : 9,1m/hab
    Lozère (très rural) : 88.3m/hab
    Moyenne pour la France autour de 17m/hab

    Donc plus l’habitat est dispersé, plus on bitume.
    À nombre d’habitants égal, la campagne est plus bétonnée que la ville !

    Sinon comme Eunix je pense que la fameuse phrase peut porter à confusion en laissant penser que le territoire est urbanisé à 75% alors qu’il faut comprendre que la population est urbaine à 75%. Certes tout le monde devrait savoir ce qu’est un « taux d’urbanisation » mais le mot n’est pas utilisé …

  13. Chatardland

    Bonjour,
    C’est par hasard que je suis tombé sur votre site qui reprenait il y a deux ans une page de mon blog. Je suis content que cet article, sans prétention aucune mais plus proche de la tribune voire du coup de gueule, soit repris. C’est sympa. Evidemment, en ayant lu les commentaires, je me rends compte de l’erreur que j’y ai faite et je l’ai corrigé comme j’ai pu. Au temps pour moi, et merci de l’avoir vu, c’est vrai que c’est n’importe nawak, surtout dans l’intro… Mieux vaut tard que jamais. Chatardland est cette année plus axé sur la manipulation des esprits dans les médias, la culture ou l’éducation… Toujours dans l’esprit tribune/coup de gueule, avec parfois ses approximations voire ses erreurs même si j’essaie de faire attention.
    Merci encore et j’apprécie votre site également, étant moi-même sans permis et vélo-taffeur par tous les temps.
    Ciao

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